La Cie d’imprimerie et de gravures Bishop (p. 96-97).


XX


C’était longtemps après, un soir du printemps suivant.

Deux gars s’en venaient lentement le long du chemin. Ils devaient être des mauvais drôles. Ils riaient trop fort, paraissaient trop indifférents, comme sans âme devant la superbe nature qui s’offrait aux regards.

Claude, qui s’en allait à leur rencontre, les avait d’abord vus de loin et avait été choqué de leurs rauques éclats de voix qui insultaient au calme de ce beau soir.

De plus près ensuite, il les avait reconnus…

Mais, pourquoi cette pâleur si soudaine chez lui ? Pourquoi cette crispation sauvage et féroce de tous ses nerfs ?… Pourquoi s’était-il arrêté devant eux, barrant la route de son corps ?… Et ce terrible regard, de méprisante provocation qu’il tenait sur eux, comme on crache au visage, et dont il les foudroyait ?…

Silencieux, écrasés en respect, les deux gars s’étaient rangés devant Claude qui ne bougeait pas plus qu’un poteau de justice et ils avaient, sans se détourner, poursuivi lâchement leur chemin…

… Oui, ces voix rauques et sifflantes, c’étaient bien celles qu’il avait entendues au bal ; c’étaient bien les louches figures qu’il avait alors remarquées… Quand ils furent loin tous les deux, disparus sous les arbres du chemin, Claude respira longuement et reprit sa route de son côté.