Création de Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Troisième partie/25

Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 217-220).


CHAPITRE XXV

DE LA BIENSÉANCE DES HABITS


Saint Paul veut que les femmes dévotes (il en faut autant dire des hommes) soient revêtues d’habits bienséants, se parant avec pudicité et sobriété. Or, la bienséance des habits et autres ornements dépend de la matière, de la forme et de la netteté. Quant à la netteté, elle doit presque toujours être égale en nos habits, sur lesquels, tant qu’il est possible, nous ne devons laisser aucune sorte de souillure et vilenie. La netteté extérieure | représente en quelque façon l’honnêteté intérieure. Dieu même requiert l’honnêteté corporelle en ceux qui s’approchent de ses autels et qui ont la charge principale de la dévotion.

Quant à la matière et à la forme des habits, la bienséance se considère par plusieurs circonstances du temps, de l’âge, des qualités, des compagnies, des occasions. On se pare ordinairement mieux ès jours de fête, selon la grandeur du jour qui se célèbre ; en temps de pénitence, comme en carême, on se démet bien fort ; aux noces on porte les robes nuptiales, et aux assemblées funèbres, les robes de deuil ; auprès des princes on rehausse l’état, lequel on doit abaisser entre les domestiques. La femme mariée se peut et doit orner auprès de son mari, quand il le désire ; si elle en fait de même en étant éloignée, on demandera quels yeux elle veut favoriser avec ce soin particulier. On permet plus d’affiquets aux filles, parce qu’elles peuvent loisiblement désirer d’agréer à plusieurs, quoique ce ne soit qu’afin d’en gagner un par un saint mariage. On ne trouve pas non plus mauvais que les veuves à marier se parent aucunement, pourvu qu’elles ne fassent point paraître de folâtrerie, d’autant qu’ayant déjà été mères de famille, et passé par les regrets du veuvage, on tient leur esprit pour mûr et attrempé. Mais quant aux vraies veuves, qui le sont non seulement de corps mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l’humilité, la modestie et la dévotion ; car si elles veulent donner de l’amour aux hommes, elles ne sont pas vraies veuves, et si elles n’en veulent pas donner, pourquoi en portent-elles les outils ? Qui ne veut recevoir les hôtes, il faut qu’il ôte l’enseigne de son logis. On se moque toujours des vieilles gens, quand ils veulent faire les jolis : c’est une folie qui n’est supportable qu’à la jeunesse.

Soyez propre, Philothée ; qu’il n’y ait rien sur vous de traînant et mal agencé : c’est un mépris de ceux avec lesquels on converse, d’aller entre eux en habit désagréable ; mais gardez-vous bien des afféteries, vanités, curiosités et folâtreries. Tenez-vous toujours tant qu’il vous sera possible, du côté de la simplicité et modestie, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté et la meilleure excuse pour la laideur. Saint Pierre avertit principalement les jeunes femmes de ne porter point leurs cheveux tant crêpés, frisés, annelés et serpentés. Les hommes qui sont si lâches que de s’amuser à ces muguetteries sont partout décriés comme hermaphrodites, et les femmes vaines sont tenues pour imbéciles[1] en chasteté ; au moins si elles en ont, elle n’est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles. On dit qu’on n’y pense pas mal, mais je réplique, comme j’ai fait ailleurs, que le diable en y pense toujours. Pour moi, je voudrais que mon dévot et ma dévote fussent toujours les mieux habillés de la troupe, mais les moins pompeux et affétés, et, comme il est dit au proverbe, qu’ils fussent parés de grâce, bienséance et dignité. Saint Louis dit en un mot, que l’on se doit vêtir selon son état, en sorte que les sages et bons ne puissent dire : « Vous en faites trop », ni les jeunes gens : « Vous en faites trop peu ». Mais en cas que les jeunes ne se veuillent pas contenter de la bienséance, il se faut arrêter à l’avis des sages.

  1. Faibles.