Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5558

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 122-123).

5558. — À M. LE MARÉCHAL, DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 11 février.

Et, pour vous souhaiter tous les bonheurs ensemble,
Ayez un petit-fils, seigneur, qui vous ressemble.

(Corneille, Rodogune, acte V, scène iv.)

Cela est d’autant plus nécessaire que, selon ce que j’entends dire, il n’y a personne qui vous ressemble aujourd’hui. Où est l’éclat, la gaieté, le brillant, qui vous accompagnaient de mon temps ? Votre nom allait noblement et gaiement d’un bout de l’Europe à l’autre. Bien peu de gens soutiennent comme vous l’honneur de la nation, et mon héros laissera peu d’imitateurs.

Monseigneur le maréchal m’a bien fait l’honneur de me mander qu’il mariait M. le duc de Fronsac, mais le nom de la future[1] est resté au bout de la plume : ainsi je ne lui fais qu’un demi-compliment ; mais puisse votre maison s’éterniser comme vous avez immortalisé votre nom !

Je commence à espérer que je ne perdrai pas les yeux, quoiqu’ils soient dans un très-piteux état ; et si jamais vous retournez à Bagnères, je me ferai donner un ordre, signé Tronchin, pour vous y aller faire ma cour.

Je ne sais pas si vos noces sont déjà faites, mais je suis bien sûr que vous êtes le plus agréable et le plus gai de toute la compagnie. Jouissez longtemps de toutes les belles grâces que la nature vous a faites. Je ne dois pas vous importuner en vous félicitant ; et les occupations de la noce, des présentations, des visites, m’avertissent de vous renouveler mon tendre et profond respect sans bavarderie[2].

  1. Adélaïde Gabrielle de Hautefort de Juillet, mariée le 25 février 1764 à Louis-Sophie-Antoine du Plessis de Richelieu, duc de Fronsac : morte à Paris le 4 février 1767.
  2. Ici les éditions de Kelh cotiennent une lettre à d’Argental sous la date du 11 février 1764, qui diffère peu de celle du 7 septembre 1763. Nous avons donné les variantes tome XLII, pages 564-565.