Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6195

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 147-148).

6195. — À M. HENNIN.
À Ferney, 21 décembre.

J’écris à M. d’Argental, monsieur. Je lui dis que je vous ai remis le Mémoire de ses avocats. Ils n’ont consulté que l’étiquette. Ils se trompent sur quelques usages de Genève. Vous accorderez la justice avec les convenances.

Comme je dis à M. d’Argental tout ce qui me passe par la tête, je propose que vous soyez nommé médiateur. Je ne trouve rien de plus à sa place. Vous êtes sur les lieux ; vous êtes au fait ; on a confiance en vous. Vous monterez la machine comme médiateur, vous la ferez aller ensuite comme résident. Vous serez l’arbitre du petit État où vous êtes ministre, jusqu’à ce qu’on vous donne des emplois plus importants. Je ne vois nulle difficulté à cette nomination. Un résident de France vaut bien un ministre de Berne.

Vous croyez bien qu’en écrivant dans cette vue à M. d’Argental, je suis loin de vous compromettre ; que je donne cette idée comme une de mes imaginations que notre ancienne amitié me met en droit de lui confier. Enfin c’est une niche que je vous ai faite, et dont je vous avertis, afin que vous puissiez parer les coups que je vous porte, s’il vous en prend envie.

Si quelque jour vous faites l’honneur au vieux solitaire de venir dîner dans sa retraite, je vous promets moins de monde. Vous verrez des cœurs français aussi enchantés de vous pour le moins que les cœurs genevois, et beaucoup plus sensibles.

Mille respects. V.