Chacun vit de son métier

Chants révolutionnairesAu bureau du Comité Pottier (p. 76-77).


CHACUN VIT DE SON MÉTIER



Médaille d’argent au Concours de la Lice chansonnière, 22 août 1883.


Buvant la goutte, un croque-mort
Dit au commissaire :
« La besogne, ne va pas fort
» Dans le funéraire.
» Avec six enfants, cher Thomas,
» Sans pourboire on est vite à bas.
» Le mort ne va guère !
» Le mort ne va pas !

» Dieu sait comme un printemps malsain
» Nous est nécessaire
» Ça fait gagner le médecin
» Et l’apothicaire.
» Cercueils de plomb, marbre, vieux draps ;
» Le mort fait vivre tant d’états…
» Le mort ne va guère !
» Le mort ne va pas !

» La fosse commune va bien
» Dans ce cimetière ;

» Oui ; mais ça ne rapporte rien,
» La classe ouvrière,
» L’hôpital les fournit par tas,
» Et nos choux n’en sont pas plus gras.
» Le mort ne va guère !
» Le mort ne va pas !

» On prévoyait deux morts cossus
» Dans le ministère ;
» Je comptais payer là-dessus
» Mon propriétaire.
» Pas de chance ! Hier au plus bas,
» Les voilà tirés d’embarras !
» Le mort ne va guère !
» Le mort ne va pas !

» Le mort, c’est vrai, met en chagrin
» Bien des gens sur terre.
» Mais, que veux-tu ? c’est notre pain.
» Chacun son affaire.
» Je n’ai mis les deux bouts, Thomas,
» Qu’au bon temps des deux choléras,
» Le mort ne va guère !
» Le mort ne va pas !