Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7525

7525. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
9 avril.

Mon cher ange, je n’ai point entendu parler des remarques de l’aréopage, je les attendrai très-patiemment. L’état où je suis ne me permettrait guère actuellement de m’occuper d’un travail qui demande qu’on ait tout son esprit à soi.

J’ai toujours un peu de fièvre depuis six semaines, et j’en ai essuyé dix accès assez violents. On en rira tant qu’on voudra ; mais j’ai été obligé de faire au dixième accès ce qu’on fait dans un diocèse ultramontain. Quand cette cérémonie passera de mode, je ne serai pas assurément un des derniers à me déclarer contre elle ; mais je ne vois pas qu’il faille se faire regarder comme un monstre par les barbares au milieu desquels je suis, pour un mince déjeuner : c’est d’ailleurs un devoir de citoyen ; le mépris marqué de ce devoir aurait entraîné des suites désagréables pour ma famille. Vous savez ce qui est arrivé à Boindin[1], pour n’avoir pas voulu faire comme les autres. Il faut être poli, et ne point refuser un dîner où l’on est prié, parce que la chère est mauvaise.

On m’assure que Stopani est pape. Il me doit assurément sa protection, car il y a deux mois que nous jouâmes aux trois dés la place vacante du Saint-Siège. Je tirai pour Stopani, et j’amenai rafle.

Vous avez eu la bonté de m’envoyer une lettre de M. Bachelier. Comme je ne sais point sa demeure, voulez-vous bien me permettre de vous adresser ma réponse[2] ?

Je me flatte que Mme d’Argental est en bonne santé. Conservez la vôtre, mon cher ange ; jouissez d’une vie agréable : quand je finirai la mienne, ce sera en vous aimant.

  1. Il était mort sans sacrement ; on lui refusa la sépulture appelée alors ecclésiastique. On l’enterra sans cérémonie ; voyez tome XIV, page 42.
  2. Elle manque.