Cléopâtre (Bertheroy)/Notes justificatives



NOTES JUSTIFICATIVES














NOTE 1

Naucratis était autrefois la seule ville de commerce qu’il y eût en Égypte. Si un marchand abordait à une autre bouche du Nil que la Canopique, il fallait qu’il jurât qu’il n’y était point entré de son plein gré, et qu’après avoir fait ce serment, il allât se rendre avec le même vaisseau à l’embouchure Canopique ; si les vents contraires s’y opposaient, il était obligé de transporter ses marchandises dans des barques autour du Delta jusqu’à ce qu’il arrivât à Naucratis. Telles étaient les prérogatives dont jouissait cette ville.

(Hérodote, I. II, 178.)

Cette ville dépendait du nome de Saïs ; c’était sous les rois égyptiens la seule ville où les commerçants étrangers pussent librement se rendre. Le pharaon Amasis permit ensuite aux Grecs de s’y établir. Naucratis était située sur le bord oriental de la branche Canopique et à l’occident de Saïs.

(Champollion, l’Égypte sous les Pharaons, I. II.)
NOTE 2

Le Kyphi est un parfum composé de seize ingrédients, de miel, de vin, de raisins secs, de souciet, de résine, de myrrhe, d’aspalathe, de seseli, de jonc odoriférant, d’asphalte, de feuilles de figuier, d’oseille, des deux espèces de genièvre, le grand et le petit, de cardamone et de roseau aromatique. Ces ingrédients ne sont pas mêlés au hasard, mais dans une proportion prescrite par les livres sacrés, qu’on lit à mesure à ceux qui sont chargés de composer ce parfum. Quant au nombre de seize, quoique ce soit un tétragone formé d’un autre, et que cette figure soit la seule qui, ayant ses côtés parfaitement égaux, ait aussi son périmètre égal à son aire, cette propriété contribue pour bien peu de chose dans l’effet salutaire des parfums. Comme la plupart de ces ingrédients ont une vertu aromatique, il s’en exhale une vapeur douce et active qui change la disposition de l’air, s’insinue dans le corps, donne à ses sens un mouvement convenable et l’invite agréablement au repos, lui procure des affections tranquilles, et, sans lui causer aucune ivresse, relâche et détend les impressions trop vives… Ces exhalaisons agissent puissamment sur l’imagination, le siège des songes, et, comme une glace bien polie, la rendent plus claire et plus pure ; elles ne sont pas moins efficaces que les sons de la lyre auxquels les pythagoriciens avaient coutume de s’endormir pour charmer, pour adoucir par ce moyen la partie raisonnable de l’âme, sujette au trouble des passions.

(Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris, p. 398 et suiv.)
NOTE 3

C’était la coutume, sur la côte d’Égypte où la navigation offrait tant d’écueils à cause des énormes roches qui formaient à fleur d’eau comme des îlots et dont la plupart étaient cachés sous les remous des vagues, de dédier des temples aux divinités protectrices des marins. En dehors de ce temple du Posidium consacré à Neptune, il existait, à l’extrémité du cap Zéphirium, entre Alexandrie et Canope, un autre sanctuaire consacré à Vénus Arsinoë. Les marins en danger priaient cette déesse, maîtresse divine de ces parages, pour l’apaisement des tempêtes et pour leur propre salut. À propos de ce sanctuaire le poète Posidippe écrivit deux épigrammes, dont l’une se trouve citée par Athénée ; l’autre se lit sur un papyrus publié par H. Weil.

Voici la première :

Rendez-vous propice et sur mer et sur terre ce temple de Vénus Arsinoë, l’épouse de Philadelphe, dont le navarque Callicrate a consacré la souveraineté sur le cap de Zéphyrium pour le salut des navires en danger.

Elle vous accordera un bon voyage, et, au milieu de la tempête, elle aplanira, si vous l’invoquez, la grande mer.

(Athénée, VII, 318.)

Voici la seconde :

Entre la falaise de Pharos et l’embouchure de Canope j’occupe, sur un cap qui s’avance au milieu des flots, de cette Lybie féconde en brebis la rive battue par les vents, qui se déploie et s’ouvre au zéphyr d’Italie.

En ce lieu Callicrate me consacra et me proclama sanctuaire de la reine Arsinoë Cypris.

Rendez hommage à Vénus la Zéphyrite qui exauce vos vœux ; venez, chastes filles des Hellènes, et vous aussi, travailleurs de la mer : car le navarque établit ce sanctuaire comme refuge entre toutes les vagues.

Papyrus Didot, publié par H. Weil. (Monuments grecs, no 8, 1879, p.  31.)
NOTE 4

Philon l’Alexandrin et quelques autres écrivains anciens rapportent que la ville d’Alexandrie était divisée en cinq quartiers ou circonscriptions portant le nom des cinq premières lettres de l’alphabet grec.

Mahmoud-Bey, dans son Mémoire sur l’antique Alexandrie, reconstitue ainsi les cinq grands quartiers de la ville :

1o La portion orientale, que l’on voit séparée du reste de la ville par une prairie, devait à elle seule former un quartier traversé par la voie Canopique et contenant l’Hippodrome. C’était le quartier de l’Hippodrome, par l’état de son sol le plus vaste de tous ; mais il ne devait pas pour cela en être le plus peuplé ;

2o Le quartier du Bruchium a dû embrasser tout le terrain situé entre la mer et la rue Canopique, entre la place l’Heptastade et la place du Centre sur laquelle donnait le Gymnase ; c’était le quartier des palais ;

3o Le quartier du Soma. Tatius rapporte que le Soma donnait son nom au quartier de la ville où il se trouvait ;

4o Le quartier du Museum, le plus petit de tous, séparé du quartier du Soma par une rue transversale, occupait un plateau situé entre deux aqueducs ;

5o Le cinquième et le dernier quartier, le quartier de Rakotis, se trouvait presque isolé de la ville, par une petite gorge qu’on voyait entre le monticule du Sérapéum et les hauteurs qui forment le noyau du quartier du Museum. Il était limité des autres côtés par la mer et les murs d’enceinte de la ville. Le Sérapéum en occupait l’extrémité sud-est.

(Mahmoud-Bey, Mémoire sur l’antique Alexandrie, Copenhague, 1872.)
NOTE 5

En ce qui concerne le perséa que Strabon (XVII, 316) mentionne parmi les arbres propres à l’Éthiopie, Diodore de Sicile (I, 34) nous apprend que le περσἐα fut introduit en Égypte par les Perses sous Cambyse.

M. G. Schweinfurth, naturaliste et voyageur d’Afrique bien connu, chargé par M. Maspéro, le savant égyptologue, de déterminer un grand nombre d’espèces de plantes trouvées dans les tombeaux de Deir-el-Báhary, en 1881, est parvenu à reconnaître les fruits et les feuilles du περσἐα des anciens auteurs dans ceux du mimusops, arbre originaire de l’Abyssinie et de l’Afrique tropicale. Ses fruits se trouvaient parmi les restes des repas funèbres et les feuilles étaient entrelacées avec les fleurs et le feuillage des couronnes et des guirlandes.

Les baies rouges et sucrées des mimusops, qui se trouvent en quantité dans les forêts du Soudan et de l’Abyssinie, s’accordent avec les paroles de Diodore qui vante la saveur du fruit du perséa.

Les anciens Égyptiens cultivaient cet arbre, lequel, à en juger par son emploi dans les rites funèbres, devait avoir une signification symbolique importante. Le perséa était l’arbre de vie de l’ancienne théosophie égyptienne : il était consacré à Hathôr. On voit souvent sur les monuments des dernières dynasties la déesse surgir de la cime du perséa pour verser de sa main l’eau de la vie sur le défunt, comme il est dit dans les inscriptions funéraires.

(Néroustos-Bey, Étude archéologique et topographique sur l’ancienne Alexandrie.)
NOTE 6

Ces canots en terre cuite sont mentionnés par Strabon (L. XVII). « On a soupçonné avec quelque vraisemblance qu’il s’agit ici de radeaux soutenus par des pots vides dont on se sert encore de nos jours en Égypte pour descendre le Nil. Toutefois, comme ces radeaux sont solides et presque insubmersibles, on conçoit difficilement pourquoi Strabon en aurait restreint l’usage aux canaux de l’intérieur du Delta, comme s’ils n’avaient pu servir que sur des eaux aussi tranquilles. D’ailleurs ces vers où Juvénal parle du même usage :

Hac sævit rabie imbelle et inutile vulgus,
Parvula fictilibus solitum dare vela phaselis,
Et brevibus pictæ remis incumbere testæ.


semblent devoir s’entendre d’un petit canot fait en terre cuite.

Les Égyptiens avaient peut-être trouvé le moyen de donner à la terre de poterie une dureté assez grande pour que de tels bateaux, nécessairement fort petits, pussent naviguer sur des canaux paisibles. La rareté du bois en Égypte en expliquerait l’origine : la même cause a pu faire imaginer les bateaux de papyrus, formés probablement de feuilles de papyrus séchées, enduites d’une substance grasse, et appliquées sur une carcasse d’osier ou de bois analogue.

(Strabon, L. XVII, note 1 de la page 319.)
NOTE 7

Le nom de lotus a été donné par les auteurs anciens à des espèces de plantes très différentes. En Égypte il a été appliqué à trois plantes aquatiques de la famille des nymphéacées : 1o le lotus à fleurs blanches, nymphœa, ou lis du Nil à graines de pavots, décrit par Hérodote ; 2o le lotus à fleurs bleues, nymphœa cœrulea, dont la fleur est peinte dans les temples d’Égypte ; 3o le lotus à fleurs roses ou antinoïen (fève d’Égypte, lis rose du Nil d’Hérodote), nymphœa nelumbo. Le lotus de Libye, dont parle Homère, appartient à une famille toute différente de celle des lotus d’Égypte : c’est une espèce de nerprun.

Les deux premières espèces de lotus croissent encore aujourd’hui abondamment dans la basse Égypte ; c’est avec la farine de leurs graines que les anciens Égyptiens faisaient du pain.

(Diod. de Sicile, l. I.)
NOTE 8

« Le lieu appelé Soma (c’est-à-dire le corps) est une enceinte qui renferme les tombeaux des rois et celui d’Alexandre. Ptolémée, fils de Lagus, enleva le corps de ce prince à Perdiccas qui le transportait de Babylone et qui, par suite d’une ambition démesurée, s’était détourné de sa route pour s’emparer de l’Égypte ; mais ses soldats se révoltèrent contre lui et l’assassinèrent à coups de sarisse (longue pique), lorsque Ptolémée venant à sa rencontre l’eut bloqué dans une île déserte… Ptolémée transporta le corps d’Alexandre à Alexandrie et lui donna la sépulture à l’endroit où il est encore maintenant ; mais non pas dans le même cercueil. Celui qui existe à présent est en verre, au lieu que Ptolémée avait déposé le corps dans un cercueil en or qui fut enlevé par Ptolémée, fils de Coccès et surnommé Parisactus.

(Strabon, trad. de Letronne, t. V, p. 339.)

Le Soma, d’après Achille Tatius et Pseudo-Callisthène, était situé au milieu de la ville… il servait de point de démarcation entre la vieille bourgade égyptienne de Rakotis et la cité nouvelle, macédonienne et romaine, à l’est. Des inscriptions latines du IIe siècle de notre ère nous font connaître des personnages portant le titre de procurator Neaspoleos et mausolei Alexandri. (Remer, Inscr. alg., 3518.)

