Correspondance choisie de Gœthe et Schiller/1/Lettre 25

25.

Réponse de Gœthe à la lettre précédente.

Je suis bien heureux que nous ayons enfin atteint cette période de nos travaux, bien heureux d’entendre vos premières paroles sur le huitième livre. Quel témoignage plus précieux pour moi que l’assurance que vous me donnez que ma propre nature et celle de mon œuvre sont en harmonie. Je vous envoie le septième livre, et, dès que je connaîtrai plus en détail votre opinion, je m’occuperai de nouveau du huitième avec grand plaisir.

Pendant une huitaine, mon temps sera absorbé par les affaires extérieures ; ce n’est pas un mal, car à force de composer des contes, on tournerait soi-même à la fable. Ensuite les Xénies, Cellini et mon roman se partageront le reste de juillet. J’ai choisi à peu près aussi votre genre de vie, et c’est à peine si je sors de chez moi.

Les nouvelles Xénies dans le genre digne, sérieux et délicat sont très-heureusement réussies ; pour compléter cette collection, j’ai aussi de mon côté toute sorte de projets ; il n’y a plus à trouver que le moment de l’inspiration.

Je suis content que vous ayez vu Richter[1]. Son amour pour la vérité et son désir de se charger de quelque œuvre utile m’ont aussi prévenu en sa faveur. Mais l’homme social est une sorte d’homme théorique ; et, en y réfléchissant, je doute que Richter se rapproche jamais de vous dans le sens pratique, quoique en théorie il semble avoir beaucoup d’affinité avec vous.

Portez-vous bien ; écrivons-nous beaucoup ce mois-ci ; car ce que nous avons à faire demande force encouragement.

Weimar, 29 juin 1796.
Gœthe.
  1. Jean-Paul Richter, né en 1763 à Wiensiedel dans le Fichtelgebirge, mort en 1825, auteur d’Hespérus, de Quintus Fixlein, de Levana, etc…, l’un des écrivains les plus célèbres de l’Allemagne ; il est surtout remarquable par son humour.