Contes du lit-clos/La Chanson du retour

Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 301-304).

LA CHANSON DU RETOUR






La rancœur au coin des lèvres,
Le corps miné par les fièvres,
Le cœur malade d’ennui,
Vers ta rieuse campagne
Ô Bretagne, ma Bretagne !
Je m’en reviens aujourd’hui.

Ô bonne Mère féconde !
Veux-tu me remettre au monde,
Dis, une seconde fois ?
Dans mes veines appauvries
Mets le sang de tes prairies,
De tes champs et de tes bois !

Infiltre, infiltre en mes veines
La sève de tes vieux chênes
Et de tes pommiers nouveaux !
Mets sur mes deux lèvres, pâles
De la pâleur des opales,
Le sang des coquelicots !


Fais en mon âme fiévreuse
Éclore la paix heureuse
De tes couchants violets !
Pour qu’en mes yeux morts on voie
Resplendir l’ancienne joie,
Mets la candeur des bleuets !

Dans les sillons de mon Rêve
Si j’ai semé, le blé lève :
Je veux rentrer ma moisson !
Guéris-moi ! Vois je t’implore :
Je veux vivre, vivre encore,
Chanter encor ma Chanson !

Ma Chanson, veux-tu l’entendre ?
Elle est si douce, si tendre
Lorsqu’elle parle de Toi
Que ceux qui t’aimaient t’adorent
Et que ceux-là qui t’ignorent
T’aiment… à cause de moi !

Et Toi ? l’aimes-tu ton barde ?
… Oui, ton œil gris me regarde
Entre les nuages blancs :
Tu m’aimes ! Je le devine,
Car une force divine
Rend plus forts mes bras tremblants !…


Voici que ta chaude haleine
M’arrive à travers la plaine
Et dissipe ma rancœur…
Mon Âme est moins désolée
Et l’Espérance en allée
Déjà me revient au cœur !…

Oui, grâce à Toi je vais vivre :
Vois, je ris comme un homme ivre
Et je pleure en t’embrassant,
Toi qui veux que je guérisse,
Ô bonne Mère-Nourrice
Qui m’allaites de ton sang !…



Pour l’ami au drapeau

Y. Yalut 99