Imprimerie de Dubuisson et Cie (p. 20-22).



JOB LE MONTAGNARD

Musique de M. Th. de Lajarte
Séparateur


Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.


Vous l’avez tous connu, cet enfant de nos monts,
Dont le pied assuré foulait les hautes cimes ;
Nos grands gouffres pour lui n’étaient pas trop profonds ;
Son œil ne tremblait pas au-dessus des abîmes :
C’était le bien-aimé des fertiles vallons.

Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.

Hier, il gravissait lentement le chemin
Qui, creusé dans le roc, mène aux montagnes blanches ;
Il suspendit son chant pour me serrer la main,
Et puis il disparut tout joyeux sous les branches
De nos vieux sapins noirs, en disant : à demain !

Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.

Demain, ô pauvre Job ! Demain, c’est aujourd’hui !
Brisés par nos sanglots, nous entourons ta bière ;
L’écho de ta chanson dans la montagne a fui,
Pour s’en aller à Dieu comme va la prière,
Quand du fond d’un bon cœur elle s’adresse à lui.

Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.

Tes pas n’effrairont plus le timide chamois,
La montagne oublira ta marche cadencée

À travers les rochers, les bruyères, les bois ;
Et quand viendra la nuit, Ketty, ta fiancée,
Sur ta tombe, éplorée, embrassera ta croix.

Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.

Vers toi s’était tourné le regard du malheur,
Lorsque pour t’emporter s’élança l’avalanche,
Tu devais mourir là, dans ta force et ta fleur.
En vain ta vieille mère et t’appelle et se penche
Sur ton corps. Elle est folle ; elle est frappée au cœur !

Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.

La douleur a tari les larmes de ses yeux,
Ton nom s’est arrêté sur sa lèvre tremblante,
Et c’est par la pensée, en regardant les cieux,
Qu’elle monte vers toi, dans sa raison absente,
Espérant te revoir au séjour des heureux.

Entendez-vous vibrer la cloche funéraire ?
À genoux, compagnons, c’est Job qu’on porte en terre.