Collection des Orties blanches (Jean Fort) (p. 99-114).

V

LE JET D’EAU

Laissons aussi parler à son tour une jeune personne méritante fière de compter parmi les adeptes du Fouet et qui, comme telle, a sa fiche.

— Ce sont vos estampes, qui me font rire… Cela me rappelle quelque chose. Il y a des femmes aussi qu’intéresse et ravit l’emploi de l’instrument cher aux apothicaires de jadis. Votre amie Paulette est du nombre : je le sais. Je le sais même pertinemment. Mais, j’en ai connu une autre. Mon dieu, oui, je peux vous conter cela ; vous en ferez ce que vous voudrez.

J’avais treize ans et demi, j’allais à l’école. J’y devais rester encore un an, et, après, entrer comme apprentie brodeuse chez la mère d’une camarade de classe. Madame Fleury avait son atelier et son domicile dans notre maison, rue de Cléry, à l’étage au-dessous.

Ma camarade qui s’appelait Marguerite, c’est-à-dire Maggie dans l’intimité, commencerait elle aussi et en même temps, son apprentissage. C’était une petite maison de broderie, mais qui gagnait de l’argent. Cinq, six ouvrières au plus ; mais, du beau, tout à fait, rien que pour les plus grands couturiers.

Avec Maggie, on était inséparables, on s’adorait. Du reste, on s’adore encore. Je ne vous apprends rien, car vous la connaissez. C’est elle avec qui j’étais l’autre soir, quand vous nous avez rencontrées. Elle ne s’appelle plus Maggie : il n’y a que son nom de changé. Et le mien, car, moi de même, je m’appelais pour lors Berthe, tout simplement.

Maggie et Berthe, on ne les voyait jamais l’une sans l’autre. Vrai, on nous prenait pour les deux sœurs. Blondes du même blond, nous nous ressemblions et nos mères se plaisaient souvent à nous habiller pareil. Nos pères s’étaient liés également, tous deux employés de commerce, le mien au Sentier, le sien aux Ternes. Moi, je suis Parigote, d’une lignée de Parisiens pur-sang. Les Fleury eux, des Manceaux, venus ici à vingt ans. Chez eux, j’avais vu au commencement de l’année une tante, sœur de Madame Fleury et qui, restée au pays, était à Paris pour quelques jours.

Elle avait été aimable au possible pour moi. Sans enfants et les aimant beaucoup, elle choyait sa nièce, qui, tous les ans, passait un mois chez elle. Les années d’avant, ma copine lui avait parlé de moi et elle me connaissait bien sans m’avoir jamais vue. Elle m’invita à accompagner Maggie aux prochaines vacances et il fut convenu avec maman qu’aux premiers jours d’août, je partirais pour Le Mans en compagnie de Maggie et que je ne rentrerais avec elle que pour octobre.

C’est ce qui se fit en son temps.

L’oncle et la tante vinrent nous chercher à la gare. Au départ, on nous avait recommandées au chef de train.

Madame Tessier habitait la ville, à quelques kilomètres sur la route d’Arnage. Son mari, associé d’un marchand de biens n’était là qu’à midi et le soir. Souvent même il déjeunait au-dehors pour ses affaires. La maison m’enchantait avec son potager et son verger si vastes, trop grande pour le couple et son unique bonne, la vieille Maria. De là date mon amour pour la campagne, amour qui sera éternel, n’en doutez pas, car je ne le satisfais jamais, malgré mon envie. Tous les ans, et cela me dure huit jours, il me prend une rage folle de voir de la verdure, des vaches, des oies, des grenouilles, et cela finit, chaque fois, par un déjeuner que m’offre un ami ayant une auto, à Saint-Germain ou à Barbizon.

À Arnage, la Sarthe passe. C’est une belle rivière pleine de grenouilles sur ses bords, avec des martins-pêcheurs dans les saules, qu’on voit, éblouissants de vives couleurs comme des oiseaux des îles, piquer tout d’un coup vers l’eau et revenir avec un petit poisson d’argent qui, pincé dans leur petit bec, étincelle au soleil. Je ne connaissais pas cet amour d’oiseau-là, cette fleur aîlée, de jade, d’émeraude et de lapis. Tous les habitants du pays en ont un, empaillé sur leur cheminée.

