Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7465

Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 244).
7465. — À M. LE PRINCE GALLITZIN.
25 janvier.

Monsieur le prince, l’inoculation dont l’impératrice a tâté en bonne fortune, et sa générosité envers son médecin, ont retenti dans toute l’Europe, il y a longtemps que j’admire son courage, et son mépris pour les préjugés. Je ne crois pas que Moustapha soit un génie à lui résister ; jamais philosophe ne s’est appelé Moustapha. On me dira peut-être qu’avant ce siècle il n’y avait point de philosophe nommé Catherine ; mais aussi je veux qu’elle s’appelle Tomyris, et qu’elle donne bien fort sur les oreilles à celui qui possède aujourd’hui une partie des États de Cyrus. J’ai eu l’honneur de lui marquer[1] que, si elle prend Constantinople, j’irai avec sa permission m’établir sur la Propontide : car il n’y a pas moyen qu’à soixante-quinze ans j’aille affronter les glaces de la mer Baltique.

Je crois qu’il y a un prince de votre nom qui commandera une armée contre les musulmans. Le nom de Gallitzin est d’un bon augure pour la gloire de la Russie.

Je ne crois point ce que j’ai lu dans des gazettes, que des canonniers français sont allés servir dans l’armée ottomane. Les Français ont tiré leur poudre aux moineaux dans la dernière guerre ; oseront-ils tirer contre l’aigle de Catherine-Tomyris ?

  1. Lettre 7394.