Chacun me dit, Ronsard, ta Maistresse n’est telle

Chacun me dit, Ronsard, ta Maistresse n’est telle
Les Amours, Texte établi par Hugues VaganayGarnier2 (p. 327-328).

XXXVIII

Chacun me dit, Ronsard, ta Maistresse n’est telle
Comme tu la descris. Certes je n’en sçay rien :
Je suis devenu fol, mon esprit n’est plus mien,
Je ne puis discerner la laide de la belle.

Ceux qui ont en amour et prudence et cervelle,

Poursuivant les beautez, ne peuvent aimer bien.
Le vray amant est fol, et ne peut estre sien,
S’il est vray que l’amour une fureur s’appelle.
Souhaiter la beauté, que chacun veult avoir,
Ce n’est humeur de sot, mais d’homme de sçavoir,
Qui prudent et rusé cherche la belle chose.
Je ne sçaurois juger, tant la fureur me suit :
Je suis aveugle et fol : un jour m’est une nuict,
Et la fleur d’un Chardon m’est une belle Rose.