Et puis, il y a des mûres plein les haies. Il n’est pas de propriété, jardin ou champ, que n’entoure une haie de ronce. Or, les gosses du pays ne touchent pas aux mûres. Cela donne la fièvre, disent ces tas de nouilles ! Des mûres grosses comme des prunes et exquises, auxquelles ne ressemblent en rien ces riquiquis de mûres aigres ou fades des environs de Paris. Avec Maggie, j’en cueillais des kilos que je mangeais avec délices. Me suis-je régalée avec ces mûres qui, vous allez voir avant peu, jouent un rôle important dans mon histoire ! Je vais y arriver, n’ayez pas peur.

Maggie et moi, nous couchions dans un grand lit, celui de la chambre d’amis, si vous voulez, mise à notre disposition, au premier. Les Tessier couchaient au rez-de-chaussée et Maria au grenier.

On était débarquées à midi. Après le déjeuner, son mari parti, madame Tessier nous mena à notre chambre. Nous devions être fatiguées, nous ferions bien de nous coucher, de dormir un peu.

Pensez-vous ? On ne se sentait pas du tout fatiguées. Moi, surtout, dont c’était le premier voyage. Moi, Montmartroise pure, enfant de la butte que ces cinq ou six heures de train avaient soudainement transportée en pleine campagne, séjour hier tout à fait inconnu et qui me ravissait.

Enfin, comme sa tante insiste, Maggie et moi nous la suivons. Du reste, c’est ainsi chaque année, me fait Maggie, et il n’y a pas à dire non.

Elle a sorti de nos valises nos deux chemises de nuit. Nous voilà en culotte, notre robe ôtée. Elle nous regarde tour à tour et nous compare. Elle rit de nous voir les mêmes bas saumon, les mêmes richelieu jaunes, la même culotte, la même liquette.

L’ensemble avec lequel nous nous préparons à enlever notre culotte la fait rire encore plus. Elle a une bonne figure réjouie, cette forte femme de trente-huit ans, châtaine. C’est sa bouche sympathique qui me plaît surtout, avec ses lèvres épaisses, toujours prêtes au rire et qui, quand elle nous embrasse, claque fort ses gros baisers sur nos joues de gosses. Et ses yeux, quand elle rit, on ne les voit plus, presque, sous les paupières grasses qui se plissent. Sa figure exprime la bonté et l’amour des enfants. Quand la voilà qui s’assied et prend Maggie dans ses bras, je pense que j’aimerais bien qu’elle me prenne comme cela et m’asseye sur ses genoux.

— Tu as grossi, il me semble depuis l’année dernière, même depuis Janvier. Oui, on dirait. Je vais bien voir.

En disant cela, elle lui retire ses souliers, ses bas. Pour le reste, elle la couche, la roule sur elle comme un bouchon, puis, la petite une fois nue, culotte et chemise enlevées, elle palpe partout son corps, ses cuisses, ses mollets.

Moi, cela m’amuse de voir Maggie nue, avec son torse menu, ses membres plus forts, ses jambes bien faites. C’est le torse qu’elle a le plus grêle encore, mais il n’accuse nulle maigreur et l’on n’aperçoit pas ses côtes. Sa tante regarde les petits nénés, deux petits abricots de rien et quand d’un doigt elle en titille la pointe, Maggie rit.

Sa tante alors la retourne comme une crêpe et c’est le tour du dos à être examiné. Les bonnes petites fesses qu’elle a, ma copine !

— Ah ! tu as forci et pas qu’un peu ! Tu commences à avoir un vrai derrière ! Cela promet ! à la bonne heure ! C’est déjà bon à claquer, des fesses comme cela !

Et elles les lui claque… Si bien qu’à force de les claqueter pour rire, c’est une vraie fessée — et une bonne — que Maggie accueille en serrant, en serrant les fesses. Elle n’en a pas du tout paru surprise, non plus que de sentir la fessée s’accentuer et se prolonger, copieuse et de force assez appréciable pour lui rougir vigoureusement les bonnes rondeurs qu’elle serre, qu’elle serre toujours et de plus en plus.

