Cymbalum mundi/Édition Garnier

NOTES
SUR LE CYMBALUM MUNDI[1].

Avertissement. Il paraît… que le P. Mersenne n’avait pas vu par lui-même le Cymbalum Mundi, ou que, s’il l’avait vu, il n’en avait conservé qu’une idée fort imparfaite. Il ne fait mention que de trois dialogues : il y en a quatre. Il appelle l’auteur Peresius. Enfin il n’ose pas assurer que cet ouvrage soit destiné à attaquer les fondements de la religion, ni fallor. C’est cependant sur des notions si confuses que ce minime a mis, sans hésiter, l’auteur au nombre des athées.

Le minime, et très-minime, juge ainsi de tout. C’était le colporteur de Descartes ; il n’était pas ens per se, mais ens per aliud.


Lettre de Thomas du Clévier. Il y a huit ans environ, cher ami, que je te promis de te rendre en langaige françois le petit traité que je te montrai, intitulé Cymbalum Mundi.

Ce Cymbalum, intitulé joyeux et facétieux, n’est ni l’un ni l’autre. C’est une froide imitation de Rabelais : c’est l’une qui veut donner la patte comme le petit chien. Les juges qui entendirent finesse à cette ineptie n’étaient pas les petits chiens. Cet ouvrage n’a eu de la réputation que parce qu’il a été condamné. Rabelais ne le fut point ; c’est une nouvelle preuve qu’il n’y a qu’heur et malheur dans ce monde. Lira qui pourra le Cymbalum Mundi, autrefois si célèbre chez un peuple grossier, et commenté dans ce siècle-ci par des sots.


Dialogue Ier. — Juno m’a donné charge en passant que je lui apporte quelque dorure, quelque jaseron, ou quelque ceincture à la nouvelle façon.

On a cru que (Juno) c’était la sœur de François Ier, Marguerite de Navarre, favorable aux nouvelles opinions.

… Huit petits enfants que les vestales ont suffoqués.

Il y avait alors beaucoup de débordement dans les couvents de religieuses, et on les accusait de défaire leurs enfants.


Et cinq druides qui se sont laissez mourir de manie et male rage.

Les druides étaient les docteurs de Sorbonne, dont Rabelais et Marot parlent tant : on leur reprochait beaucoup de vices et beaucoup d’ignorance.


C’est le livre de Jupiter, lequel Mercure veut faire relier… Tiens, voilà celui que tu dis, lequel ne vault de guères mieulx.

On a pensé que le livre de Jupiter était les Décrétales, et que celui qui ne vaut de guères mieux est un livre de Calvin.


Dialogue II. — Personnages… Rhétulus.

On a cru que ce Rhétulus était Luther.


Quand tu leur dis que tu avais la pierre philosophale.

La pierre philosophale est l’argent que Rome extorquait de toutes les provinces catholiques, à ce qu’on prétendait.


L’autre tient que de dormir avec les femmes n’y est pas bon.

Le dormir avec les femmes est une allusion au célibat ordonné aux prêtres dans l’Église romaine.


Je te mènerai au théâtre, où tu verras le mystère.

Allusion visible au mystère qu’on jouait alors sur le théâtre.


À ceulx qui n’osaient naguères regarder les vestales je fay maintenant trouver bon de coucher avec elles.

Cela indique manifestement les premiers moines défroqués protestants, qui épousaient des religieuses. Il paraît par là que Bonaventure Despériers se moquait principalement de la religion protestante ; et c’est peut-être pour avoir excité la colère des deux partis qu’il se tua de désespoir. Mais ce qui est encore plus vrai, c’est que ce livre ennuie aujourd’hui les deux partis.


Il me faut aller encore faire quelque petit message secret de par Jupiter, mon père, à une dame laquelle demeure auprez du temple d’Apollo.

C’est probablement Diane de Poitiers.


Dialogue III. — Ung perroquet qui sçache chanter toute l’Iliade d’Homère ; ung corbeau qui puisse causer et haranguer à tout propos ; une pie qui sçache touts les préceptes de philosophie ; ung singe qui joue au quillard ; une guenon pour lui tenir son miroir le matin quand elle s’accoustre, etc.

On prétendit que ce morceau désignait plusieurs personnes connues ; et que ce fut la vraie origine de la persécution.


Qu’est-ce à dire cecy ? Par la vertubleu, mon cheval parle.

Les chevaux d’Achille, le bélier de Phrixus, l’âne de Balaam, ont parlé.


Il est pour faire un présent au roi Ptolomée.

Serait-ce la traduction des Septante, présentée à un Ptolomée ?


Dialogue IV. — On viendrait de touts les quartiers du monde là où je seroye, et bailleroit-on de l’argent pour me voir et ouyr parler.

Cela signifierait-il les faux miracles ?


Aux antipodes supérieurs ?

Les antipodes inférieurs ne sont-ils pas les protestants ; et les supérieurs, les catholiques ?

FIN DES NOTES DU CYMBALUM MUNDI.
  1. Dans le tome III des Choses utiles et agréables (recueil que l’on doit à Voltaire ; voyez la note, tome VII, page 35) est réimprimé le Cymbalum Mundi de Bonaventure Despériers, avec des notes intéressantes. Ces notes, qui sont de Voltaire, portent non-seulement sur les quatre dialogues composant le Cymbalum Mundi, et sur la lettre de Thomas du Clévier à son ami Pierre Tryocans, qui se trouve dans l’édition originale de 1537 du Cymbalum Mundi, mais encore sur l’Avertissement mis, par Prosper Marchand, en tête de l’édition qu’il donna, en 1732, de cet ouvrage.

    Pour l’intelligence des notes, il m’a fallu rapporter les textes qu’elles concernent : j’ai eu soin d’indiquer à quelles parties ces textes appartiennent.

    Le troisième volume des Choses utiles et agréables, qui est beaucoup plus rare que les deux autres, porte la date de 1770. C’est donc à cette année que je devais placer les Notes sur le Cymbalum Mundi. (B.)