Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7451

Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 228-229).
7451. — À M. BORDES.
À Ferney, 10 janvier.

Je trouve, mon cher ami, beaucoup de philosophie dans le discours de M. l’abbé de Condillac[1]. On dira peut-être que ce mérite n’est pas à sa place, dans une compagnie consacrée uniquement à l’éloquence et à la poésie : mais je ne vois pas pourquoi on exclurait d’un discours de réception des idées vraies et profondes, qui sont elles-mêmes la source cachée de l’éloquence.

Il y a dans le discours de M. Le Batteux des anecdotes sur mon ancien préfet l’abbé d’Olivet, dont je connais parfaitement la fausseté ; mais la satire ment sur les gens de lettres pendant leur vie, et l’éloge nient après leur mort.

Il serait à désirer que les lettres[2] concernant Nonotte fussent réimprimées à Lyon, puisque les injures de ce maraud ont été audacieusement imprimées ; c’est d’ailleurs un factum dans une espèce de procès criminel. Il n’y a point de petit ennemi, quand il s’agit de superstition. Les fanatiques lisent Nonotte, et pensent qu’il a raison. Je crois que les Pères de l’Oratoire en seraient très-aises, et qu’il y a bien d’honnêtes gens qui seraient charmés de voir l’insolente absurdité d’un ex-jésuite confondue. Voyez ce que vous pouvez faire pour la bonne cause. L’ouvrage d’ailleurs est très-respectueux pour la religion, en écrasant le fanatisme.

Bonsoir, mon très-cher confrère. J’attends de Bâle un petit livre sur l’histoire naturelle[3], où il y a, dit-on, des choses curieuses ; je ne manquerai pas de vous l’envoyer.

  1. Pour sa réception à l’Académie française à la place de l’abbé d’Olivet, le 22 décembre 1768.
  2. Nous ne connaissons de lettre concernant Nonotte, et dont Voltaire puisse parler ici, que celle qui est tome XXVI, page 569. La Lettre anonyme, etc., qui est tome XXVII, page 401, est postérieure au 10 janvier. Mais Voltaire a peut-être aussi voulu parler des Éclaircissements historiques, qui sont tome XXIV, page 183.
  3. Des Singularités de la nature, tome XXVII, page 125.