Et la tante dit alors :

— Cela va te faire bien dormir, tu seras tout à fait reposée. C’est ce qu’il y a de meilleur, une bonne fessée. Et à toi aussi, Berthe, cela te fera du bien.

Elle la met sur pied, m’attire à mon tour. Elle me dévêt de la même façon, avec plus de lenteur pourtant. Je vois ses yeux qui explorent avec autant de plaisir que de curiosité mes abricots également modestes, tandis que ses mains tâtent déjà mes fesses.

Me voici nue comme ver.

— Tu es plus forte que Maggie, toi, tu seras comme ta mère. Tu auras des jambes surtout. D’ailleurs, tu en as des fesses, déjà ! Une belle paire, mâtin ! C’est ce qu’il faut, dis donc, pour avoir des bonnes fessées ! Ta maman, elle doit t’en donner !…

Je réponds que non. C’est la vérité. Je n’en ai pas reçu depuis près d’un an.

— Oh ! si c’est possible ?… eh bien ! ici, tu vas en avoir, alors. Demande un peu à Maggie si j’en donne des fessées, moi !

Et, incontinent, retournée prestement, me voici les fesses d’abord saisies par ses larges mains et tripotées un bon moment. Puis, des claques m’arrivent, bien appliquées qui, moi, me surprennent bien un peu, car je les trouve cinglantes, à la vérité, et plus que je ne l’aurais crû ; mais, j’ai vu Maggie prendre si bien l’aventure que je ne puis que faire comme elle. Mais, par exemple, moi, cela me fait gigoter fameusement… Aussi, j’entends des éclats de rire, des éclats de rire, ceux de Maggie, aigus, et ceux de sa tante, sonores et larges. Et sa voix chaude me stimule, sa voix grasse si joyeuse où se révèle une heureuse nature qui ne songe pas plus à cacher l’intense plaisir qu’elle éprouve que la passion qui l’emporte :

— Ce qu’elle gigote… cette petite… ce qu’elle gigote !… Oui, ma petite… t’as raison… c’est comme ça… que les petites filles… devraient toutes… gigoter… J’t’en donnerai… des fessées… des fessées… des fessées… oui, ma petite… oui, je te ferai… gigoter… gigoter…

J’en ai les fesses pourpres, quand elle s’arrête pour me les faire regarder dans l’armoire à glace…

Alors, elle nous embrasse et nous couche, toutes deux. Après des baisers qui sur nos joues claquent autant que claquait sa main sur nos fesses, elle nous laisse aux bras l’une de l’autre, riant comme deux innocentes. Oui, comme deux innocentes que nous étions, je puis le dire.

— Je viendrai vous réveiller dans deux heures. Nous irons à la rivière.

Nous ne dormons pas et n’en avons guère envie. Dans nos jeunes veines le sang circule joyeux. Maggie ne m’avait pas dit cela, que sa tante donnait des fessées. Mais oui ! oh ! tous les jours !

— Oh ! tu peux t’y attendre. Tu l’auras comme moi.

Et j’en eus, j’en eus !… Tous les jours, nous y passions, à divers moments de la journée, mais principalement après le déjeuner et c’étaient les plus longues. Bien après le départ de l’oncle et vers les trois heures, aussitôt dépassé le fort de la chaleur.

Le vrai type de la fesseuse enragée, mais sachant s’arrêter juste à temps. Je m’en suis rendu compte, depuis. Et elle fessait bien, tout à fait bien. C’étaient chaque fois, de bonnes fessées. Car, elle, avec raison, en pinçait pour la fessée énergique, dédaigneuse des tapotements qu’affectionnent certaines bécasses, passives aussi bien qu’actives dont les veines charrient au lieu de sang quelque sirop rosâtre et faiblard, saumâtre grenadine.

