Cham - Albums du Charivari/Baigneurs et buveurs d’eau

Journal le Charivari (5p. 167--).

BAIGNEURS
ET

Buveurs d’eau
Buveurs d’eau


Par Cham
Par Cham


— Malheureux ! tu as l’imprudence de conduire
Ernestine à Vichy !… Tu trouvais donc qu’elle ne
t’en mangeait pas assez, que tu viens encore lui
fortifier l’estomac pour qu’elle t’avale le reste !



MAISON MARTINET
172, rue de rivoli, et rue vivienne, 41



PARIS. — IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.


— Ma chère, viens donc aux eaux de Néris ; c’est très-bien porté les maux de nerfs cette année.

— Tu te trompes, ce sont les maux d’estomac qui sont à la mode dans ce moment-ci ; allons à Vichy.

— Dites donc, la bonne, vous n’avez pas mis d’eau pour que je puisse me débarbouiller ?

— C’est pas la peine, madame va aux bains de mer la semaine prochaine.

— Les eaux ici sont-elles ferrugineuses, sulfureuses ?… Quelle est leur nature ?

— J’y vois Amanda… elles doivent être aurifères !

— Que signifie ce travestissement, madame ?

— Eh bien puisque tu m’as dit que tu allais me conduire aux bains de mer, j’ai acheté un costume, et je l’ai mis, me voilà prête, partons.

— Milord, vous prenez vos eaux de Vichy à Bade ?

— Oh ! yes, je trouve que Vichy il est charmant à Bade !

— Dans quel endroit sommes-nous, brave Badois ?

— Monsieur, vous êtes au Lichtenthal, à deux pas de l’ours.

— Ah ! mon Dieu, allons-nous-en bien vite avant qu’il nous aperçoive !

La musique autrichienne de Bade exécutant une valse allemande.

— Je venais à Baden pour la santé à moâ.

— Quelles eaux venez-vous prendre à la trinkhalle, nous y avons de toutes les eaux ?

— Eh ! bien alors je vôlais prendre volontiers de l’eau-de-vie.

À VICHY.
Tiraillée entre son baigneur et son valseur.

— Garçon, veuillez me remettre ma note d’hôtel.

— Je la remettrai à monsieur après qu’il aura pris son bain de Vichy.

— Je comprends ! afin que je puisse la digérer plus facilement, n’est-ce pas ?

— Imbécile, tu as avalé un os !

— Dame ! j’ai entendu dire qu’à Vichy on pouvait manger de tout sans que cela fasse mal.

— Faut-il que tu sois crétin de l’avoir engagé à dîner, mais malheureux ! il arrive de Vichy ! il va tout dévorer dans la maison.

— Tiens ! vous ne buvez pas votre eau vous-même ?

— Ma foi non, elle est trop mauvaise ; je la fais boire à mon domestique.

À CONTREXEVILLE.

— Allons-nous-en, ma chère, il n’y a rien à faire pour nous par ici avec des hommes qui ont la pierre et qui, par conséquent, sont toujours à calculer !

Les eaux thermales perdant de leur efficacité lorsque la pluie les coupe par trop.
À BOURBONNE-LES-BAINS.

— Sergent, quel est le médecin qui vous a envoyé aux eaux de Bourbonne ?

— C’est pas un médecin, c’est un grenadier russe pour ce bras-ci et un soldat autrichien pour cette jambe-là !

— Comment ! vous voulez aller à Saint-Amand !… mais vous ne savez donc pas que ce sont des bains de boue !

— Qu’est-ce que ça me fait… j’ai l’habitude de la boue… je demeure à Paris dans une rue macadamisée !

AUX BOUES DE SAINT-AMAND.

— Comment ! madame veut absolument rester en voiture pour prendre ses bains ?…

— Mais, certainement ! je n’ai pas envie de me crotter.

— C’est un baigneur que j’ai demandé !

— Mais, monsieur, aux boues de Saint-Amand le baigneur est un décrotteur.

UN NOUVEAU GARÇON DE BAIN.

— Dame ! puisqu’il a des rhumatismes dans la tête, je suppose que c’est comme ça qu’il faut le placer dans son bain de boue.

DANS LES PYRÉNÉES.
Un monsieur revenant de boire ses quinze verres à la source des Eaux-Chaudes.
Un monsieur profitant des Eaux-Chaudes pour s’y faire la barbe.
À BARÉGES.

— Tenez, comme c’est, agréable ! voyez la couleur que m’a donnée le bain de Baréges !

— Madame aurait dû me prévenir qu’elle se maquillait avec du blanc de céruse.

— Il y a des petits serpents dans les eaux de Saint-Sauveur !

— Ah ! mon Dieu ! cherche voir si tu n’en trouverais pas un à sonnettes avec lequel nous puissions appeler le baigneur à notre secours.

EXCURSION AU PIC DU MIDI.

— Moi qui comptais m’asseoir pour me reposer en arrivant au sommet du pic du Midi ! Merci, que je vais me mettre là-dessus !

— Sapristi ! voilà quinze jours que je suis dans le pays basque, et les habitants courent toujours ! Impossible d’en arrêter un pour causer une minute en place !

