Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5114

Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 312).

5114. — DE M. MOULTOU[1].

Je viens de lire, monsieur, le mémoire de Loyseau : il m’a mis hors de moi. Cet homme semble animé de votre esprit et agité par votre puissant génie. Je croyais presque lire une de vos tragédies.

Oui, monsieur, c’est le moment de frapper de grands coups. Je n’en puis douter après l’impression que m’a faite cette lecture. Mais ces coups, vous pouvez seul les porter. Et je m’obstine à penser que celui-là seul peut faire une révolution dans le gouvernement qui en a fait une si prompte et si étonnante dans les esprits.

Ce n’est donc pas assez d’avoir attaqué le fanatisme et l’intolérance, il faut les proscrire ; après nous avoir appris à ne plus nous haïr, apprenez-nous à nous aimer, et qui sait mieux que vous parler à nos cœurs ?

Il me tarde de m’entretenir avec vous de ces grands objets ; vos conversations élèvent mon âme ; vous lui communiquez cette précieuse chaleur d’humanité qui fait la vie de la vôtre. Dites-moi quel jour je pourrai vous voir à Ferney sans vous être importun.

Si j’étais fanatique, monsieur, ce ne serait pas sans un violent effort que je pourrais vous haïr. Je suis homme, jugez si je vous respecte et si je vous aime.

  1. Éditeur, A. Coquerel.