Découvertes d’un bibliophile/Lettre 3

Frédéric Busch
Imprimerie G. Silbermann (p. 9-11).


III.


Strasbourg, le 9 avril 1843.


Monsieur l’Abbé,



Il résulte de l’explication que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser que c’est par charité pour le pénitent, parce que ses péchés, de matériels et de non imputables qu’ils étaient, pourraient devenir des péchés formels, et qui lui seraient justement imputés, que le confesseur ne doit pas l’éclairer sur la nature de ses actions. « Ce n’est que lorsque le confesseur prévoit avec certitude que le pénitent, quoique averti, ne se corrigera pas, et qu’il commettra ainsi sciemment les péchés qu’il commettait auparavant sans s’en douter ; ce n’est que dans ce cas que le Compendium conseille de laisser le pénitent dans son erreur. » Or il me semble que cette supposition d’un pénitent incorrigible, d’une exhortation entièrement stérile, cette CERTITUDE dans la prévision de péchés futurs que rien ne saurait empêcher, constituent précisément le fatalisme. Elles sont une contravention flagrante, une révolte ouverte contre la loi de Jésus-Christ. Car c’est pour corriger les hommes, pour les rendre meilleurs, que son Église a été instituée. « Malheur aux incorrigibles ! Malheur à ceux qui ont des yeux pour ne point voir, et des oreilles pour ne point entendre ! Malheur aux pécheurs endurcis ! » La prévision de ces maux n’a point empêché notre divin maître de venir remplir sa mission et de parler aux hommes. « Si non venissem, et LOCUTUS fuissem eis, PECCATUM NON HABERENT : nunc autem EXCUSATIONEM NON HABENT DE PECCATO SUO » (saint Jean, XV, 22). Je n’ajouterai rien à ces paroles ; elles portent avec elles la condamnation la plus éclatante, la plus irrévocable de la charité du Compendium.

Je sais, Monsieur l’abbé, combien vos moments sont précieux dans ces jours solennels ; je me bornerai donc en terminant à reproduire un passage que j’ai lu avec plaisir il y a quelques jours.

« La vérité n’est pas, quoi qu’on en dise, si difficile à connaître. Chacun sans doute est maître de dire non ; mais la conscience est INFAILLIBLE, et son aiguillon ne saurait être écarté ni émoussé. Que fait-on pour se mettre à l’aise et pour contenter à la fois la paresse qui ne veut point examiner et l’orgueil qui ne veut point se dédire ? etc. » (Lettre de M.de Maistre à une dame protestante : Abeille du 31 mars 1843, p. 793). Je n’aurai point la paresse qui ne veut point examiner, si vous me permettez, Monsieur l’abbé, avec cette condescendance dont vous venez de me donner la preuve, d’achever dans une prochaine lettre la revue du Compendium, et d’en soumettre les principales doctrines à nos consciences, dont l’infaillibilité est reconnue par le comte de Maistre lui-même. Puissé-je être amené à me dédire de l’opinion que ces doctrines m’ont inspirée !

Veuillez agréer, etc.