Chansons posthumes de Pierre-Jean de Béranger/Petit Bonhomme


PETIT BONHOMME


À MON VIEIL AMI LAISNEY, QUI M’ÉCRIVAIT : « PETIT BONHOMME VIT ENCORE »[1]



Petit bonhomme vit encore.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas,
Quand maint sot, quand mainte pécore,
Échappent cent ans au trépas ?
Envie et haine, il vous ignore ;
Fortune, il rit de tes appas.
Petit bonhomme vit encore.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?

Il vit encor, petit bonhomme.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?
S’il ne peut plus mordre à la pomme
Qu’Adam a greffée ici-bas,
Il n’en dort pas moins d’un bon somme,
N’en fait pas moins quatre repas.
Il vit encor, petit bonhomme.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?

Petit bonhomme vit encore.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?
Au Parnasse, dès notre aurore,
C’est lui qui m’a marqué le pas.
Qu’un siècle et plus sa voix sonore
Chante aux enfants leurs grands-papas !
Petit bonhomme vit encore.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?

Il vit encor, petit bonhomme.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?
Quand des hivers s’accroît la somme,
On rêve à ses jeunes ébats.
Plus d’un rayon réchauffe et dore
Le vieux pin chargé de frimas.
Petit bonhomme vit encore.
Eh ! pourquoi ne vivrait-il pas ?

  1. Cette chanson n’est pas digne de l’impression, mais je la garde comme le dernier souvenir d’une vieille amitié.