Cham - Albums du Charivari/Nouvelles leçons de civilité puérile et honnête à l’usage des personnes grossières et sans éducation

Nouvelles leçons
Nouvelles leçons
DE CIVILITÉ PUÉRILE ET HONNÊTE
à l’usage
à l’usage
DES PERSONNES GROSSIÈRES ET SANS ÉDUCATION,

Par Cham
Par Cham

Quand vous savez qu’une personne porte perruque,
il n’est pas convenable de la lui enlever pour voir
si ses petits cheveux repoussent.


Paris
Paris
AU BUREAU DU JOURNAL LE CHARIVARI,
16, RUE DU CROISSANT.
filet
filet
Paris. Typographie Plon frères, rue de Vaugirard, 36.
Dès que vous venez au monde, criez le moins possible, afin de ne pas fatiguer les oreilles de vos parents, et de crainte de faire naître en eux le regret de vous avoir donné le jour.
N’ayez jamais l’air d’avoir une préférence marquée pour le biberon-Darbo lorsque votre nourrice vous présente le sein, ce serait lui faire une grande malhonnêteté.
Si vous vous apercevez que le lait de votre nourrice a tourné, quittez son sein sous prétexte de regarder des gravures afin qu’elle ne se doute pas du véritable motif qui vous fait agir, ce qui pourrait peut-être blesser son amour-propre.
Ne troublez jamais le sommeil de votre nourrice ; si vous avez soif pendant la nuit, allez boire au pot à l’eau.
Criez le plus possible lorsqu’arrive votre première dent, afin que vos parents n’oublient pas de la payer à votre nourrice.
Une jeune fille qui tient à faire plaisir à sa bonne doit toujours vivre en bonne intelligence avec les militaires en général, et les sapeurs en particulier.
Si vos mains sont sales, n’allez pas les appliquer en plein sur le pantalon blanc d’un monsieur qui vient faire une visite à madame votre mère.
Si vous lisez sur la figure de monsieur votre père un vague désir de vous administrer le fouet, déboutonnez vivement votre culotte pour lui en faciliter l’exécution.
N’oubliez pas que vous devez professer un très-grand respect pour toutes les personnes qui ont des cheveux blancs.
Ne fourrez jamais les doigts dans votre nez, et encore moins dans le nez d’une personne qui vous serait étrangère.
Si votre oncle n’a pas de cheveux du tout, respecter sa tête, mais moins, nécessairement, que s’il avait des cheveux et qu’ils fussent blancs.
Vos parents ont le droit de vous donner autant de frères et de sœurs que bon leur semble, sans que vous ayez le droit de leur faire la moindre observation à cet égard.
Ne profitez pas de ce que vos parents sont sortis pour vendre leur effets aux marchands d’habits galons.
Quand une dame dit : Voilà un enfant bien fort pour son âge !… il est inutile que vous lui appliquiez un coup de poing pour venir à l’appui de ce qu’elle avance.
Ayez toujours sur vous un mouchoir de poche, ne vous mouchez ni sur votre manche, ni dans des rideaux, ou si vous le faites, tachez au moins qu’on ne vous voie pas.

Si votre mère a des osanores et quelle ait oublié de les mettre, gardez-vous de les lui apporter lorsqu’elle a des visites.