Dans ces inscriptions on voit que le Soma faisait partie de la cité nouvelle, du quartier des édifices et des palais, c’est-à-dire du Bruchium. Mais sous la domination byzantine, son emplacement était déjà effacé de la mémoire des hommes, et saint Jean Chrysostome dans une de ses homélies (XXVI, 12) en parle comme d’une chose parfaitement inconnue de son temps, c’est-à-dire vers la fin du ive siècle.

(Néroustos-Bey, L’ancienne Alexandrie, p. 56.)
NOTE 9

Cette même pensée de l’ancienne théosophie égyptienne se présente dans un tableau d’une chapelle funéraire des catacombes chrétiennes d’Alexandrie, peint sur la paroi de l’arcosolium : Jésus-Christ le Dieu, fils de Dieu, d’un âge juvénile et les pieds nus, marche comme Horus au milieu des serpents, des crocodiles, des lézards et d’autres reptiles de toute forme et de toute espèce… Deux figures, une de chaque côté, presque effacées et méconnaissables, et qui représentent peut-être des prophètes ou des apôtres, remplacent les divinités égyptiennes que l’on voit d’ordinaire à côté d’Horus. Deux anges peints sur les jambages intérieurs de l’arcosolium terminent le tableau à droite et à gauche. Sur les parois des deux côtés sont peints deux saints.

Au-dessus de Jésus-Christ jeune et imberbe plane, au ciel, Dieu le Père, l’Ancien des jours, nimbé d’une auréole triangulaire bleuâtre. L’inscription qu’on lit au pied du tableau n’est pas autre chose que le texte grec du 13e verset du psaume XC : « Tu marcheras sur l’aspic et le basilic et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon. » Un peu plus loin, au-dessus de la figure d’une femme (la Vierge ?), on lit : « l’espoir des chrétiens. »

Voilà donc, dans les catacombes chrétiennes d’Alexandrie, la reproduction de la figure d’Horus, fils d’Osiris et d’Isis, marchant sur les crocodiles et maîtrisant les serpents et le lion, sous la forme de Jésus-Christ, fils de Dieu, et de la Vierge, marchant au milieu de ces mêmes animaux malfaisants, faisant taire le lion et rompant le cou aux crocodiles.

(Neroustos-Bey, L’ancienne Alexandrie, ch. xi, p. 47.)
NOTE 10

Le Καισάρειον, ou Templum Cæsaris, commencé pendant les dernières années du règne de Cléopâtre pour servir de temple en l’honneur d’Antoine, puis resté inachevé à la suite des événements qui causèrent la mort de l’un et de l’autre, fut terminé sous le règne d’Auguste pour être consacré de son vivant à son culte. — D’après Dion Cassius (l. I, 15) c’est dans ce sanctuaire inachevé qu’Antyllus, fils aîné d’Antoine et de Cléopâtre, se réfugia après la catastrophe de sa mère et fut mis à mort par ordre d’Octave Auguste.

Voici ce qu’en dit Philon d’Alexandrie :

« Il n’y a sanctuaire au monde comme celui qu’on appelle Sebasteum, temple de César. Ce temple, très grand et très apparent et dont il n’existe pas un pareil ailleurs, s’élève majestueusement en face des ports les plus sûrs ; il est rempli d’ornements votifs consistant en tableaux, en statues et en objets d’argent et d’or ; il est entouré d’un enclos très large et pourvu de portiques, de bibliothèques, d’appartements d’hommes, de bois sacrés, de propylées, de lieux vastes et de salles à ciel ouvert, en un mot de tous les embellissements les plus somptueux. »

Les blocs des fondements du Sebasteum étaient, les uns en calcaire d’un grain homogène et blanc, et les autres en grès et en marbre. Travaillés diversement, ils conservaient des restes d’ornementation en style grec et en style romain, voire même en style ecclésiastique byzantin ; circonstance qui confirme la transformation du temple de César-Auguste en église chrétienne, sa destruction répétée et sa reconstruction sur le même plan avec les pierres du temple ruiné.

(Neroustos-Bey, L’ancienne Alexandrie, p. 13.)
NOTE 11

Strabon parle de ces bateaux sur lesquels les Égyptiens prenaient place pour leurs repas de fête. C’était à l’embouchure du canal de Schedia que les bateaux thalamèges étaient réunis ; les gouverneurs s’en servaient aussi pour remonter dans le pays haut.

La mosaïque de Palestrine offre trois barques de cette espèce. On voit que le θαλαμος qu’elles portent et d’où elles tiraient leur nom n’est autre chose qu’un pavillon en bois, sans doute doré, construit au milieu et divisé en plusieurs cellules selon la grandeur du bâtiment : ces barques égyptiennes sont donc à la lettre des yachts.

(Strabon, l. XVII, n. 2.)

Canope est une ville située à 120 stades d’Alexandrie ; elle fut ainsi nommée de Canobus, pilote de Ménélas qui mourut dans cet endroit. On y voit un temple de Sérapis extrêmement révéré, où s’opèrent des cures nombreuses : les gens, même de la plus haute qualité, y ajoutent foi et viennent s’endormir dans l’enceinte du temple, ou bien d’autres s’endorment à leur place : il en est qui écrivent l’histoire de ces guérisons et d’autres qui recueillent les preuves de l’efficacité des oracles qu’on y rend. Mais rien n’égale surtout la foule de ceux qui, lors de la fête, se rendent d’Alexandrie à Canope par le canal. Jour et nuit, on voit une multitude de gens, hommes et femmes : les uns montés sur des barques, exécutent au son des instruments les danses les plus lascives ; les autres se répandent dans les auberges situées à Canope sur le bord de la mer et tout à fait propres à leurs orgies.

(Ibid.)
NOTE 12

Boire les couronnes équivalait, chez les Égyptiens, à ce que les modernes appellent porter un toast, porter une santé. On effeuillait les fleurs de sa couronne dans une coupe remplie de vin et on la passait aux convives qui en buvaient quelques gouttes successivement, après avoir prononcé les vœux d’heureuse santé ou de bonheur.

Voulait-on saluer particulièrement un convive, on mettait du vin dans sa coupe, on la portait à ses lèvres, et, après en avoir goûté, on la lui envoyait pour qu’il l’achevât.

Chez les Romains, dans les repas d’apparat, les convives se couronnaient de fleurs. Dans le principe on n’en mettait qu’une sur la tête ; mais par la suite, on en passa une seconde au cou et sur la poitrine, pour mieux jouir de l’odeur des fleurs. Ch. Pascal, dans son traité De Coronis (p. 43), donne deux raisons de l’usage des couronnes : 1o Quod illæ primæ vincula erant, capul adstringebant ; — 2o quod nectebantur ex herbis et floribus in hoc lectis ut vini vint majori vi compescerent, certe aut refrigerabant, aut alia quapiam naturali facultate ebrietatis impetus reprimebant, tum capitis dolores mitigebant.

Les couronnes conviviales étaient composées de toutes sortes de fleurs, particulièrement de roses ; il y en avait aussi en or et enrichies de pierreries. C’étaient de jeunes esclaves qui distribuaient les couronnes au commencement du repas.

Athénée les mentionne également (l. XXIV).

NOTE 13

Les coccina sont, d’après Strabon (l. XVII), des tissus faits en Égypte avec une certaine plante et semblables à ceux de jonc ou de palmier.

Il paraît d’ailleurs que Strabon n’a point su quelle était la plante dont on se servait pour faire ces tissus : on les faisait avec les feuilles d’une espèce de palmier appelé par Théophraste cucifera et par Pline, cuci. Delile (Description de l’Égypte, hist. nat.) reconnaît cet arbre dans le palmier-doum de la Thébaïde. Le doum est une espèce de palmier dont le tronc se divise en deux branches, et chaque branche en deux branches nouvelles : il porte des fruits assez gros que les Égyptiens d’autrefois estimaient beaucoup, ce semble. On ne trouve guère de palmier-doum avant Siout en remontant le Nil ; cet arbre tend à disparaître de l’Égypte propre.

L’auteur du Périple de la mer Érythrée parle également des tissus de coccina.

NOTE 14

Tout le canton d’Antiphræ est peu fertile en vignobles ; aussi met-on dans les tonneaux plus d’eau de mer que de vin ; c’est ce qu’on appelle le vin libyque, qui forme, avec la bière, la boisson du peuple d’Alexandrie : on se moque beaucoup d’Antiphræ, à cause de son vin.

(Strabon, l. XVII, p. 351.)

L’Égyptien est sobre d’ordinaire ; mais, quand il se donne « un jour heureux » il ne se prive pas de boire avec excès, et l’ivresse ne l’effraie point. La maison de bière, fréquentée ouvertement par les uns, en cachette par les autres, fait toujours d’excellentes affaires : si les cabaretiers ne sont pas toujours aussi estimés que les autres commerçants, du moins ils prospèrent.

La salle de réception de la maison de bière est garnie de nattes, de tabourets, de fauteuils, sur lesquels les habitués sont assis côte à côte, buvant fraternellement de la bière, du vin, de l’eau-de-vie de palme (shodou), des liqueurs cuites et parfumées, qui nous paraîtraient probablement détestables, mais pour lesquelles ils manifestent un goût particulier. Le vin est conservé dans de grandes amphores poissées, fermées avec un bouchon de bois ou d’argile enduit de limon peint en bleu, sur lequel on a frappé une empreinte au nom du propriétaire ou du pharaon régnant : une inscription à l’encre, tracée sur la panse, indique la provenance et la date exacte, l’an XXIII, vin d’importation, — l’an XIX, vin de Bouto, et ainsi de suite. Il y en a de tous les crus, vins blancs et vins rouges, vins de Maréotis, vin de Péluse, vins Étoile d’Horou, maître du ciel, originaires des oasis, vins de Syène, sans parler des vins d’Éthiopie, ni des vins dorés que les galères phéniciennes amènent de Syrie. La bière a été de tout temps la boisson favorite du peuple. On la fabrique avec un brassin d’orge, macéré dans l’eau et qu’on fait lever avec de la mie de pain fermentée. Au sortir du cuveau, elle est douce et plaisante au goût, mais se trouble aisément et tourne bientôt à l’aigre : la meilleure partie du vinaigre que l’on consomme en Égypte n’est pas du vinaigre de vin, mais du vinaigre de bière. On obvie à cet inconvénient, en y introduisant une infusion de lupin, qui lui communique une certaine amertume et le rend inaltérable. Bière douce, bière de fer, bière mousseuse, bière parfumée, bière aromatisée d’épices à froid ou à chaud, bière de millet épaisse et limoneuse, comme celle qu’on prépare en Nubie et chez les nègres du haut Nil, les cabarets ont en magasin autant de variétés de bière que de qualités de vins différents.

(Maspéro, Lectures historiques sur l’histoire d’Égypte, p. 31.)
NOTE 15

Les Égyptiens se servaient de vases ayant la forme d’un obélisque, et auxquels ils donnaient aussi le nom d’obélisques (tekhen). Des vases de cette espèce étaient destinés à l’encens ; d’autres contenaient des mets préparés (shaï).

