Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5762

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 317-318).

5762. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
14 septembre.

Divins anges, vous devez avoir reçu des fatras tragiques. Permettez que je vous parle d’un fatras de prose ; c’est un Dictionnaire philosophique portatif, qu’on m’attribue, et que jamais je n’aurais fait. Cela est rempli de vérités hardies que je serais bien fâché d’avoir écrites. M. Marin peut aisément empêcher que ce diabolique ouvrage n’entre chez les Welches. Si vous daignez lui dire ou lui faire dire un mot, je vous serai très-obligé. Il faut surtout qu’il soit persuadé que cette œuvre infernale n’est point de moi. Si j’étais l’auteur de tout ce qu’on met sur mon compte, j’aurais à me reprocher plus de volumes que tous les Pères de l’Église ensemble. Le petit ex jésuite est toujours au bout de vos ailes. Il attend les cinq, plus les trois, plus la première page du cinq. Cet opiniâtre candidat dit qu’il n’en démordra pas, dût-il travailler deux ans de suite ; c’est bien dommage que cela soit si jeune. On a de la peine à le former ; mais sa docilité et sa patience lui tiendront lieu de talent. Vous ne sauriez croire, mes anges, combien il vous aime.