Bibliothèque de l’Action française (p. intro).

INTRODUCTION


Ces pages sur nos ancêtres sont le texte à peine remanié d’une conférence donnée à Montréal, lors d’une soirée de l’ACTION FRANÇAISE. On ne sera donc pas étonné de leur trouver une forme oratoire.

Le projet de cette petite étude nous est venu lors d’un voyage à Boston. Nous avions posé cette question à quelques-uns de nos frères de là-bas : « Où, Franco-Américains, prenez-vous les attaches de vos sentiments français ? En France d’abord ou au Canada ? » Les réponses furent diverses ; mais quelques-uns nous répondirent : En France d’abord. — Ils voulurent même ajouter : « Nous considérons le passage de nos pères au Canada, comme un temps d’épreuves, où, loin de s’enrichir, le type français s’est appauvri ». Là-dessus nous discutâmes très aimablement. Et je terminai en faisant observer à nos amis qu’au moins ce trait de famille nous restait commun, que les uns et les autres nous ignorions profondément notre passé.

Ce petit débat me parut toutefois d’une importance qui méritait nos réflexions. L’état d’âme que me révélaient quelques Franco-Américains ne viendrait-il pas à se généraliser parmi eux, parmi nos frères des provinces anglaises du Canada, le jour, où, avec les générations grandies au loin, s’atténuerait le souvenir de la vieille province ?

Ce malheur qui serait grand, nous sommes d’avis qu’il faut le prévenir à tout prix. Si nos ancêtres immédiats cessent de nous être communs, c’est un lien, ou, du moins, un degré de parenté qui s’évanouit entre nous et les groupes de race française en Amérique. Or, ni les uns ni les autres, à ce qu’il nous semble, n’avons intérêt à sacrifier la plus petite de nos forces morales, à diminuer dans sa chaleur, l’étreinte des mains qui ont besoin de se joindre.

Nous croyons, pour notre part, que le devoir de la justice envers nos pères nous interdit l’attitude du parent pauvre dans la famille française. Il n’est que de feuilleter l’histoire de nos origines. Elle établit, à notre honneur, que pendant les cent cinquante ans de notre premier régime, pendant ce siècle et demi où la vie fut prodigieusement intense, où les âmes montèrent à la hauteur épique et s’interdirent d’en descendre, le type français n’a ni déchu ni dérogé.

Nous avons ramassé ici quelques traits de la physionomie des ancêtres, quelques éléments de leur vie intime, de leur état social et familial. Notre démonstration historique n’est donc qu’une esquisse. Mais elle révèle assez de noblesse, assez de grandeur historique et originale pour convaincre tous ceux-là qui comprennent quelque chose à la véritable beauté humaine.


Montréal, ce 24 juin 1920.