Les textes montrent qu’on employait du veau et du gibier pour la confection des shaï. C’était un mets préparé, analogue à nos pâtés ; il y en avait de formes très variées, ronds, oblongs, carrés, coniques, etc.

(Chabas, Recherches sur les poids, mesures et monnaies des Égyptiens, p. 28 et 29.)
NOTE 16

Les anciens nommaient vases murrhins des vases dont ils faisaient un très grand cas et qu’ils tiraient de diverses contrées de l’Orient et particulièrement de l’Égypte. Ces vases étaient de deux sortes. Les uns se fabriquaient avec une matière naturelle, les autres avec une matière artificielle : ceux-ci venaient d’Égypte et étaient les moins estimés.

La matière murrhine avait l’aspect vitreux. Son éclat quoique brillant n’était pas celui des gemmes, mais on admirait la variété, la richesse et la vivacité de ses couleurs. C’est de la beauté de ces couleurs que les vases murrhins tiraient tout leur prix.

Les couleurs dominantes étaient le pourpre et le blanc disposés par bandes ondulées ou contournées de diverses manières, et presque toujours séparées par une troisième bande qui, participant des deux autres, imitait aux yeux la couleur de la flamme. On admirait aussi certains reflets irisés qui ajoutaient à la beauté de cette matière.

La transparence parfaite était un défaut plutôt qu’une qualité dans les vases murrhins.

NOTE 17

Le Pacton était un petit bateau formé d’un assemblage de baguettes, ce qui lui donnait l’apparence d’une natte. Ce bateau était donc une espèce de radeau ou de train à fleur d’eau, de manière qu’on avait les pieds mouillés lorsqu’on se tenait debout. Pour avoir les pieds secs, il fallait s’asseoir sur de petites banquettes au bas desquelles était un marchepied.

(Strabon, note de Coray, p. 430.)
NOTE 18

Inscription de la stèle C. du Louvre.

« Une palme d’amour, la prêtresse d’Hathor Moutiritis, — une palme d’amour auprès du roi Menkoprirî ! C’est une palme auprès de tous les hommes, un amour auprès de toutes les femmes, — une jouvencelle dont on n’a jamais vu la pareille ! — Noire est sa chevelure plus que le noir de la nuit, plus que les baies de prunellier — rouge sa joue plus que les grains de jaspe rouge, plus que l’entame d’un régime de palmes ; ses seins sont bien plantés sur sa poitrine. »

Ceci est évidemment un morceau de poésie populaire appliqué à la princesse Moutiritis.

(Maspéro, Études égyptiennes, t. I, fasc. III.)
NOTE 19

C’est à M. Maspéro (Études égyptiennes, t. I, fasc. III) que nous devons la connaissance de ces Chants d’amour égyptiens. — Voici d’autres fragments de Chansons récréatives. L’analogie de ces chants égyptiens avec la poésie hébraïque et en particulier le Cantique des Cantiques n’échappera à personne :

« Mon frère sort de sa maison ; il passe sans s’inquiéter de mon amour et mon cœur s’arrête en moi…

« La voix de la tourterelle résonne, elle dit : — Voici l’aube, où est mon chemin ?… — Toi, tu es l’oiseau, tu m’appelles : j’ai trouvé mon frère dans sa chambre à coucher et mon cœur se réjouit… et je ne m’éloignerai point, mais la main dans la main je me promènerai et je serai avec toi en toute place heureuse puisqu’il fait de moi la première des femmes et qu’il ne brise point mon cœur. Ah ! que je mette la tête à la porte du dehors ; mon frère vient à moi, mes yeux sont fixés sur la route, mon oreille écoute les bruits de pas sur la chaussée, car je me suis fait de l’amour de mon frère le bien unique…

« Mon cœur est si heureux de l’amour que tu as pour moi que la moitié du devant de ma coiffure tombe quand je viens en courant pour te chercher et mon chignon est défait. Pourtant je te jure que je pare ma chevelure et que je me tiens prête à toute heure… »

« Ô pourpiers, mon cœur est en suspens quand tu fais ce qu’on recherche et que je suis dans tes bras ! Je me suis adressée au kohol des yeux pour que j’apparaisse avec des yeux brillants et je me suis approchée de toi à la vue de ton amour. Ô maître de mon cœur, qu’elle est belle mon heure ! C’est une heure de l’éternité qui me vient quand je repose avec toi ! Mon cœur s’élève vers toi !

« Ô armoises de mon frère devant qui l’on se sent plus grand, je suis ta sœur favorite et je te suis comme le champ où j’ai fait pousser des fleurs et toutes espèces de plantes odorantes… c’est une boisson enivrante pour moi qu’entendre ta voix.

« Ô marjolaines de mon frère, j’ai pris tes guirlandes quand tu viens à moi ivre, et que tu te couches dans ton alcôve ; j’entre… »

Le procédé de composition est curieux à noter. Chaque couplet commence par un nom de plante qui fait allitération avec le verbe suivant. Il est probable que le chant tout entier est composé sur le modèle des trois couplets subsistants.

(Maspéro, Études égyptiennes, t. I, fasc. III.)
NOTE 20

La place qu’occupe cette cérémonie du Maneros au milieu du banquet parait étrange tout d’abord et l’on pourrait s’étonner à bon droit de la rencontrer à la suite des chansons d’amour, si nous ne savions par d’autres exemples que les Égyptiens se plaisent aux contrastes violents. Hérodote raconte qu’au milieu des dîners d’apparat, vers le temps où la gaîté des convives était la plus bruyante, on faisait circuler une petite momie en bois, déposée dans un cercueil. L’esclave qui la présentait disait à chacun : « Regarde ceci, puis bois et hâte-toi de jouir, car tu seras tel après la mort. »

On sait que cette coutume raffinée passa à Rome au temps de l’Empire avec d’autres usages égyptiens : « Tandis que nous buvions, un esclave apporta un squelette d’argent dont les articulations et les vertèbres pouvaient se mouvoir en tous sens. Il le jeta sur la table une ou deux fois et cette poupée articulée en prit diverses poses, sur quoi Trimalchion ajouta : « Hélas ! hélas ! misérables que nous sommes ! comme toute notre pauvre humanité n’est rien ! nous serons tous ainsi après que nous aura enlevé l’Orcus ! C’est pourquoi vivons bien tant que nous aurons licence d’exister. » (Petron. Satyricon, C. 35.)

(Maspéro, Études égyptiennes, t. I, fasc. III.)
NOTE 21

Paroles d’un joueur de harpe, traduction de Maspéro, d’après le papyrus Harris ; voici le texte intégral :

« L’immobilité du chef (Sérapis) c’est elle en vérité qui est le destin excellent. Les corps se produisent pour passer depuis le temps de Dieu et les générations jeunes viennent à leur place. Râ se lève au matin, Toum se couche au pays de Manou ; les mâles engendrent, les femelles conçoivent, tous les nez goûtent l’air au matin de leur naissance jusqu’au temps où ils vont à leur place. Fais un heureux jour, ô prêtre ! Qu’il y ait toujours des parfums et des essences pour ton nez. Des guirlandes de lotus pour les épaules, et pour la gorge de ta sœur chérie qui est assise auprès de toi. Qu’il y ait du chant et de la musique devant toi et négligeant tous les maux ne songe plus qu’aux plaisirs jusqu’à ce qu’il vienne ce jour où il faut aborder à la terre qui aime le silence, sans que cesse de battre le cœur du fils qui vous aime. Fais un heureux jour, Nofrihotou, prêtre sage aux mains pures ! J’ai entendu tout ce qui arrive aux ancêtres : leurs murs sont détruits, leur place n’est plus, ils sont comme qui n’aurait jamais été depuis le temps de Dieu. Tes murs à toi sont fermés, tu as planté des arbres sur la rive de ton bassin, ton âme reste sous eux et boit de leur eau. Suis ton cœur résolument aussi longtemps que tu es sur terre. Donne du pain à qui n’a pas de domaine afin de gagner une bonne renommée à tout jamais. Regarde les dieux qui ont été auparavant ; leur viande d’offrande est déchiquetée comme par une panthère, on salit de poussière leurs pains d’offrande… leurs formes ne sont plus debout dans le temple de Râ et leurs gens mendient. Ramit vient en sa saison, le destin compte ses jours. Fais un heureux jour, prêtre aux mains pures, Nofrihotou !…

« Le vivant n’a que faire des greniers de l’Égypte ; ses magasins à lui sont riches de toutes bonnes choses.

« Que Nofrihotou prie ceux qui ont été avant lui. Certes ils ont fait les heures heureuses et ils ont réservé la tristesse qui abrège les instants pour le jour où les cœurs sont détruits. Fais comme eux et rappelle-toi ce jour où l’on te conduira au pays qui mêle les hommes. Il n’y a point dans la terre d’hommes qui y ait mené ses biens avec lui, absolument, on ne peut pas en revenir.

« Leur enclos est détruit, leurs places ne sont plus comme s’ils n’avaient jamais été. Personne n’y vient qui célèbre leurs qualités… Tu es en bonne santé, ton cœur se révoltera contre les honneurs funèbres ; suis ton cœur tant que tu existes. Mets du parfum sur ta tête, pare-toi de fin lin, oins-toi de ce qu’il y a de plus merveilleux parmi les essences de dieu ! Fais plus encore que tu n’as fait jusqu’à présent ! Ne laisse pas aller ton cœur à l’ennui, suis ton désir et ton bonheur aussi longtemps que tu seras sur terre ; n’use pas ton cœur en chagrins jusqu’à ce que vienne pour toi ce jour où l’on supplie sans que le dieu dont le cœur ne bat plus écoute ceux qui supplient. Les lamentations ne font point que l’homme au tombeau est réjoui. Fais un jour heureux, et ne sois pas inactif en ceci. Certes, homme n’y a qui puisse emporter ses biens avec lui. Certes, il n’y a personne qui soit allé et qui soit revenu. »

NOTE 22

Un canal construit à force de bras s’étend de la bouche Pélusiaque jusqu’au golfe Arabique et à la mer Rouge. Necos, fils de Psammétichus, commença à faire construire ce canal ; Darius, roi de Perse, le continua, mais il le laissa inachevé, car il avait appris que s’il perçait le détroit il ferait inonder toute l’Égypte. On lui avait en effet démontré que le niveau de la mer Rouge est plus élevé que le sol d’Égypte[1]. Plus tard Ptolémée II y mit la dernière main et fit construire une écluse dans l’endroit le plus favorable ; on l’ouvre quand on veut traverser le canal et on la ferme ensuite exactement. Ce canal est appelé Fleuve de Ptolémée. À son embouchure est située la ville d’Arsinoé.

(Diod. de Sicile, l. I, p. 35.)

Il existe un canal qui va se décharger dans la mer Érythrée ou golfe Arabique, près de la ville d’Arsinoé, appelée par quelques-uns Cléopatris. Il traverse les lacs dits Amers, dont les eaux étaient jadis amères avant que l’ouverture du canal eût changé la nature de ces eaux en y mêlant celles du fleuve. Ce canal fut creusé d’abord par Sésostris, avant l’époque de la guerre de Troie : selon d’autres, il fut entrepris par le fils de Psammitique, qui n’eut que le temps de le commencer parce que ce prince mourut peu après. Darius reprit le travail et l’abandonna lorsqu’il était déjà sur le point de l’achever. Le motif de cet abandon fut qu’il ajouta foi à l’opinion que la mer Érythrée est plus haute que l’Égypte, et qu’ainsi elle submergerait le pays si l’on venait à couper entièrement l’isthme de séparation. Néanmoins les rois Ptolémées coupèrent cet isthme et fermèrent le canal à l’entrée, de manière qu’on pût à volonté et sans obstacle passer dans la mer extérieure et rentrer dans le canal[2].

