Contes du lit-clos/La Complainte des âmes

Contes du lit-clos
Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 76-78).

C’est Jésus qui rouvre la tombe
Où, Lui-même, un jour est venu !
Holà ! bien vite, que l’on tombe
À genoux-nus sur le sol nu !

Dans vos lits-clos, couverts de laine,
Vous dormez, vous, les bienheureux ;
Les pauvres Âmes sont en peine,
Qui rôdent par les chemins creux !

Cinq morceaux de bois, vite, vite
Cloués sur quelques linceuls blancs :
Voilà, quand il faut qu’on les quitte,
Ce que nous laissent les vivants !

Vous, qui dormez dans la nuit noire,
Ah ! songez-vous de temps en temps
Qu’au feu flambant du Purgatoire
Sont, peut-être, tous vos parents ?

Ils sont là vos pères, vos mères,
Feu par-dessus, feu par-dessous,
Espérant, en vain, les prières
Qu’ils ont droit d’espérer de vous !

Songez-vous qu’ils disent peut-être
A tous les Chrétiens d’ici-bas :
« Priez pour nous sans nous connaître,
« Puisque nos gâs ne le font pas !


« Dans le Purgatoire on nous laisse,
« Priez pour ceux qui ne prient pas !
« Priez pour nous ! priez sans cesse
« Puisque nos gâs sont des ingrats !…

Allons ! la Nuit n’est pas finie !
Priez tous au pays d’Armor,
Hormis les gens à l’agonie
Ou déjà surpris par la Mort !




L’ANKOU[1]




— Allez dire de proche en proche
Au cœur-de-sable, au cœur-de-roche,
Au « trop brave » comme au « tremblant »
Que l’
Ankou terrible s’approche
Avec son grand char noir et blanc !…

En me voyant chacun demande :
« Quel est ce vieux qui, par la lande,
S’en vient avec sa grande faulx ?
Il n’a pas une once de viande,
Non, pas une once sur les os ! »

  1. L’Ankou est, en Bretagne la personnification masculine de la Mort ; c’est l’ouvrier de la mort, le dernier défunt de l’année qui, dans chaque paroisse, revient sur terre chercher les trépassés.
    (A. Le Braz. — Légende de la mort).