Contes populaires d’Afrique (Basset)/161

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 418-421).

XCVII. — SAKALAVE[1]

161

SANGAMBIRO, LE VAINQUEUR DU
CHEVAL FANTÔME[2]


Il était un roi qui régnait et qui n’avait qu’un enfant, une fille qui errait beaucoup. Dans une de ses courses, elle trouva un œuf. Elle le prit, le réchauffa, car il n’était pas brisé et le déposa dans sa maison. Au bout d’un certain temps, il en sortit un poulet. Ce poulet se changea en un veau, le veau en cheval et le cheval avait trois têtes. Le père de la fille lui dit :

— Les gens prétendent que ce cheval est possédé par un esprit : chaque poule qui passe à côté de lui, il la mange ; il mange les bœufs, il dévore les gens.

Par précaution, la fille du roi fut mise dans la partie supérieure de la maison.

Il y avait à ce moment le fils d’un certain homme riche qui avait été caché par ces gens dans un pot de fer. Le cheval fantôme dévora tous les gens dans la ville, roi et sujets. L’enfant de l’homme riche se traîna hors de l’endroit où il était caché et dit à sa mère qu’il voulait aller après le cheval et le tuer.

— Va, lui dit sa mère.

Il partit, portant une épée qu’il aiguisa à son départ.

La bête vint demander à la mère du garçon :

— Où est Sangambiro ?

Elle répondit :

— Il est allé aiguiser son épée.

Alors la bête s’en alla. Le jeune homme revint après avoir aiguisé son épée et fit ce vœu :

— Je vais aller tuer Sangambiro, la bête qui a dévoré tant d’êtres humains.

— Va, dit sa mère.

En route, il rencontra un certain fantôme à une tête qui le salua et lui dit :

— Qu’avez-vous dessein de faire ?

— Je vais voir Sangambiro.

— Venez, je serai votre compagnon.

Le garçon fut rempli de joie quand il entendit ce que disait le fantôme. Ils n’avaient pas marché beaucoup plus loin qu’ils rencontrèrent un fantôme à quatre têtes.

— Je serai votre compagnon, dit-il. Allons.

Ils continuèrent leur route et arrivèrent à Sangambiro à qui ils dirent :

— N’est-ce pas vous qui avez dévoré tout le peuple dans la ville ?

— C’est moi ; il n’y a pas d’erreur, dit la bête.

Le garçon et ses étranges compagnons se précipitèrent sur le cheval à trois têtes et le tuèrent.

Ils ouvrirent son estomac et toutes les personnes qu’il avait mangées sortirent. Le garçon et ses compagnons les mirent tous dans un grand pot de terre ; ils les firent cuire et elles devinrent propres. Ils leur firent cuire un peu de nourriture et la leur donnèrent à manger.

Tous les gens délivrés s’en retournèrent à leur demeure. Le roi fut le premier à parler et dit :

— Qui est-ce qui nous a tirés du ventre du cheval à trois têtes ?

Chacun s’écria à la fois :

— C’est moi.

— Quel mensonge, dit le roi : n’étions-nous pas tous dans le ventre du cheval ? vous êtes tous des menteurs ; dites-moi exactement qui l’a fait.

Le fils de l’homme riche dit alors :

— C’est moi qui l’ai tué.

— Où est la preuve ? dit le roi.

Alors le garçon lui montra son toupet.

— Oui. c’est exact : vous l’avez tué, dit le roi.

Celui-ci se réjouit beaucoup et dit à ses sujets :

— Cette personne m’a rendu à la vie et a rendu également mon peuple à la vie, aussi je lui donne la moitié de mon royaume.

Le roi lui accorda également sa fille en mariage. Il l’épousa et bientôt sa femme enfanta un fils, ce dont tout le peuple se réjouit. On nourrit l’enfant avec soin et chacun fut très heureux.




  1. Les Sakalaves habitent tout le long de la côte ouest de Madagascar.
  2. J. Richardson, More Folk-lore, Antananarivo Annual, IVe année, 1879, Antananarivo, 1879, London Missionnary Society, p. 450-451.