(Strabon, l. XVII, p. 377.)
NOTE 23

Tanis fut la capitale d’un des nomes de la basse Égypte ; sa juridiction s’étendait, selon toute apparence, sur les lieux situés dans le territoire compris entre les branches Pélusiaque et Tanitique du Nil, et le lac de Tennis appelé aujourd’hui Manzalèh.

L’époque de la fondation de Tanis est inconnue, comme l’origine de presque toutes les grandes villes de la haute et de la basse Égypte. Cependant l’on peut avancer en toute assurance que les villes de l’Égypte inférieure sont bien moins anciennes que celles de la moyenne Égypte et surtout que les dix villes de la Thébaïde propre… On peut donc dire que Tanis est beaucoup moins ancienne qu’Héliopolis, Memphis, Hermopolis-Magna, et que les autres villes de l’Égypte supérieure.

Un passage de l’Ancien Testament indique une époque de la fondation de Tanis. Les espions envoyés par Moïse pour reconnaître la Terre Sainte « arrivèrent à Hébron où demeuraient Akhiman, Sisaï et Thoulmaï, descendants d’Hénak ; car Hébron fut fondée sept ans avant Tanis, ville d’Égypte[3]. » Tanis ayant été bâtie sept ans après Hébron, il résulte de ce passage que cette ville est une des plus anciennes de l’Égypte inférieure.

Tanis était située sur la rive orientale de la branche tanitique et à quelque distance de son embouchure. Son étendue fut très considérable, et son enceinte renfermait de très grands monuments. Les ruines occupent encore un vaste espace de terrain ; on y voit sept obélisques de granit en partie brisés, des fragments de monolithes, de débris d’un colosse, et des arrachements d’édifices égyptiens d’une dimension très remarquable.

Quelques chronologistes modernes ont placé à Tanis le siège d’une dynastie égyptienne… Ce qui a beaucoup contribué à faire soutenir cette opinion, c’est la tradition qui veut que Moïse, enfant, ait été exposé dans son berceau sur la branche tanitique du fleuve ; et, comme c’est la fille du pharaon qui le sauva, il semble hors de doute que le pharaon et la princesse sa fille demeuraient à Tanis.

Le nom de Tanis nous a été transmis par les Grecs et ce n’est qu’une légère altération du véritable nom égyptien. Dans le texte hébreu des livres saints cette ville porte le nom de Tzan ou Ssan.

Pendant le laps de temps écoulé entre les Pharaons et l’empereur Titus, Tanis, ayant éprouvé une de ces révolutions si communes aux grandes villes, tomba en décadence, déclina insensiblement, et devint enfin une place de peu d’importance. Memphis, bien plus considérable que Tanis, n’a-t-elle point entièrement disparu ? Thèbes, cette immense et antique capitale, était du temps des Romains et est encore de nos jours remplacée par trois misérables villages. Mais à Thèbes, des monuments impérissables, comme sept obélisques dans les débris informes de Tanis, prouvent encore d’une manière incontestable l’ancienne importance de ces deux villes célèbres.

(Champollion le jeune, l’Égypte sous les Pharaons, t. II, p. 101.)
NOTE 24

M. Maspéro attribue aux rois Pasteurs l’introduction des premiers chevaux en Égypte ; voici ce que dit à ce sujet le savant égyptologue :

« Les Pasteurs introduisirent le cheval en Égypte et peut-être durent-ils à l’effroi qu’il inspira dans les premières rencontres la rapidité incroyable de leurs succès. Il est en général vigoureux et de taille élevée. Il a le front bombé, ce qui donne à sa tête un profil légèrement busqué et comme moutonné. Le cou est effilé, la croupe mince et un peu étroite, la cuisse maigre, la jambe sèche, la queue longue et bien fournie. Il ne diffère en rien des chevaux qu’on voit chez les peuples asiatiques, mais ce n’est pas sans peine qu’on l’empêche de s’affaiblir et de dégénérer. Le climat l’énerve, le temps de l’inondation l’éprouve ; il faut toujours recruter l’espèce d’étalons et de juments qu’on achète ou qu’on prend en Syrie. Thèbes, Memphis, Hermopolis, la plupart des grandes cités de la moyenne Égypte possèdent des haras. »

(Maspéro, Lectures historiques sur l’Égypte, p. 86.)
NOTE 25

La position d’Hérôopolis a été longtemps un sujet de discussion entre les géographes modernes. Les anciens l’indiquaient vaguement comme placée vers l’extrémité du golfe Arabique, d’où quelques-uns de nos géographes ont conclu qu’elle exista à l’extrémité même de la mer Rouge, dans le voisinage de Suez ; d’autres qu’elle se trouvait entre le Nil et la mer Rouge dans le voisinage de Suez ; d’autres qu’elle se trouvait entre le Nil et la mer Rouge, près des Lacs Amers. Cette dernière opinion, qui a été celle de d’Anville, se rapproche plus qu’aucune autre de la vérité.

Les ruines actuelles de cette ville offrent des preuves non équivoques de son existence du temps des anciens Égyptiens. Aouaris porta dans l’antique théologie égyptienne le nom de Typhonia ou ville de Typhon, parce qu’elle avait été la demeure et la place d’armes des Arabes pasteurs, ennemis de l’Égypte, que les mythes égyptiens regardaient alors comme fils de Typhon. Ce fut dans Aouaris que le pharaon Thoutmosis, chef de la dix-huitième race des rois égyptiens, massacra un grand nombre de ces Arabes et parvint enfin à les chasser tous de l’Égypte. Or les Égyptiens, selon Étienne, disaient emblématiquement que Typhon avait été foudroyé dans la ville d’Hérôopolis et que son sang y avait été répandu ; ce passage d’Étienne de Byzance prouve donc à notre avis l’identité d’Aouaris ou Typhonia et d’Hérôopolis

(Champollion le jeune, l’Égypte sous les Pharaons, t. II, p. 91.)
NOTE 26

Les traditions se partagent sur le lieu de naissance de Pythagore. Selon les uns il était Samien, selon les autres Tyrrhénien, selon d’autres encore Syrien ou Tyrien. — L’opinion la plus accréditée le fait naître à Samos, qu’il habita certainement d’après le témoignage d’Hérodote.

On donne à Pythagore beaucoup de maîtres. Mais une source d’instruction plus féconde que l’enseignement des écoles, ce furent, selon les traditions, les voyages de Pythagore. Selon les uns c’est de l’Orient, de l’Égypte particulièrement, que Pythagore a rapporté en Grèce les principes de sa philosophie, par exemple sa philosophie mathématique et sa doctrine de la transmigration des âmes.

Cependant, à mesure que des doctrines nouvelles vinrent effacer les anciennes doctrines, le pythagorisme perdit peu à peu de son originalité et de sa pureté. Il ne dut quelques restes de puissance qu’en trompant le vulgaire superstitieux par les mensonges d’un art chimérique, la magie, que Pythagore, disait-on, avait appris lui-même à Babylone. En métaphysique, le pythagorisme revêtit les formes et adopta les idées du stoïcisme. Le dieu de Pythagore, dit Cicéron, était l’âme des choses tendue et répandue dans toute la nature ; c’est la même doctrine qui se retrouve dans les lettres attribuées à Apollonius de Tyane, le plus célèbre des nouveaux pythagoriciens. Mais à cette époque le pythagorisme se confondit, ainsi que le nouveau platonisme, dans la doctrine éclectique des Alexandrins.

(P. Janet, Dict. des sciences philosophiques, art. Pythagore.)
NOTE 27

L’école d’Alexandrie prit naissance vers le temps de Pertinax et de Sévère et se continua jusqu’aux dernières années du règne de Justinien, embrassant ainsi une période de plus de quatre siècles. Mais longtemps avant cette époque, et presque depuis sa fondation, Alexandrie avait été le centre d’un enseignement philosophique. Voici ce que dit Jules Simon sur les origines de cette école :

« … Alexandre en passant jette une ville sur les bords du Nil ; à sa mort, ce fut la proie des Lagides et le centre et la capitale d’un grand empire. Il n’y avait pour les Grecs que la Grèce et la Barbarie ; les Ptolémées se sentaient en exil, si la langue, les arts, les mœurs de la patrie n’étaient transplantés dans leurs États. Bien avant les temps historiques, l’Égypte avait fourni des colonies à la Grèce ; après tant de transformations glorieuses, la civilisation grecque se retrouva face à face avec les mœurs immuables de l’Égypte. Elle fleurit et se développa dans Alexandrie, à côté des croyances et des mœurs du peuple vaincu, qu’elle ne parvint pas à entamer.

« Le Musée, fondé par Démétrius avec les trésors de Ptolémée Soter, la Bibliothèque bientôt encombrée de richesses et qui déborda dans le Sérapéum où un second dépôt s’établit, les faveurs des rois qui, souvent, partagèrent les travaux du Musée, plus tard celles des empereurs romains jaloux d’encourager une compagnie d’historiens et de poètes, la magnificence d’Auguste, l’institution du Claudium par ce lettré imbécile qui eût tenu sa place parmi les grammairiens du Musée et qui ne fit que déshonorer la pourpre impériale, le concours de tant d’hommes supérieurs : les Zénodote, les Ératosthène, les Apollonius, les Callimaque, toute cette splendeur, toute cette gloire attira l’attention du monde sans triompher de l’indifférence et du mépris des Égyptiens. Les Grecs, au contraire, essentiellement intelligents, sans préjugés, sans superstitions, ne purent habiter si longtemps le temple même de Sérapis, sans contracter quelque secrète affinité avec ce vieux peuple ; leur littérature était celle d’une nation épuisée qui remplace la verve par l’érudition ; l’étude enthousiaste et persévérante du passé les disposait, en dépit de l’esprit mobile et léger de la Grèce, à respecter les traditions, à chercher la stabilité. Par une pensée profondément politique, les Lagides avaient voulu que le chef du Musée fût toujours un prêtre. Avec cela nulle intolérance : toutes les religions et tous les peuples avaient accès dans le Musée, les Juifs seuls en étaient exclus.

« Sur cette extrême frontière du monde civilisé, au milieu de ce concours inouï jusqu’alors, voués au culte des glorieux souvenirs de leur peuple, en même temps qu’initiés à d’autres croyances et à d’autres admirations, les Grecs, sans devenir Égyptiens ou Barbares, apprenaient à concilier les traditions en apparence les plus opposées, à comprendre, à accepter l’esprit des religions et des institutions qu’ils avaient sous leurs yeux.

« Le premier caractère de la philosophie des Alexandrins, le plus frappant et aussi le plus extérieur, c’est l’éclectisme. Ce fut, en effet, la prétention avouée de cette école, de réunir en un vaste corps de doctrines la religion et la philosophie, la Grèce et la mythologie orientale.

