Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1132

Règne de Louis VI le Gros (1108-1137)

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[1132]
Mort d’Hugues, évêque de Grenoble
Essor de l’église : création de nouveaux monastères
La ville de Noyon détruite par un incendie


En ce temps mourut le saint homme Hugues, évêque de Grenoble, dont Gui, prieur de la Chartreuse, a écrit la très-pieuse vie. A cette époque, l’Église portait une face brillante et belle, et elle se voyait entourée d’un grand nombre d’ordres de règles diverses : d’un côté les moines de Cluny et de Cîteaux, de l’autre, les chanoines des Prémontrés et les chanoines réguliers, comme aussi des nonnes de divers habits et professions, et des femmes consacrées à Dieu, vivaient, selon les règles, dans la continence et la pauvreté, sous le joug de l’obéissance, rivalisant de ferveur religieuse, et fondant à l’envi de nouveaux monastères dans différens endroits. Avec eux aussi les moines chartreux se multipliaient plus considérablement en France. Plus continens que tous les autres, ils mirent des bornes à l’avarice, dont nous voyons beaucoup de gens atteints sous l’habit religieux ; se fixèrent, pour la quantité en biens en terre et le bétail, de certaines limites qu’ils ne pouvaient dépasser. Ils avaient chacun une petite cellule, et se rassemblaient rarement, si ce n’est pour le service de Dieu, ou pour jouir des consolations d’une mutuelle charité ; ils aimaient mieux mourir plus parfaitement en ce monde et vivre d’autant plus près de Dieu, qu’ils étaient plus éloignés des autres hommes. En outre, les chevaliers du Temple de Jérusalem et les frères de l’Hôpital, vivant dans la continence sous l’habit religieux, se multipliaient et étendaient leur ordre de tous côtés. Les évêques des églises et les princes du siècle donnaient aux religieux le plus prompt consentement, offrant de leur propre mouvement leurs terres, leurs prés, leurs bois et autres choses nécessaires pour la fondation des monastères.

Presque toute la ville de Noyon, y compris l’église de Sainte-Marie et l’évêché, fut consumée par un incendie. Ce fut, dit-on, par un juste jugement de Dieu, parce qu’un grand nombre de ceux de la ville avaient reçu d’une manière peu convenable le souverain pontife Innocent.

Le jour de Pâques, Clairvaux donna naissance à deux monastères, Long-Pont et Riéval, et peu de jours après à celui de Nancelles.