Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1299

Règne de Philippe IV le Bel (1285-1314)

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[1299]


Robert, duc de Calabre, fils du roi de Sicile, aborda en Sicile avec quelques vaisseaux armés, et s’empara de plusieurs châteaux, dans lesquels il mit aussitôt une garnison de ses gens. Son frère, le fameux Philippe, prince de Tarente, apprenant ces heureux succès, le suivit inconsidérément, et fut pris sur mer avec ses gens par les Siciliens. La paix ayant été conclue à certaines conditions entre Philippe, roi de France, et Edouard, roi d’Angleterre, celui-ci épousa à Cantorbéry Marguerite, sœur dudit roi de France, dont il eut un an après un fils, nommé Thomas. Cassaham, roi des Tartares, appelé aussi le Grand Chien, converti, dit-on, miraculeusement à la foi chrétienne avec une nombreuse multitude de ses sujets, par la fille du roi d’Arménie, chrétienne qu’il avait épousée, rassembla contre les Sarrasins une armée innombrable de laquelle il fit maréchal le roi d’Arménie, Chrétien, et leur livrant d’abord bataille à Alep, et ensuite a Camela, remporta la victoire, mais non sans un grand carnage des siens. Ensuite ayant réparé ses forces, il poursuivit les Sarrasins jusqu’à Damas, où le soudan avait rassemblé une grande armée, et leur livra un combat acharné dans lequel plus de cent mille Sarrasins furent tués. Le soudan échappé du combat se sauva à Babylone avec un petit nombre de gens. Ainsi, par la volonté de Dieu, les Sarrasins furent chassés du royaume de Syrie et de Jérusalem ; cette terre fut soumise à la domination des Tartares, et au temps de Pâques suivant, dit-on, les Chrétiens célébrèrent dans Jérusalem l’office divin avec des transports de joie. Les Colonne, qui attendaient la miséricorde du pape Boniface, voyant qu’ils n’en avaient pas à espérer, s’enfuirent secrètement, et beaucoup de gens ignorèrent dans quels lieux ils se tinrent cachés jusqu’à la, mort du pape.

Albert roi des Romains et Philippe roi de France se réunirent à Vaucouleurs vers l’Avent du Seigneur, et confirmèrent mutuellement l’antique et naturelle alliance des deux royaumes. Il fut, dit-on, convenu, du consentement du roi Albert et des barons et prélats du royaume d’Allemagne, que le royaume de France, qui de ce côté ne s’étendait que jusqu’à la Meuse, porterait désormais jusqu’au Rhin les limites de sa domination. Dans cette même conférence, le roi de France accorda à Henri, comte de Bar, une trêve d’un an seulement. Le terme de la trêve conclue entre le roi de France et le comte de Flandre étant expiré, Charles, comte de Valois, fut envoyé par le roi en Flandre, après la Nativité du Seigneur, avec une grande armée. Douay et Béthune se rendirent aussitôt à lui, et se retirant ensuite à Bruges, il livra dans un port de mer, contre Robert fils du comte de Flandre, un combat opiniâtre. Beaucoup de gens ayant été blessés de part et d’autre, les Flamands s’éloignèrent du champ de bataille, et se retirèrent promptement à Gand.

Ferrie, évêque d’Orléans, fut tué par un chevalier, dont il avait, dit-on, corrompu la fille. Il eut pour successeur maître Bertaud de Saint-Denis, archidiacre de Rheims, qui brillait comme le plus fameux des théologiens de son temps.