« S’ils sont à la fois Grecs et Barbares, philosophes et prêtres, la Grèce et la philosophie dominent et surtout la philosophie platonicienne. Puisqu’ils voulaient allier toutes les doctrines, et pourtant se rattacher principalement à l’esprit d’une certaine école, l’Académie seule leur convenait : c’est dans l’histoire philosophique de la Grèce, l’école qui prête le plus à l’enthousiasme. Et dans le platonisme, que prennent-ils ? Le côté le plus vague et le plus mystérieux, ce que l’on pourrait appeler le platonisme pythagorique. Les symboles pythagoriciens leur servaient en quelque sorte de lien entre la dialectique et l’inspiration, entre la cosmogonie du Timée et celle des Mages. »

(Jules Simon, Dict. des sciences philos., art. École d’Alexandrie.)
NOTE 28

Le phare d’Alexandrie était situé à l’extrémité nord-est de l’île de Parhos. Les témoignages de Strabon et de Jules César ne laissent à ce sujet aucune incertitude.

Pour les dimensions de l’édifice, nous ne savons rien de positif ; voici cependant ce qu’en dit Makrizi (édition de Boulak, t. II, p. 157) :

« La hauteur du phare, actuellement, est à peu près de deux cent trente coudées. Anciennement elle était d’environ quatre cents coudées ; le temps, les tremblements de terre et les pluies l’ont détérioré ; sa construction a trois formes : il est carré jusqu’à un peu moins que la moitié et un peu plus que le tiers ; là, la construction est en pierre blanche ; ce qui fait cent dix coudées à peu près. Ensuite la figure en devient octogone, et il est alors construit de pierres et de plâtre dans l’étendue de 60 et quelques coudées. Un balcon l’entoure pour pouvoir se promener. Enfin, la partie supérieure en est ronde. (Masoudi.) Un écrivain dit l’avoir mesuré et avoir trouvé 233 coudées pour la hauteur du phare ; il est de trois étages : le premier est un carré haut de 121 coudées ½ ; le second est octogone, de 81 ½ ; le troisième étage est rond, il a 31 coudées ½. Eben-Joubère cite, dans son mémoire de voyage, que le phare d’Alexandrie paraît à plus de 70 milles ; qu’il a mesuré lui-même un des quatre côtés de l’édifice, en l’année 578 de l’hégire. »

Flavius Josèphe dit à propos de la tour de Phazaël à Jérusalem, ce qui suit[4] :

« Sa forme ressemblait à celle du phare d’Alexandrie où un feu toujours allumé sert de fanal aux mariniers pour les empêcher de donner à travers les roches qui pourraient leur faire faire naufrage… La clarté du feu du phare s’étend jusqu’à trois cent stades[5]. »

On voit par ces passages des témoins oculaires que la largeur de la tour du phare devait avoir de 40 à 50 coudées, ou d’un plèthre et demi en mesures grecques. La hauteur, d’après l’estimation de Masoudi et de Flavius Josèphe, devait être de 100 à 120 mètres, et la distance de laquelle on voyait le feu du phare de 40 kilomètres environ.

J’ajoute que ce feu du phare moderne se voit à 34 kilomètres dans la mer, et que ce phare n’a qu’environ 65 mètres de hauteur, au-dessus du niveau des eaux.

(Mahmoud-Bey, Mémoire sur l’antique Alexandrie, p. 35.)
NOTE 29

L’ouverture de la bouche du dieu comportait des rites assez compliqués. Il s’agissait d’animer la statue, afin que le dieu, descendu de son nuage, en vînt à prononcer les paroles prophétiques. On accomplissait à cet effet le même mystère divin qu’Horus avait célébré autour de la momie d’Osiris.

(Maspéro.)
NOTE 30

Le Serapeum d’Alexandrie était bâti sur un tertre fait de main d’homme dans le quartier nommé Rakotis. On y montait par plus de cent degrés. Ce tertre était soutenu par des voûtes. La plate-forme était bordée de divers édifices destinés au logement et aux différents usages des gardiens du temple et d’un grand nombre de ministres qui faisaient profession de chasteté. On y voyait aussi une célèbre bibliothèque qui subsista jusqu’à l’invasion des Sarrasins. Après avoir traversé cette enceinte, on trouvait un vaste portique qui régnait autour d’une place carrée, au milieu de laquelle s’élevait le bâtiment du temple soutenu par des colonnes du marbre le plus précieux. Il était spacieux et magnifique. Les murailles étaient revêtues en dedans de lames d’or, d’argent et de cuivre, placées les unes sur les autres de sorte que le métal le plus riche était au-dessus. Ammien-Marcellin ne trouvait dans l’univers que le temple de Jupiter Capitolin qui pût égaler en splendeur et en majesté ce superbe édifice. Ce qui le rendait encore plus célèbre était les merveilles qui s’y opéraient. La statue de Sérapis étant placée à l’occident, on avait pratiqué dans le mur oriental une ouverture étroite et imperceptible par laquelle le soleil, dans un certain jour de l’année, dardait à une certaine heure ses rayons sur la bouche du simulacre. Le peuple, à la vue du rayon qui éclatait sur les lèvres de la statue, ne doutait pas que ce ne fût un baiser du dieu du jour ; il applaudissait à grands cris à l’embrassement des deux divinités. Après quelques moments, les prêtres ne manquaient pas de refermer l’ouverture et d’enlever l’image du soleil.

On racontait encore des prodiges d’une pierre d’aimant placée à la voûte du temple et dont les prêtres seuls avaient connaissance. (Parallèle des religions, t. II, p. 921.)

NOTE 31

Les prêtres égyptiens que les auteurs grecs appellent communément thérapeutes étaient de différentes classes selon leur emploi. Il y avait les prophètes, les stolsites, les hiérogrammates, les hiéroscopes, les hiéropsaltes, les sphagistes. Tous ceux-là formaient un ordre supérieur, distingué en autant de classes, dont la dernière comprenait les sphagistes et la première les prophètes.

Les pastophores, les mélanéphores, les néocores et les zacores composaient un second ordre. Chaque collège ou chaque compagnie de ministres attachés à un temple était composé de ces différentes classes du premier et du second ordre et avait un président qui était comme archiprêtre ou le grand prêtre. Mais il ne parut pas qu’il y eût un souverain pontife qui fût supérieur de tous les collèges. Hérodote dit expressément que les femmes n’avaient aucune part au sacerdoce…. Cependant les monuments font foi qu’elles exerçaient certaines fonctions subalternes et qu’elles eurent une grande part aux différents mystères du culte.

À entendre Porphyre, les prêtres égyptiens menaient une vie retirée ; on ne les voyait que dans les solennités ; hors de là ils étaient inaccessibles. Occupés uniquement de l’étude des choses divines, ils ne prenaient aucun soin des choses humaines. Ils faisaient paraître beaucoup de gravité dans leur démarche, d’austérité dans leur air, de modestie dans tout leur extérieur. Leur vie était frugale ; ils gardaient la chasteté ; leurs jeûnes étaient fréquents. Il y avait quantité de choses dont ils s’abstenaient rigoureusement ; jamais ils ne mangeaient le cœur des animaux ; ils n’usaient jamais de fèves ; ils ne mangeaient que des productions du pays. Ils ne se servaient point du sel de mer. Ils avaient renoncé à toutes sortes de provisions ; la viande de cochon ne leur était pas permise. Le vin était interdit aux prêtres d’Héliopolis ; les autres n’en usaient qu’avec modération. Ils exerçaient des rigueurs sur eux-mêmes, comme de se mettre des colliers de fer, de s’attacher des cercles aux mains.

Ils avaient des lustrations réglées, soit ordinaires, soit extraordinaires. Les premières consistaient à se laver deux fois le jour, deux fois la nuit, avec de l’eau froide très pure. Les prêtres d’un rang supérieur se lavaient avec plus de soin que les autres. L’hysope était, à leur avis, très propre aux purifications. Les lustrations extraordinaires étaient celles qui précédaient certaines fêtes. Elles duraient plusieurs jours pendant lesquels les prêtres n’avaient aucune communication les uns avec les autres. (Parallèle des religions, t. II, p. 891.)

NOTE 32

Ce n’étaient pas seulement les figures représentées sur les murs des temples qui étaient peintes ainsi selon des couleurs déterminées. L’usage de colorier la sculpture et l’architecture a été général chez tous les peuples sans exception : nous retrouvons les traces de cette habitude à travers toutes les époques, jusqu’au temps de la renaissance de l’art, au xve siècle. Notre goût se révolte sans doute à l’idée que l’Apollon du Belvédère, par exemple, était destiné à être peint en bleu, la Vénus de Médicis en jaune, et le Gladiateur en rouge[6] ; toutefois ces faits n’en sont pas moins positifs et le goût des anciens aurait peut-être été aussi blessé de voir une statue en marbre blanc se détacher sur un fond en couleur. Il faut d’ailleurs bien se rappeler que, chez eux, ces statues n’étaient pas comme chez nous un simple objet de curiosité, ou bien un sujet d’étude académique ; ils ne les exposaient pas dans des musées pour en admirer les formes et les proportions ; et c’est, je crois, dans cette différence d’envisager le but d’une chose, que nous devons chercher les causes de la répugnance que nous éprouvons en nous figurant les merveilles du ciseau antique cachées sous des couches de couleur. (Gau, Antiquités de la Nubie, p. 17.)

NOTE 33

Les deux sœurs jumelles ou didymes qui faisaient partie des hiérodules du temple avaient pour fonctions principales d’offrir à Sérapis des libations funèbres. C’étaient des choéphores ; les libations jouaient un grand rôle dans le culte de Sérapis.

Le papyrus du Louvre no 22, qui est la minute d’un placet adressé au roi Ptolémée Philometor, commence par ces mots :

« Au roi Ptolémée et à la reine Cléopâtre, sa sœur, dieux Philométors, salut :

« Tayes et Thaous, sœurs jumelles, exerçant des fonctions religieuses dans le grand temple de Sérapis… du nombre de celles qui font des libations à Sérapis pour vous et pour vos enfants… »

(Brunet de Presles, Histoire et Philologie orientales.)
NOTE 34

Diodore de Sicile reconnaît que, suivant une opinion contemporaine, Sérapis n’est autre qu’Osiris (liv. I, ch. xxv) ; plus tard, Martianus Capella, dans son hymne au soleil, appelle le grand astre le dieu aux mille noms, Mithra, Amoun, Adonis, et proclame qu’il est adoré sur les rives du Nil et de Memphis sous les noms d’Osiris et de Sérapis. Les légendes contemporaines des Lagides confirment ce rapprochement : les Égyptiens avaient identifié ou plutôt confondu les deux personnes divines ; dans certaines villes, Osiris avait gardé son nom, tandis que dans d’autres Sérapis n’était pas seulement un Osiris au tombeau, un soleil automnal et d’hiver, un génie funèbre, un roi de l’Amenti, mais un dieu puissant, le soleil dans sa force, le dominateur des mondes, le bienfaiteur et le sauveur de la terre.