Si, ardente et sanguine, je me suis éprise, moi, de la forte fessée, généreuse, capiteuse et tonique, c’est à elle que je le dois. D’abord, avant elle, il n’y avait que maman qui eût jamais touché à mes fesses du plat de la main. En dernier lieu, à douze ans. Une assez bonne fessée, pour avoir répondu, je me rappelle.

Mais, vous voyez combien ce fut rare. Elle ne comprenait pas cela davantage, sans doute, ma pauvre maman. En tout cas, elle n’en avait pas la passion si peu que ce fût et c’est même assez curieux de sa part, évoluée comme elle l’était et si parisienne !

Elle, madame Tissier, elle aimait cela à la frénésie ! Elle devait l’attendre avec fièvre, l’arrivée de sa nièce, aux grandes vacances, si elle n’avait que par elle à claquer des fesses. Comme je n’étais pas de trop pour la satisfaire, combien devait-elle souffrir le reste du temps ! Vous savez, c’est un vrai supplice, pire que la continence forcée. Avec la continence, on peut tricher et se donner le change, à soi-même. Pas besoin de personne. Mais, avec la passion de la flagellation active, quand on est toute seule, rien à faire que de cuire dans sa peau ! Il y a de quoi en tomber malade !

Comment contracta-t-elle cette passion ? Je l’ignore complètement. Après cette année-là, je ne l’ai vue que trois ans de suite, aux vacances, dans les mêmes conditions. La dernière fois, donc, j’avais seize ans et je ne pouvais pas questionner une femme qui en avait alors quarante passés.

Et puis, la preuve qu’elle aimait cela à la folie, c’est les questions qu’elle posait, les mêmes que tous les flagellants posent. Ça, c’est un signe.

Moi, j’y pris goût et tout de suite. Et si, pendant mon premier séjour, il s’était passé vingt-quatre heures sans rien, j’aurais réclamé.

Et puis, c’est cette émulation qu’il y avait entre Maggie et moi. Bientôt, la voilà qui se démenait, à mon exemple, à présent. Mais, elle avait beau faire, c’est moi qui jouais le mieux des fesses. Je voyais bien ce qu’en pensait sa tante et quel plaisir elle prenait à me tenir quand je me mettais à ruer, à la mesure, à l’unisson des fessées carabinées de certains jours.

Car, il y avait des fois, tenez, à partir de la deuxième semaine, où il s’agissait de fessées joliment soignées. Ce qui est remarquable chez moi, je pense, c’est que je me sois mise à l’aimer forte tout de suite. Faut dire qu’elle savait y faire, avec les gosses et nous prendre par l’amour-propre, moi surtout. Elle disait que c’est une preuve de tempérament, de santé, de bien prendre la fessée. C’est signe qu’on aura du ressort, de la volonté, de l’énergie. Et moi, je marchais.

Mais j’arrive au plus intéressant.

Cela, c’est moins banal.

Il ne faut pas m’en vouloir si, ne sachant pas raconter, je n’observe ni ne suis l’ordre du temps : car, ce que je vais vous dire maintenant, c’est, pour la première fois, arrivé dès la première semaine, le troisième ou le quatrième jour, je ne pourrais l’affirmer au juste avec plus de précision.

Je vous ai parlé des mûres de ce patelin, des mûres extraordinaires, grosses comme des mirabelles. Oh ! oui, au moins comme des mirabelles : il y en avait de plus grosses et comme de beaux pruneaux. Et parfumées et juteuses ! et sucrées !

Nous en faisions, Maggie et moi, une consommation intense et continuelle, du matin au soir. Bien que personne, ici, n’osât y toucher, madame Tessier ne partageait pas le préjugé local inspiré uniquement par la crasse ignorance de ces croquants. Elle-même en mangeait, mais avec discrétion et elle ne cessait de nous mettre en garde contre l’abus gourmand que nous en faisions. Elle nous prédisait des coliques qui ne manqueraient pas de nous en punir.

Nous persévérions à en absorber tant et plus et pas l’ombre de coliques.