En passant devant un magasin de jupes en crinoline et autres accessoires féminins, un enfant ne doit jamais s’écrier : — Tiens, maman en a comme ça !
Ne placez jamais une épingle, un canif ni même une paire de ciseaux de façon qu’on puisse s’asseoir dessus, à moins que vous ne soyez très-lié avec la personne à qui vous faites cette plaisanterie, et encore est le mieux de s’en priver.
Sachez, dès votre plus tendre enfance, compatir à toutes les faiblesses humaines.
Obtempérez aux désirs de vos parents sous quelque forme qu’ils se présentent.
N’interrompez jamais une personne plus âgée que vous, surtout quand elle ne vous adressait pas la parole.
Ne pas se déshabiller de la tête aux pieds dans un salon sous prétexte qu’on a une puce.
Ne pas aller chez Daumier pour le prier de faire paraître la charge de votre père et de votre mère dans le Charivari.
Ne vous mettez jamais à deux pour frapper une femme, un homme seul doit suffire, surtout si la femme ne se défend pas.
Un enfant de dix ans ne doit jamais contredire sa maman lorsqu’elle dit à quelqu’un qu’il n’en a que six.
Gardez-vous bien d’introduire des queues en papier dans le corps des animaux, à moins que ces animaux ne vous en aient formellement témoigné le désir.
Quand vous allez dîner en ville, il ne faut jamais apporter votre pain sous le bras. — il n’y a qu’aux maçons à qui l’on passe cette habitude, et encore faut-il qu’ils soient Limousins.
Il est également inconvenant d’amener votre chien dîner chez des étrangers, à moins qu’il n’ait reçu une invitation spéciale.
Ne cachez pas votre assiette sur vos genoux afin d’être servi deux fois.
Si vous dînez pour la première fois dans une maison, ne lancez pas des boulettes de pain à la maîtresse du logis, attendez que vous soyez entré un peu plus dans son intimité.
Même lorsque vous serez arrivé à un âge mûr, tenez-vous convenablement à table et n’exécutez pas des tours d’adresse ; si vous veniez à les manquer, vous pourriez passer pour un maladroit.
Si vous passez sous la table pour ramasser votre serviette, ne reparaissez pas avec les jarretières de toutes les dames, vous pourriez paraître indiscret.
Si vous n’avez pas de casse-noisette, brisez vos noix avec les dents, mais ne vous asseyez jamais dessus pour les casser.
Le dîner terminé, ne sautez pas sur le dos de la personne qui se trouve à côté de vous pour qu’elle vous porte en vinaigrette au salon. — Offrez la main aux dames, c’est plus poli.
Ne pincez jamais la taille de la bonne chargée de vous annoncer, dans la crainte d’éveiller la jalousie de la maîtresse de la maison, qui serait peut-être bien disposée à votre égard.
Ne paraissez pas visiblement contrarié de vous trouver face à face avec monsieur quand vous veniez pour voir madame, cela pourrait sembler louche.
Ayez soin de ne pas entrer dans un salon avec des bottes sales, laissez-les plutôt dans l’antichambre sous le prétexte qu’elles vous gênent.
Ne vous levez jamais tout à coup de votre chaise pour rendre à une dame le service de lui arracher un cheveu blanc que vous voyez briller sur sa tête, cette politesse est rarement appréciée à sa juste valeur.
Présentez-vous toujours convenablement dans un salon et n’y entrez jamais en faisant la roue, quelle que soit votre force sur cet exercice.
N’allez pas faire une visite après avoir pris médecine, si vous ne voulez pas vous exposer à perdre tout à coup le fil de la conversation.
Après dîner, jouez aux cartes, si bon vous semble, mais n'écrasez pas la tête de votre adversaire contre la table, sous le prétexte de l’empêcher de voir dans votre jeu.
Ne soyez jamais malhonnête lorsque la maîtresse de la maison vous prie de faire danser une dame de quarante ans passés.
Après la contredanse, ne reconduisez jamais votre danseuse en lui passant le bras autour du cou, d’abord vous lui tiendriez trop chaud, et puis sa mère pourrait peut-être y trouver à redire.
Lorsqu’une dame comme il faut va au bal, il est de mauvais goût qu’elle emporte son cabas pour y fourrer tous les bouts de bougie qui restent encore à la fin de la soirée, par cette inconvenance elle peut se faire une querelle avec les domestiques de la maison, dont elle diminue les profits.
Ne donnez jamais double pourboire au cocher qui vient de verser votre femme, dans la crainte qu’il ne s’aperçoive qu’il vous a fait grand plaisir.
Lorsque vous avez dîné en ville, n’allez pas dans la cuisine après le repas pour demander à emporter les restes.
Si vous-vous battez en duel, attendez que les témoins vous donnent le signal, et ne tirez pas sur votre adversaire au moment où il pose son habit à terre.
Ne cherchez jamais à tromper personne ; si on admire vos dents et qu’elles ne soient pas à vous, ôtez-les afin qu’on ne reste pas dans l’erreur.
Ne jamais se servir de sa salive pour lisser les cheveux d’une dame qu’on ne connaît pas.
Ne jamais passer la jambe par-dessus un monsieur plus petit que soi, surtout si l’on tient à ne pas lui faire une impolitesse.
Lorsqu’un homme s’est jeté à l’eau en votre présence, vous ne devez jamais l’aider à se noyer, restez impassible et laissez-le se suicider tranquillement.
Ne vous amourachez jamais d’un invalide pour son nez en argent, aimez-le pour lui-même, c’est un sentiment plus noble.
Ne pas se lever, quand on est au restaurant, pour s’assurer si la viande de son voisin est bien cuite.
Lorsqu’une dame vous demande s’il y aura un changement dans le temps, n’ôtez pas votre botte pour consulter vos cors ; ne vous servez de ce baromètre que lorsque vous êtes seul.
Ne vous servez jamais de votre fourchette comme d’un peigne fin, ou, si vous le faites, demandez qu’on vous la change après, c’est plus propre.
S'habiller toujours selon son âge, et ne jamais essayer de se rajeunir par son costume.
Si, lors de votre arrivée dans une maison, on vous fait la politesse de vous demander si vous désirez prendre quelque chose, ne désignez jamais le plus joli meuble de l’appartement.
Si vous regardez un ballon, ne témoignez pas à haute voix le désir que vous auriez de voir une fois dans votre vie dégringoler la personne qui se trouve dans la nacelle, cela pourrait vous faire passer pour un homme plus féroce que vous ne l’êtes réellement.
Si par votre maladresse vous blessez un de vos amis à la chasse, soutenez-lui que c’est par sa faute que ce malheur est arrivé, cela vous excusera toujours un peu.
Enfin quand vous aurez soixante-dix ans et que vous prendrez énormément de tabac, ayez soin de bien vous moucher avant d’embrasser les jeunes personnes.