Les mêmes cérémonies et les mêmes paroles rituelles s’appliquaient donc aux deux divinités ; voici in extenso la reproduction de l’hymne à Osiris, traduite par Chabas :

« Salut à toi, Osiris, seigneur de la longueur des temps, roi du Dieu, aux noms multipliés, aux saintes transformations, aux formes mystérieuses dans les temples, être auguste résidant dans Tattou, chef renfermé dans Sokhem, maître des invocations dans Oer-ti, jouissant de la félicité dans Hon, à qui il appartient de commander dans le lieu de la double justice, âme mystérieuse du seigneur de la sphère, le saint du Mur Blanc, l’âme du soleil, son corps lui-même : l’auteur des invocations dans la région de l’arbre Ner ; dont l’âme est faite de la vigilance, le seigneur de la grande demeure, le plus grand des êtres et le seigneur de la longueur des temps dans Abydos. Le chemin de sa demeure est dans le To-sar ; il est stable de nom dans la bouche des humains. C’est un dieu de la terre, un Atoum qui parmi les dieux comble les êtres de félicité ; un esprit bienfaisant dans le lieu des esprits.

« De lui l’Abyssus tire ses eaux, de lui provient le vent, et l’air respirable est dans ses narines, pour sa satisfaction et pour les goûts de son cœur ; il aère l’espace qui goûte la félicité parce que les astres lui obéissent au haut des cieux.

« Il ouvre la grande porte, c’est le maître des invocations dans le ciel méridional et des adorations dans le ciel du nord ; les constellations qui se meuvent sont sous le lieu de sa face, ce sont ses demeures. À lui est présentée l’offrande par l’ordre de Seb ; les dieux l’adorent avec respect dans le firmament, les divins chefs avec révérence, tous en supplications. Ceux qui sont parmi les augustes l’aperçoivent dans son autorité et la terre entière lui rend gloire lorsque sa sainteté combat ; c’est un Sahou illustre parmi les Sahous, grand de dignités, permanent d’empire. C’est le maître excellent des dieux ; beau et aimable, celui qui le voit lui accorde le respect dans toutes les contrées ; tous ceux qui ont été exaucés par lui exaltent son nom au premier rang ; il est maître de commander au ciel et sur la terre ; des acclamations multipliées lui sont adressées dans la fête d’Ouk, les acclamations des deux mondes unanimes.

« Il est l’aîné, le premier de ses frères, le chef des dieux ; c’est lui qui maintient la justice dans les deux mondes et qui lance le fils sur le siège de son père ; il est la louange de son père Seb, l’amour de sa mère Nou ; très vaillant, il renverse l’impur ; invincible, il massacre son ennemi ; il impose sa crainte à celui qu’il hait. Il emporte les boulevards du méchant ; intrépide, ses pieds sont vigilants ; c’est le fils de Seb, régissant les deux mon des ; il (Seb) a vu ses vertus et lui a commandé de conduire les nations par la main vers une prospérité multiple. Il a fait ce monde de sa main et ses eaux, son atmosphère, sa végétation, tous ses troupeaux, tous ses volatiles, tous ses poissons, tous ses reptiles et ses quadrupèdes. La terre rend justice au fils de Nou et le monde se délecte encore lorsqu’il monte sur le siège de son père. Semblable au soleil, il brille à l’horizon, il donne la clarté à la face des ténèbres, il irradie la lumière par sa double plume, il inonde le monde comme le soleil du haut de l’empyrée ; — son diamètre prédomine au haut des cieux et s’associe aux étoiles ; et c’est le guide de tous les dieux.

« Il est bon de volonté et de parole ; il est la louange des grands dieux et l’amour des petits dieux.

« Sa sœur a pris soin de lui en dissipant ses ennemis par une triple déroute. Elle émet la voix dans l’éclat de sa bouche ; sage de langue, sa parole ne faillit pas. C’est Isis l’illustre, la vengeresse de son frère ; elle l’a cherché sans se reposer, elle a fait le tour de ce monde en se lamentant ; elle ne s’est point arrêtée sans l’avoir trouvé ; elle a fait de la lumière avec ses plumes ; elle a fait du vent avec ses ailes ; elle a fait les invocations de l’enterrement de son frère, elle a emporté les principes du dieu au cœur tranquille ; elle a extrait son essence ; elle a fait un enfant ; elle a allaité le nourrisson par un bras. On ne sait pas où cela se passa.

« Son bras est devenu fort dans la grande demeure de Seb ; les dieux sont dans la joie lorsqu’arrive Osiris, fils d’Horus, intrépide, justifié fils d’Isis, fils d’Osiris. Les divins chefs s’unissent à lui ; les dieux reconnaissent le seigneur universel lui-même. Les seigneurs de la justice qui y sont réunis pour disposer de l’iniquité sont ravis de rendre gloire dans la grande demeure de Seb au seigneur de la justice. Le règne de sa justice lui appartient. Horus a trouvé sa justification ; il s’avance couronné du bandeau royal, la couronne de la région supérieure est fixée sur sa tête. Par lui est jugé le monde dans ce qu’il contient ; le ciel et la terre sont sous le lieu de sa face. Il commande aux humains, aux purs, à la race des habitants de l’Égypte et aux nations étrangères. Dieu des semences, il donne toute la végétation et le kiphi précieux. L’universalité des hommes est dans le ravissement, les entrailles dans les délices, les cœurs dans la joie, à cause du Seigneur miséricordieux. Chacun adore ses bontés ; doux est son amour en nous ; sa tendresse environne les cœurs ; grand est son amour dans toutes les entrailles.

« On rend justice au fils d’Isis : son ennemi tombe dans sa fureur ; le violent est à son heure suprême : le fils d’Isis, vengeance de son père, s’approche de lui.

« Sanctifiants et bienfaisants sont ses noms ; la vénération trouve sa place ; le respect est immuable pour ses lois ; la voie est ouverte, les sentiers sont ouverts, les deux mondes sont dans le contentement ; le mal fuit ; la terre se féconde paisiblement sous son seigneur. La justice est affermie par son seigneur qui menace l’iniquité.

« Délicieux est ton cœur, ô Ounnefer, fils d’Isis ! Il a pris la couronne de la région supérieure ; le titre de son père lui est reconnu dans la grande demeure de Seb. C’est Phra quand il parle, Thoth dans ses écrits. Les divins chefs sont satisfaits.

« Ce que ton père Seb a ordonné par toi, que cela soit fait selon sa parole. »

C’est par cette espèce d’Ainsi soit-il égyptien que se termine l’hymne.

Au début de l’hymne d’Amen-em-ha, Osiris est salué des titres de Seigneur de la longueur du temps et de roi des dieux, qui lui sont communs avec le Soleil et avec Amon ; puis il est nommé le dieu aux noms multipliés, aux saintes transformations, aux formes mystérieuses dans le temple.

Le chapitre 142 du Rituel énumère 100 dénominations sous lesquelles Osiris reçoit l’adoration et de plus douze formules générales :

Osiris dans toutes ses demeures ; dans sa demeure de la région du Midi ; dans sa demeure de la région du Nord ; dans le lieu où il aime à se trouver ; dans toutes ses pratiques ; dans toutes ses créations ; dans tous ses noms ; dans tout ce qui le concerne ; avec toutes ses couronnes ; sous tous ses ajustements ; dans toutes ses stations.

La connaissance de ces formes multiples devait correspondre à un degré élevé de l’initiation à la science sacrée. (Chabas, Revue archéologique, t. XIV.)

NOTE 35

Les statues prophétiques des dieux restent ordinairement cachées dans les profondeurs du sanctuaire. Quand on les en tire aux fêtes solennelles pour les promener en pompe autour du temple ce n’est qu’après leur en avoir humblement demandé l’autorisation.

Les divinités égyptiennes règlent leur manière de vivre sur la nature du pays qu’elles habitent. Leur arche est toujours une barque (bari), mais une barque relevée aux deux bouts et construite assez solidement pour pouvoir naviguer.

(Maspéro, Lectures historiques, Égypte, p. 66.)
NOTE 36

Notre texte se compose d’une série d’invocations et d’évocations précédées d’un préambule et suivies d’une clause finale. Le préambule nous renseigne sur la nature et l’objet de ces formules et indique qu’elles ont été récitées par Nephtis et Isis pour rendre la vie à leur frère Osiris.

La partie mythologique des lamentations touche principalement au double rôle divin et terrestre d’Osiris.

1re PAGE
Préambule
TEXTE

Invocations précieuses faites par les deux sœurs divines, dans la maison d’Osiris Khent-Ament, dieu grand, seigneur d’Abydos, au mois de choiak le vingt-cinquième jour. On fait de même dans toutes les demeures d’Osiris et dans toutes ses fêtes, et est avantageux à son âme, affermit son corps, répand la joie dans son être, donne le souffle aux narines, à l’aridité du gosier ; cela satisfait le cœur d’Isis, ainsi que celui de Nephtis ; cela place Horus sur le trône de son père ; cela donne la vie, la stabilité, la tranquillité à l’Osiris-Teutrut, fille de Takhaa, qu’on surnomme Persaïs justifiée. Il est profitable de faire ceci conformément aux divines paroles.
COMMENTAIRES

Le 23 choiak est indiqué comme le jour où Isis et Nephtis prononçaient à Pa-Osiris les chants de résurrection qui devaient rendre la vie à Osiris. C’était un jour très heureux ; Isis et Nephtis étaient parties et avaient accompagné Horus dans les panégyries en acclamant joyeusement Osiris dans Abydos. Commencée dans les larmes, la cérémonie finissait dans la joie.
2e PAGE
1re section
TEXTE

Évocation d’Isis. Elle dit :
Viens à ta demeure ! viens à ta demeure, ô dieu An ! Viens à ta demeure ! tes ennemis ne sont plus. Ô excellent souverain, viens à ta demeure ! regarde-moi, je suis ta sœur qui t’aime ; ne t’arrête pas loin de moi, ô bel adolescent ; viens à ta demeure, vite, vite. Ne m’aperçois-tu pas ? Mon cœur est dans l’amertume à cause de toi ; mes yeux te cherchent, je te cherche pour te voir. Tarderai-je à te voir, tarderai-je à te voir, ô excellent souverain, tarderai-je à te voir ? Te voir c’est le bonheur, te voir c’est le bonheur ! Ô dieu An, te voir c’est le bonheur. Viens à celle qui t’aime, viens à celle qui t’aime, ô Ounnefer justifié. Viens à ta sœur, viens à ta femme ! Viens à ta femme, ô Ourthet ! Viens à ton épouse, je suis ta sœur par ta mère. Ne te sépare pas de moi. Les dieux et les hommes tournent leurs faces vers toi pour te pleurer tous à la fois, depuis qu’ils me voient poussant des plaintes jusqu’au haut du ciel, et tu n’entends pas ma voix. Je suis ta sœur qui t’aime sur la terre. Personne autre ne t’a aimé plus que moi [ta] sœur, [ta] sœur.
COMMENTAIRES

Cette belle évocation se réfère à la recherche que fit Isis de son frère Osiris.

La formule : Viens à ta demeure se répète très souvent dans notre texte. On a cru y reconnaître l’origine du mot Maneros, qu’Hérodote et Plutarque nous ont conservé comme ayant été le nom d’une chanson des anciens Égyptiens.