Mais, elle y tenait et, à chaque instant, elle nous demandait si nous ne sentions pas déjà quelque chose d’insolite se passant dans notre petit ventre. Elle nous faisait tirer la langue, nous l’avions d’un violet d’encre pour stylo. Et nos cueillettes, à la fin de la journée, nous gantaient d’un carmin aussi tenace que vineux.

Elle n’en démordait pas, si bien que nous devions nous laisser soigner préventivement pour ces coliques à venir — ou simplement imaginaires. Maggie qui connaissait la marotte de sa tante m’avait renseignée sur le traitement qu’elle nous ferait suivre.

Vous l’avez deviné : c’est de clystère qu’il s’agissait. Tous les deux ou trois jours, nous n’y coupions pas.

Moi, je n’avais jamais pris de lavement et, chez nous, maman elle-même s’en abstenait, n’en ayant nul besoin apparemment, non plus que moi.

Or, chez la tante, il n’en était pas ainsi et, prêchant d’exemple, elle disait en absorber régulièrement je ne sais au juste combien par semaine. Peut-être exagérait-elle dans son dire qui n’était se peut-il, qu’un mensonge pur et simple ? Quoi qu’il en soit, elle préconisait hautement son remède favori auprès de ses jeunes invitées. Ce n’était pas à l’aide d’un de ces appareils antiques, seringue ou irrigateur, mais avec le moderne bock qui remplaçait avec avantage ces engins démodés. Le bock d’émail blanc, fixé au mur à bonne hauteur, à près de deux mètres, permettait d’obtenir une pression d’eau suffisante pour l’ingurgitation, si j’ose dire, à l’aide de la canule classique, de l’eau portée au préalable à la température voulue.

La première fois que je m’y soumis, madame Tessier me fit d’abord assister à la réception par Maggie d’un lavement administré par ses soins.

Je trouvai cela d’un haut comique.

Le cérémonial ne variait guère et il en fut pareillement presque toujours. Souvent, c’était au lit, le matin, ou sur le lit, l’après-midi. Mais, cette fois, madame Tessier, assise sur une chaise, tenait Maggie, courbée en travers de ses cuisses. Avec cette température, on se vêtait peu, toutes trois. Maggie, comme moi, n’avait pour l’instant qu’une blouse sans manches, fort écourtée, et des sandales.

Il y eut un prélude dont la singularité m’étonna. D’une main, de la gauche, lui écartant les fesses, elle s’appliqua, avec l’autre main, de préparer le chemin à la longue canule de caoutchouc noir qui se présentait, dardée vers l’orifice tout petit, tout petit et rose, dont je n’avais jamais eu la vue jusqu’ici. Maggie, cela va sans dire, était d’une propreté irréprochable, aussi méticuleuse que la mienne. L’examen visuel auquel se livrait sa tante semblait pourtant avoir pour but de s’en assurer et il devait devenir bien plus littéralement approfondi. Je n’avais pas été sans remarquer déjà soit avec Maggie soit avec moi, au début de chaque fessée qu’infligeait la tante l’attention particulière avec laquelle, avant de claquer, elle inspectait cet endroit-là. Quand elle tenait sa nièce, je la voyais toujours lui écarter les fesses avec deux doigts qui dessinaient les jambages d’un V renversé. Avec moi, quoique ne le pouvant voir, je me rendais compte qu’elle agissait de même ; mais le soin que j’avais déjà de ma petite personne m’engageait à n’éprouver nulle appréhension d’un examen dont l’indiscrétion s’inspirait apparemment de l’intérêt qu’elle me portait, ainsi qu’à sa nièce. L’examen ne pouvant que m’être favorable, je ne le trouvais ni trop long, ni trop minutieux. Seulement, je faisais exprès de serrer encore plus les fesses pour qu’elle prît plus de peine à les écarter.

Pour mon édification, pour mon instruction, elle me fournissait, en même temps, des explications et me disait quelles précautions s’imposent pour l’introduction de la canule. Sous mes yeux attentifs un de ses doigts prépara la voie. Cela m’amusait beaucoup, mais je vis qu’elle, madame Tessier y prenait un plaisir tout particulier et l’expression de sa physionomie l’indiquait clairement. C’était l’expression d’un plaisir comparable à celui qui l’animait en administrant une fessée, expression que j’avais pu observer l’instant d’avant, car, j’oubliais de le dire, chaque fois une bonne fessée préludait au lavement et s’inspirait de raisons hygiéniques non moins indiscutables.