— Mon ami, vois donc ; connais-tu ce baigneur-là ?

— Il ne mange pas à mon hôtel.

— Allons-nous-en, je crains qu’il ne mange ici !

— Pourquoi ne montez-vous pas à cheval dans les Pyrénées ?

— J’aime mieux monter sur les chiens, ils sont plus grands.

AUX EAUX DE LUCHON.

— Mâtin ! je ne t’ai jamais vu si crâne que dans ce pays-ci ! tu insultes tout le monde !

— Il n’y a aucun danger qu’ils bougent, les drôles ! ils sont tous perclus de rhumatismes.

AUX EAUX DE BAGNOLI (NAPLES.)

— Ciel ! un brigand qui s’est caché au fond de ma baignoire !

— Eh bien ! vous êtes poli ! c’est pour moi que vous vous tenez ainsi ?

— Ne faites pas attention, c’est une habitude que j’ai contractée aux bains de Baréges.

RETOUR DES EAUX DE FORGES.

— Ah ! mon Dieu ! à qui tous ces moutards ?

— Mais à toi, mon ami, les eaux de Forges font des miracles !

À AIX (EN SAVOIE.)

— Ventrebleu ! baigneur ! faites-donc attention, vous me raclez le dos trop fort.

— Excusez, mon bourgeois ! c’est que, voyez-vous, dans ma jeunesse j’ai été ramoneur !

— Il n’y a que les sources françaises qui me fassent du bien, aussi je ne viens à Aix en Savoie que depuis l’annexion.

— Ventrebleu ! vous ne me donnez seulement pas le temps de me déshabiller !

— Oh ! monsieur, ça n’en finirait plus, alors ! Je n’aurais pas le temps de doucher les autres, faut que je me dépêche.

Terreur d’un baigneur qui sort d’un bain térébenthiné à la vue d’un monsieur qui s’approche de lui le cigare allumé à la bouche.
AUX EAUX DE BARBOTAN.

— Monsieur, veuillez je vous prie vous tenir tranquille dans la Piscine !

— Monsieur, je suis à Barbotan, c’est pour barboter.

À LA PISCINE DU MONT-DORE (AUVERGNE.)

— C’est une horreur ! je ne me baigne pas avec les messieurs !

— Fouchtra ! en Auvergne n’y a ni hommes ni femmes, touches auvergnats ! touches dans la même baignoire !

À MARIENBAD.
Inconvénient de prendre un bain d’acide carbonique trop chargé.
Les eaux de Sedlitz.
Fausse interprétation du traitement de Cauterets.

— Tu crois, ma chère, que les bains sulfureux te feront maigrir ?

— Mais, certainement ! c’est avec du soufre qu’on fait les allumettes !

— Qu’est-ce que cette vieille bavarde est venue faire à Cauterets ?

Parbleu ! elle est venue y faire des fagots !

— Comment ! tu reviens d’Hombourg avec un ventre pareil ?

— Hélas ! j’ai eu l’imprudence de le mettre sur un numéro qui est sorti, et j’ai gagné trente-six fois ma mise !

— Comment, malheureuse ! tu n’as pas eu honte d’aller te baigner avec un cuirassier ?

— Mon ami, le médecin m’a ordonné des bains d’eau ferrée.

Un monsieur indiscret abuse de ce qu’une dame sort d’un bain ferrugineux pour la faire venir à lui au moyen d’un morceau d’aimant.

— Monsieur, je vais commencer par y aller doucement, j’arriverai graduellement…

— À m’assommer !

— Je vois la douche qu’il faut à monsieur ! Monsieur besoin qu’on lui remonte les nerfs !

— Je vous donnerai quelque chose avant de partir ; mais, je vous en préviens, vous ferez en sorte qu’elle ait un autre goût que ça, votre eau de source.

À WIESBADEN.
Ces eaux sont légèrement excitantes.

— Monsieur le chef d’orchestre, elle n’est donc pas à deux temps la valse que vous jouez là ?

— Non, mademoiselle, nous avons beaucoup de rhumatisants ; nous sommes obligés de jouer une valse à trente-quatre temps pour qu’ils aient celui de tourner.

— Je vais prendre un bain ! faut-il demander un peignoir ou des serviettes ?

— C’est inutile, tu iras simplement faire un tour au salon de conversation ; tu seras promptement à sec.

LES EAUX DE SEINE.

— Il y a trop de monde dans votre bain !

— Oui, monsieur, aussi ceux qui vont au fond, nous les y laissons pour faire de la place !

— Caroline qui vient de couler, faut avertir le maître nageur !

— Ce n’est pas la peine, cette fille-là remonte toujours sur l’eau. Ainsi, cet hiver elle n’avait plus le sou ; un mois après elle roulait sur l’or. Je ne crains pas pour elle, n’y a pas de danger.

CONVERSATION SOUS-MARINE.

— Vous ne remontez pas ?

— Ma foi, non, j’ai reconnu un de mes créanciers dans le bain !

— Vous ne repêchez pas ce baigneur qui vient de couler au fond ?

— Monsieur, je désire qu’il ait le temps d’admirer le fond de bois de notre établissement ! Un travail superbe, monsieur, faut voir ça ! faut voir ça !