Contes secrets Russes/Conversations de famille

Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 33-34).

XIX

CONVERSATIONS DE FAMILLE


Un moujik avait une femme, une fille et deux fils encore en bas âge. La mère, étant un jour allée au bain avec les enfants, rassembla le linge sale et se mit à le laver ; penchée au-dessus de l’auge, elle tournait le dos à ses mioches. Ils regardaient en riant ce qu’elle leur montrait. « Eh ! Andriouchka, vois un peu, maman a deux κονς. — Qu’est-ce que tu chantes ? Il n’y en a qu’un, seulement il est divisé en deux. — Ah ! diables morveux, » gronda la paysanne, « voyez un peu de quoi ils se sont avisés ! » Elle revint chez elle, se coucha sur le poêle avec sa fille et une conversation s’engagea entre les deux femmes. « Eh bien, fillette, » commença la mère, « le moment approche où tu te marieras ; alors c’est avec ton mari que tu demeureras et non avec nous… — S’il en est ainsi, je ne veux pas me marier ! — Allons donc, que tu es bête ! Mais de quoi as-tu peur ? Loin d’effrayer les braves filles, le mariage leur fait même plaisir. — Pourquoi leur fait-il plaisir ? — Comment, pourquoi ? Quand tu auras passé une nuit avec ton mari, tu ne regretteras pas d’avoir quitté père et mère pour lui, il te paraîtra meilleur que le miel et le sucre. — Que trouverai-je donc de si bon en lui, matouchka ? — Ah, que tu es bête ! Voyons, lorsque tu étais petite, tu as été au bain avec ton père ? — Oui, » répondit la jeune fille. — « Tu as remarqué ce que ton père porte au bas du ventre ? — Oui, mère. — Eh bien, c’est cela qui est bon ! — Alors, » observa la fille, « si on coupait cette cheville de façon à en faire cinq, ce serait encore meilleur ! »

En entendant, ces mots, le père, qui était couché dans la soupente, ne put se contenir : « Ah, brigandes ! » s’écria-t-il, « qu’est-ce qu’elles disent ! Je ne peux pas couper mon υιτ en petits morceaux pour vous faire plaisir ! » Cependant la jeune paysanne se mit à réfléchir profondément sur la question : « Un υιτ, ce n’est pas assez, et deux n’entreraient pas ; le mieux est de les entortiller ensemble, comme cela ils pourront être introduits tous les deux à la fois. »