Le titre du dieu An, sous lequel Osiris est invoqué, se rencontre dans le Rituel. Voici un passage du Rituel qui peut être comparé au texte : « Que je voyage de même et ne m’arrête pas, semblable à ta sainteté, ô soleil ! »


3e PAGE
2e section

(À cette section commence la 4e scène du tableau qui s’étend jusqu’à la 4e page. Elle représente, suivant les légendes : Osiris Khent-Ament, dieu grand seigneur d’Abydos, recevant l’offrande funéraire de l’Osiris Teut-rut, fille de Persaïs, justifiée, et de sa sœur l’Osiris Ta-rut, fille de Persaïs justifiée. Les deux sœurs sont précédées d’Isis la Grande, la Déesse mère et suivie de Nephtis, la fille divine.)

TEXTE

Évocation de Nephtis. Elle dit :

Ô excellent souverain, viens à ta demeure. Réjouis-toi, tous tes ennemis sont anéantis. Tes deux sœurs sont auprès de toi en sauvegarde de ton lit funèbre. Tu vois nos tendres sollicitudes, parle-nous, ô chef suprême, notre seigneur. Détruis toutes les angoisses qui sont dans notre cœur. Tes compagnons qui sont les dieux et les hommes, lorsqu’ils te voient s’écrient : À nous ta face, ô chef suprême, notre seigneur ; la vie pour nous c’est de voir ta face ; que ta face ne se détourne pas de nous ; la joie de notre cœur est de te contempler, à souverain ; notre cœur est heureux de te voir.


Je suis Nephtis, ta sœur qui t’aime. Ton ennemi a succombé ; il n’existe plus. Je suis avec toi en sauvegarde de tes membres à perpétuité et éternellement.
COMMENTAIRES

Ce paragraphe rappelle la scène bien connue de la momie étendue sur son lit funèbre, auprès duquel se tiennent dans l’attitude du deuil Isis et Nephtis, veillant sur le défunt et se lamentant.

4e PAGE
3e Section.

(Cette section exprime la joie d’Isis qui reçoit Osiris sous sa forme lunaire. Ce n’est plus une évocation, c’est une invocation ou une sorte de litanie.)


TEXTE

Invocation d’Isis. Elle dit :

Ô dieu An, tu brilles pour nous au ciel, chaque jour. Nous ne cessons plus de voir tes rayons. Thoth est pour toi en sauvegarde ; il élève ton âme dans la barque de Ma-at, en ce nom qui est le tien, de dieu Lune. Je suis venue pour te contempler ; tes beautés sont au milieu de l’œil sacré, en ce nom qui est le tien de seigneur de la Panégyrie du sixième jour. Tes compagnons sont auprès de toi ; ils ne se séparent plus de toi. Tu t’es emparé du ciel par la grandeur des terreurs que tu inspires, en ce nom qui est le tien de seigneur de la Panégyrie du quinzième jour. Tu nous illumines comme Ra, chaque jour ; tu brilles sur nous comme Atoum. Les dieux et les hommes vivent parce qu’ils te voient. Tu rayonnes sur nous, tu éclaires les deux mondes. Le double horizon sans cesse te livre passage. Les dieux et les hommes tournent leurs faces vers toi ; rien n’est nuisible pour eux quand tu brilles. Tu navigues en haut du ciel et ton ennemi n’existe plus.


Je suis ta sauvegarde chaque jour. Toi qui viens à nous en fils aîné de l’éternité, nous ne cessons plus de te contempler. Ton émanation rehausse l’éclat des étoiles de Sahou au ciel en brillant et en disparaissant chaque jour.

Je suis la divine Sothis derrière lui ; je ne me sépare pas de lui.

COMMENTAIRES

Tout ce paragraphe se rapporte à la manifestation lunaire d’Osiris. Le dieu navigue dans l’arche sainte sous la forme de la lune ; il parcourt l’espace accompagné de son escorte céleste, sa splendeur jette de l’éclat sur le divin Sahou, nom que les Égyptiens ont donné à la constellation d’Orion, dans laquelle était placée l’âme d’Osiris. Il paraît au ciel chaque jour suivi de la divine Sothis, l’étoile de Sirius, dans laquelle l’âme d’Isis était censée résider. Son émanation, son influence humide donnent la vie aux êtres animés et même aux dieux. Puis Osiris semble être assimilé au Nil. Son âme c’est l’eau qui abreuve ; son être tout entier c’est la nourriture de l’univers. Ce dernier passage est très remarquable. Outre ces allusions cosmogoniques, le texte mentionne quelques dates astronomiques.

5e PAGE
4e section
TEXTE

Invocation de Nephtis. Elle dit :

Ô excellent souverain ! viens à ta demeure. Ounnefer justifié, viens à Tattou. Ô taureau fécondateur, viens à Anap. Bien-aimé de l’Adytum, viens à Kha ; viens à Tattou, lieu que préfère ton âme. Les esprits de tes pères te secondent ; ton fils, l’adolescent Horus, fils de tes deux sœurs, est devant toi. Au lever de la lumière, je suis ta sauvegarde chaque jour. Je ne me sépare jamais de toi.
Ô dieu An, viens à Saïs ! Saïs est ton nom. Viens à Aper, tu verras ta mère Neith. Bel enfant, ne t’arrête pas loin d’elle. Viens à ses mamelles pour t’y abreuver. Frère excellent, ne t’arrête pas loin d’elle ! Ô fils, viens à Saïs !


Osiris-Tarut, surnommée Naï-Naï, fille de Persaïs, justifiée, viens à Aper, ta ville. Ta demeure est Tab. Tu y reposes auprès de ta mère divine pour toujours. Elle protège tes membres, elle disperse tes ennemis, elle est la sauvegarde de tes membres à jamais.


Ô excellent souverain, viens à ta demeure. Seigneur de Saïs, viens à Saïs.
COMMENTAIRES

Cette invocation s’adresse encore à Osiris dont elle fait ressortir la manifestation solaire. Le dieu revenant à la vie est assimilé au soleil diurne et sa mère devient alors Neith, la déesse mère et la mère du soleil, par excellence.


Le texte fait allusion à la formation nouvelle de l’Osiris terrestre par Isis dont parle l’hymne à Osiris, en ces termes : Elle a emporté les débris de son corps et lui a donné la mamelle en secret. On ne connaît pas le lieu où cela se fit.


Les localités désignées étaient situées dans la basse Égypte et n’étaient pas identifiées, excepté Saïs.
5e PAGE
5e Section.


TEXTE

Invocation d’Isis. Elle dit :

Viens à ta demeure, excellent souverain ! viens à ta demeure, viens voir ton fils Horus, chef suprême des dieux et des hommes. Il a pris possession des villes et des campagnes par la grandeur du respect qu’il inspire. Le ciel et la terre sont sous sa crainte, les barbares sous sa terreur. Tes compagnons, qui sont les dieux et les hommes, sont devenus siens dans les deux hémisphères pour accomplir tes cérémonies mystérieuses.


Tes deux sœurs sont auprès de toi offrant des libations à ta personne ; ton fils Horus accomplit pour toi l’oblation funéraire de pains, de breuvages, de bœufs et d’oies. Thoth institue la panégyrie en t’appelant dans ses louanges. Les enfants d’Horus sont la sauvegarde de tes membres, glorifiant ton âme chaque jour. Ton fil Horus salue ton nom dans ta demeure mystérieuse, en te présentant les choses consacrées à ta personne.

Les dieux tiennent à la main des vases pour faire des libations à ton être. Viens à tes compagnons, chef suprême, notre seigneur, ne te sépare plus d’eux.
COMMENTAIRES

Ici finissent les invocations. Cette section est un chant de triomphe, Osiris, renaissant sous la forme d’Horus vainqueur ou du soleil levant, est devenu le maître du monde entier qui le révère, les dieux et les hommes acceptent et pratiquent son culte qui est institué partout. L’assimilation d’Osiris avec le soleil est certainement la plus frappante et la plus importante. Ce n’était qu’une forme du culte du soleil, qui paraît avoir été le culte fondamental et national des anciens habitants de la vallée du Nil.
5e PAGE
Clause finale.
TEXTE

Lorsque cela est récité le lieu (où l’on est) est grandement saint. Que ce ne soit vu ni entendu par personne, excepté par le prêtre supérieur et l’assistant. Deux femmes, belles de leurs membres, ayant été amenées, on les fait asseoir par terre à la porte principale de l’Ousekh ; on fait inscrire sur leurs épaules les noms d’Isis et de Nephtis. On place des vases de cristal (?) pleins d’eau dans leur main droite, des pains faits à Memphis dans leur main gauche. Qu’elles soient attentives aux choses faites à la troisième heure du jour et pareillement à la huitième heure du jour. Ne cesse pas de réciter ce livre à l’heure de la cérémonie.

C’est fini.

COMMENTAIRES

 Ce paragraphe commence par une curieuse formule mystique qu’on rencontre aussi dans le Rituel : « Qu’on ne fasse voir ce chapitre à personne, excepté au roi et aux prêtres supérieurs. »

Les détails liturgiques qui suivent sont infiniment curieux et se trouvent illustrés par les vignettes qui montrent deux femmes assises, tenant dans leurs mains les objets mentionnés dans le texte ; on y remarque les noms d’Isis et de Nephtis écrits auprès des figures.
Certaines cérémonies analogues se pratiquaient chez les peuples syriens à l’occasion des fêtes de deuil pour Adonis, dont le culte s’était introduit chez les Juifs restés à Jérusalem. Ezéchiel en fait mention (8,14).


On a cru reconnaître une origine commune aux légendes d’Osiris et d’Adonis, mais d’après les travaux de Movers il a fallu renoncer à cette hypothèse.








(Les lamentations d’Isis et de Nephtis, d’après un monument hiératique, par de Horrach.)

NOTE 37

La contrée où est situé le temple est entourée d’un désert aride, sablonneux et tout à fait inhospitalier. Cette contrée, qui a environ 50 stades de longueur et de largeur, est arrosé par beaucoup de belles sources d’eau et couverte de bois, surtout d’arbres fruitiers. On respire un air de printemps dans ce lieu privilégié ; le séjour y est sain, bien qu’il n’y ait autour que les sables brûlants du désert. La région consacrée au dieu est limitée au midi et au couchant par les Éthiopiens, au nord par les Libyens nomades et par la tribu des Nasamones, qui s’étend dans l’intérieur du pays. Les Amoniens habitent des villages et, au milieu de leur pays, s’élève une citadelle, environnée d’une triple enceinte. La première enceinte entoure le palais des anciens rois ; la seconde contient les habitations des femmes, des enfants, des parents de la maison royale, le sanctuaire du dieu et la fontaine sacrée où l’on purifie les offrandes qu’on offre au dieu ; la troisième enceinte renferme le logement des satellites. En dehors de la citadelle, et à quelque distance de là, se trouve un autre temple d’Amon, ombragé d’arbres nombreux et élevés. Près de ce temple existe une fontaine à laquelle un phénomène qui s’y passe a fait donner le nom de fontaine du Soleil. Son eau varie singulièrement de température aux différentes heures de la journée : au point du jour elle est tiède, et devient froide à mesure que le jour s’avance, jusqu’à midi où elle atteint son maximum de froid ; la température s’élève à partir de midi, jusqu’à ce qu’elle ait atteint son maximum à minuit ; à partir de ce moment, la chaleur va en diminuant, jusqu’à ce qu’elle arrive au degré qu’elle avait au lever du soleil. La statue du dieu est couverte d’émeraudes et d’autres ornements, et elle rend ses oracles d’une manière toute particulière. Elle est portée dans une nacelle dorée, sur les épaules de quatre-vingts prêtres ; ceux-ci la portent machinalement là où le dieu leur fait signe d’aller ; cette procession est suivie d’une foule de femmes et déjeunes filles, chantant, pendant toute la route, des hymnes et des cantiques selon les rites anciens.

