Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6182

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 135-136).

6182. — À M. LEKAIN.
7 décembre.

Mon cher ami, vous aurez sans doute le crédit de faire mettre deux cartons à cette pauvre Adélaïde ; le libraire ne pourra refuser de prendre cette peine, que j’ai offert de payer.

Les deux fautes dont je me plains sont capitales, et peuvent faire très-grand tort à un ouvrage que vous avez fait valoir.

Le premier carton doit être à la page 30.


Non, c’est pour obtenir une paix nécessaire ;
Gardez d’être réduit au hasard dangereux
Que les chefs de l’État ne trahissent leurs vœux[1].


Il faut mettre à la place :


Non, c’est pour obtenir une paix nécessaire ;
On la veut, on en traite, et dans tous les partis
Vous serez prévenu, je vous en avertis.
Passez-les en prudence[2], etc.


Le second carton doit être à la page 39, où il se trouve deux vers répétés dans la même scène :


Enflé de sa victoire, et teint de votre sang.
Il m’ose offrir la main qui vous perça le flanc[3].

Il faut mettre à la place :


Tout doit, si je l’en crois, céder à son pouvoir ;
Lui plaire est ma grandeur, l’aimer est mon devoir.


Je vous demande en grâce d’exiger ces deux cartons. Si le libraire les refuse, exigez du moins qu’on fasse un errata, dans lequel ces deux corrections se trouvent. Vous sentez à quel point ma demande est juste. Celui qui a glissé dans ma pièce ce détestable vers inintelligible :


Que les chefs de l’État ne trahissent leurs vœux,


ne m’a pas rendu un bon service.

Mandez-moi, je vous prie, quand vous jouez Gustave[4].

On m’a écrit que si monseigneur le dauphin se porte mieux, il y aura encore des spectacles à Fontainebleau ; mais j’en doute beaucoup.

Je crois M. d’Argental à la cour ; c’est pourquoi je vous adresse cette lettre en droiture.

Adieu ; vous savez combien je vous suis tendrement dévoué. V.

  1. Voltaire s’est déjà plaint de ces vers dans sa lettre du 29 novembre, n° 6168.
  2. Voyez tome III, pages 103 et 138.
  3. Voltare a déjà parlé de ces vers dans la lettre 6162, du 25 novembre.
  4. Le Gustave Wasa, tragédie de La Harpe, non imprimée, fut joué le 3 mars 1766.