Quand, succédant à Maggie, sur ses genoux, ce fut mon tour, une demi-heure après — le temps de recharger le bock et de tout mettre en état, une claquée me rougit les fesses, claquée soignée que je pouvais qualifier la meilleure des quelques fessées reçues déjà de sa main dont, cette fois, il m’était donné d’apprécier pleinement la vigueur. Puis, au bout de cinq minutes de repos, je sentis sa main gauche m’ouvrir les fesses que je serrais, un peu craintive, je l’avoue. Bientôt, un doigt me pénétra, imprégné d’huile douce, auquel succéda la canule menaçante, de laquelle dix bons centimètres s’enfoncèrent en mon être. Je m’étais fait un monde de cette opération. Loin d’éprouver la moindre douleur, je jugeai la sensation agréable. Encore plus, l’intrusion préliminaire dont le rôle avait été de m’y préparer.

Nous sommes, nous autres du sexe féminin, plus ou moins sensibles par là, moins que les hommes à ce que prétendent les livres. Si Maggie l’était peu, moi je l’étais beaucoup. Si, en quelque sorte, elle ne semblait pas s’apercevoir d’une intrusion dans son intérieur, moi, cela me produisait un effet extraordinaire. Et bien pour la première fois, pourtant. Jamais on ne m’avait introduit quoi que ce soit par là, chose que font parfois les toutes petites filles entre elles et s’il est vrai que nombreuses sont celles se visitant en tel endroit, d’un doigt innocemment curieux, moi, une telle idée un tant soit peu vicieuse ou simplement baroque n’avait jamais traversé mon imagination restée d’une candeur absolue.

Celle de Maggie également, car, entre nous, on ne jouait à aucun de ces jeux défendus. Et je dois dire aussi que cet effet extraordinaire que je signale n’était pas une sensation positivement voluptueuse. Non, il ne s’agissait pas encore de cela. C’était une sensation agréable, même très agréable, mais rien de plus. Ma seule façon, de témoigner le plaisir ressenti consistait en serrages de fesses. Si, significatifs à leur manière, ces serrages de fesses retardaient l’évasion du doigt bénéfique, c’était bien inconscient de ma part, et si ce prologue, dès le premier jour, dura plus longtemps qu’avec Maggie, ce fut vraiment sans vice que je fis le nécessaire pour cela.

Le second acte succéda, d’ordre purement hydraulique, et se poursuivit sans incident jusqu’à son épilogue nécessaire, pour lequel je m’éclipsai. À l’anglaise, c’est le cas de le dire, comme l’avait fait Maggie.

À mon retour, comme elle encore, je fus bichonnée, poudrée, vaporisée et, pour cela, trouvaient leur emploi les divers accessoires chargeant un plateau sur la petite table : éponges fines, vaporisateurs voisinant avec le flacon qui reposait dans sa soucoupe après ne s’être utilisé qu’au début, le flacon d’huile douce combien lubrifiante, insinuante.

Pour en revenir maintenant à la sensibilité variable observée en un point spécial et dont je vous parlais tout à l’heure, laissez-moi vous répéter ce que m’a dit un médecin.

D’individu à individu, le degré de cette sensibilité diffère. Rudimentaire sans doute chez ma congénère Maggie elle était déjà extrême, cette sensibilité, chez moi, puisqu’elle faisait se tortiller l’enfant que j’étais encore.

La cause d’une telle variabilité provient de la conformation affectée par chacune de nous, conformation en raison de laquelle un tel lieu est plus ou moins érogène par la présence de centres nerveux afférents, plus ou moins développés.

Cette explication ne constitue-t-elle pas proprement une vérité de La Palisse ? Que vous en semble ?

Mais, au fait, ne les croyez-vous pas, toutes, des vérités de La Palisse, les explications dont on nous enseigne à nous satisfaire ?