Correspondance entre George Sand et Gustave Flaubert/Lina Sand


LINA SAND


Le nom de Lina Calamatta, petite-fille de Houdon, qui devint par son mariage avec Maurice Sand, non pas la bru, mais la vraie fille de George Sand, doit demeurer lié à jamais à la Correspondance de l’auteur de La Mare au Diable et de ses correspondants.

Cette femme supérieure, si modestement admirable, voua sa vie à la grande âme qu’elle appelait si joliment « bonne mère » et que d’autres ont nommée « la bonne dame de Nohant ». Elle fut le ministre secret de ses charités et, sans ostentation, sans phrases, elle s’ingénia à écarter de l’existence de madame Sand tous les ennuis ou les soucis qui auraient pu l’atteindre. Agir et s’effacer, ces deux verbes résumèrent sa vie.

Quand la mort eut séparé Lina Sand de celle qu’elle aima d’un amour si profond et si tendre, son unique pensée fut de faire revivre son souvenir. C’est ainsi que, demeurée veuve, l’idée lui vint de compléter la Correspondance de George Sand, publiée par Maurice Sand, et d’y ajouter les lettres de ses correspondants, tels que Gustave Flaubert, Armand Barbès, Mazzini, le prince Napoléon, Marc Dufraisse, François Rollinat, Alexandre Dumas fils, Paul Meurice, Victor Hugo, etc., etc. L’œuvre était vaste, et elle se disait bien que ce travail ne pourrait être publié, elle vivante ; mais cette pensée ne l’arrêtait pas. Des rhumatismes rendaient parfois sa pauvre main douloureuse, elle supprimait alors toutes les lettres particulières, s’excusant par un mot auprès de ses amis ; elle réservait son temps et ses forces à « sa chère copie ». Elle travaillait silencieusement à l’insu de tous si ce n’est de ses proches ; mais, grâce à son effort persistant, les pages s’accumulaient sur les pages. J’avais l’honneur d’être son confident.

« Je ne puis pas vous dire, s’écriait-elle parfois, les joies que me cause cette correspondance. Bonne mère n’est plus morte pour moi, elle m’est rendue, je l’ai retrouvée. » Et souvent elle ajoutait avec un sourire doucement moqueur : « Le souvenir de ceux qui ne sont plus me dérobe l’égoïsme et la platitude de nos contemporains. N’admirez donc pas trop mon travail de préparation, c’est une besogne consolante à laquelle je trouve mon compte. »

C’est durant mon dernier séjour à Nohant que madame Maurice Sand me communiqua la double correspondance de George Sand et de Flaubert. Je fus un des premiers qui eurent l’honneur et la joie de connaître ces lettres qu’on va lire et qu’il ne m’appartient pas d’apprécier. Madame Lina Sand avait rétabli avec un soin pieux tout ce qui avait été supprimé dans la publication première. Elle pensait, avec le vicomte Spoelberch de Lovenjoul, l’homme de notre temps qui sait le mieux quelle femme fut George Sand, que plus l’auteur des Lettres d’un Voyageur sera connu, plus il sera aimé et admiré.

Voici venue l’heure de publier une partie de cette Correspondance, qui éclairera peut-être un jour le xixe siècle autant que celle de Voltaire et de ses correspondants éclaire le xviiie. Rendons hommage à la mémoire de Lina Sand, qui eut l’idée de cette publication la première.

HENRI AMIC.