(Diod. de Sicile, l. XVII, p. 50.)
NOTE 38

Les Nasamones, peuple nombreux, habitent tout l’intérieur de la côte cyrénaïque et s’étendent même jusqu’aux autels des Philènes. En été, ils laissent leurs troupeaux au bord de la mer et montent à un certain canton nommé Augila, pour y recueillir les fruits des palmiers. Ces arbres y croissent en abondance, y viennent très beaux et donnent tous des fruits. Les Nasamones vont à la chasse des sauterelles, les font sécher au soleil, et, les ayant réduites en poudre, ils mêlent cette poudre avec le lait qu’ils boivent.

(Hérodote, l. IV, 172.)

Ils sont sauvages dans leur manière de vivre et dans leurs vêtements : ils ne s’habillent que de peaux de chèvres. Leurs chefs ne possèdent pas de villes ; mais ils ont des tours assises sur les eaux… Ils font annuellement prêter à leurs sujets serment de fidélité. Ils soignent comme leurs compagnons d’armes ceux qui leur sont soumis ; mais ils condamnent à la mort ceux qui ne reconnaissent pas leur domination et les poursuivent comme leurs ennemis. Leurs armes sont appropriées à leur pays et à leurs habitudes.

(Diod. de Sicile, l. III.)
NOTE 39

Après avoir traversé l’Hippodrome, dit Strabon (trad., t. V, p. 344), on trouve à 30 stades d’Alexandrie, sur le bord de la mer, Nicopolis, aussi peuplé qu’une ville. César Auguste embellit ce lieu, parce que ce fut là qu’il vainquit ceux qui s’avançaient avec Antoine contre lui, et c’est pour cette raison qu’il le nomma Nicopolis, la ville de la victoire, au lieu de Juliopolis, comme ce village s’appelait avant et même après, jusqu’au temps de Vespasien.

Un coup d’œil jeté sur la carte de l’ancienne Alexandrie et de ses environs nous persuade que la position stratégique choisie par Auguste, et où il a battu Antoine, ne pouvait être que ces hauteurs situées à une distance de 20 à 30 stades de la ville au nord-est. On voit là, en effet, entre autres ruines, les restes d’un petit temple récemment découvert au bord de la mer, à 100 mètres environ au delà du château fort appelé le château des Césars, lequel se trouve à 3 kilomètres environ de la porte Canopique. Si Josèphe estimait à 20 stades la distance de Nicopolis à la ville, tandis que Strabon en compte 30, c’est que, probablement, le faubourg se serait accru du côté de la ville, dans les quarante ou cinquante années qui séparent ces deux écrivains l’un de l’autre.

(Mahmoud-Bey, Mémoire sur l’ancienne Alexandrie, p. 64.)
NOTE 40

Les derniers vestiges des ruines du temple de Cérès et de Proserpine à Éleusis, aujourd’hui appelé Khâdra, avec les colonnes d’Antoine et de Cléopâtre figurant Osiris et Isis, ont en grande partie disparu.

Ce temple se trouvait à 180 mètres environ au nord-ouest du point situé, sur la prolongation de la rue Canopique, à 700 mètres hors de la porte. Il avait quatre plèthres environ de largeur sur un stade de longueur ; on y voit encore aujourd’hui une quantité de socles à leur place primitive, de chapiteaux, de tronçons, de colonnes brisées et de fûts entiers ; le tout en granit rouge. Mais ce qui attire l’attention des visiteurs, ce sont les deux statues colossales dont l’une (celle de Cléopâtre) est brisée en trois morceaux.

(Mahmoud-Bey, Mémoire sur l’ancienne Alexandrie, p. 66.)
NOTE 41

Plutarque (Vie d’Antoine, LXXIV) raconte que Cléopâtre avait fait construire, à côté du temple d’Isis, des sépultures monumentales d’une élévation et d’une magnificence étonnantes, où elle transporta tout ce qu’elle avait de plus précieux : sa fortune en or et en argent et toutes ses richesses. Ce même auteur (l. XXXIV), en parlant du genre de mort employé par Cléopâtre, ajoute : « on avait vu quelques traînées du reptile du côté de la mer où donnait la chambre. »

Cette relation de Plutarque est bien explicite : le tombeau monumental de Cléopâtre était contigu au temple d’Isis, du côté de la mer.

Dion Cassius (l. I, 8), qui mentionne lui aussi le monument bâti par Cléopâtre, dit : le tombeau qu’elle faisait construire à la suite du palais même. Or, on sait pertinemment que les palais royaux étaient à côté du cap, qui portait le nom de Lochias, et, les inscriptions en font foi, qu’il y avait là un temple d’'Isis Lochias Salvatrix.

Par conséquent, c’est à côté du temple d’Isis Lochias, où était le palais royal donnant sur la mer, qu’on doit chercher le mausolée de Cléopâtre, et non pas à côté du temple d’Isis de l’Abondance (Plusia), sur la rue transversale du Soma, aujourd’hui Nebi-Damel.

(Neroustos-Bey, Étude sur l’ancienne Alexandrie, p. 58.)
NOTE 42

Les Égyptiens se figurent l’âme comme un double subtil qui reproduit l’individu trait pour trait avec sa taille, sa couleur, son geste, sa démarche. Chaque fois qu’un de nous vient au monde, son double ou, pour l’appeler comme les indigènes, son ka, y vient avec lui… Les tableaux où Pharaon Amenhotpou III a retracé à Louqsor l’histoire de sa jeunesse, nous sont un exemple de la façon dont on doit s’imaginer le double : Amenhotpou naît et son double est comme lui un nouveau-né que les nourrices soignent de leur mieux ; il grandit et son double grandit avec lui. Le double accompagne fidèlement son homme pendant les vicissitudes de l’existence terrestre. Après la mort, il le suit au tombeau et y reste près de la momie, tantôt caché dans les chambres funéraires, tantôt s’échappant au dehors et reconnaissable la nuit à une lueur pâle qui lui vaut le nom de Lumineux, Khou.

Les statues des rois ont chacune un double d’Horus qui loge en elles et fait d’elles une réplique animée du roi sous son apparence d’immuabilité. Lorsque Amenhotpou construisit le temple de Soleb en Nubie, il voulut y demeurer à côté de son père Amon. Il fit tailler à son usage une idole, y fixa par la prière un de ses propres doubles, l’introduisit dans le sanctuaire et accomplit devant elle les rites qu’on célèbre pour l’intronisation des dieux. Le double, une fois lié à son corps de pierre, ne l’abandonne plus tant qu’il est intact.

(Maspéro, Lectures historiques, Égypte, p. 45.)
NOTE 43

Antoine était mort le 1er août de l’an 29 avant Jésus-Christ. Cléopâtre se donna la mort le 15 août de la même année, c’est-à-dire le 21 mesori 718 de l’ère de Nébonassar, la deux cent quinzième année de l’ère des Lagides, après un règne de 22 années entières.

Ce jour fut le dernier de la race royale des Lagides et des successeurs d’Alexandre le Grand en Égypte.

Porphyre, en parlant des femmes qui occupèrent seules le trône d’Égypte, fait remarquer avec raison qu’en quelque temps qu’elles eussent gouverné, les années de leur souveraineté avaient toujours été attribuées à d’autres. La liste des rois d’Égypte ne contient pas le nom de Cléopâtre, veuve d’Evegète II, qui régna de fait pendant plus de 16 ans avec son fils Alexandre Ier. On n’y trouve pas non plus le nom de Bérénice, qui gouverna souverainement l’Égypte pendant que Ptolémée Denys s’était réfugié à Rome ; et pour Cléopâtre, au contraire, l’histoire lui donne les 22 dernières années du règne des Lagides en Égypte, quoique deux rois légitimes aient successivement occupé le trône avec elle dans ce même intervalle. Les circonstances du règne mémorable de Cléopâtre expliqueront cette différence.

(Champollion-Figeac, Annales des Lagides, t. II.)
NOTE 44

Dans les funérailles égyptiennes, un groupe bruyant de « pleureuses » accompagnait toujours le défunt à sa dernière demeure. Voici, d’après Maspéro, un extrait des lamentations qu’elles prononçaient à la porte de l’hypogée où reposait le mort :

« Plaintes ! plaintes ! faites, faites, faites, faites des lamentations sans cesse, aussi haut que vous le pouvez. Ô voyageur excellent qui chemines vers la terre d’éternité, tu nous as été arraché ! Ô toi qui avais tant de monde autour de toi, te voici dans la terre qui impose l’isolement ! Toi qui aimais à ouvrir les jambes pour marcher, enchaîné, lié, emmailloté ! Toi qui avais beaucoup de fines étoffes et qui aimais le linge blanc, couché dans le vêtement d’hier !… »

NOTE 45

Elien dit que, dans le temple d’Esculape à Alexandrie (qui n’était autre que celui de Sérapis), on nourrissait un serpent urœus d’une grandeur extraordinaire.

Mais le naya-hayèh, aspic de Cléopâtre ou urœus se rencontre surtout dans les fossés et dans les champs. Ce serpent a cinq pieds de long et, quand il est irrité, dresse la partie antérieure de son corps à une hauteur d’un demi-mètre, en la gonflant et l’élargissant en disque à la manière de tous les nayas. C’est avec le hayèh que les Psylles actuels de l’Égypte reproduisent les tours de ceux de l’antiquité.


  1. Ici comme dans beaucoup d’autres circonstances les recherches des modernes sont venues confirmer l’opinion des anciens. En effet, l’élévation de la mer Rouge au-dessus du niveau de la Méditerranée a été trouvée, par une opération exacte, de cinq toises et demie. (Voy. Mémoire sur le canal de Suez, par M. le Père.)
  2. L’emploi des moyens nécessaires pour contenir les eaux ou pour les laisser échapper à volonté était connu en Égypte dès la plus haute antiquité. Diodore de Sicile attribue à Osiris l’invention des portes, c’est-à-dire des vannes servant à cet effet. En prenant ce passage de Diodore uniquement comme une preuve de la haute antiquité de l’invention on le trouve conforme à la vraisemblance, parce qu’on ne saurait comprendre, sans des moyens pareils, le régime de l’arrosement de l’Égypte. C’était avec des portes ou vannes semblables que se fermait le canal qui portait les eaux du Nil dans le lac de Mœris.
  3. Nombres, ch. xiii ; texte hébreu, V, 22 ; Vulgate, 2, 23.
  4. Guerre des Juifs avec les Romains, trad. française, l. V, ch. xiii.
  5. Ibid., l. IV, ch. xxxvii.
  6. La variation des couleurs, par rapport aux différents personnages que je viens d’indiquer, est établie d’après le système le plus généralement suivi chez les anciens Égyptiens : les grandes divinités sont le plus souvent peintes en bleu ou en vert ; les déesses en jaune et les personnages secondaires, en rouge. Il y a cependant des exceptions. Les draperies étaient teintes et dorées selon les différents genres d’étoffes qu’on avait l’intention de représenter.