Bouquets et prières/Un Arc de Triomphe

Pour les autres éditions de ce texte, voir Un arc de triomphe.


UN ARC DE TRIOMPHE.


Tout ce qu’ont dit les hirondelles
Sur ce colossal monument,
C’est que c’était à cause d’elles
Qu’on élevait un bâtiment.

Leur nid s’y pose si tranquille,
Si près des grands chemins du jour,
Qu’elles ont pris ce champ d’asile
Pour causer d’affaire, ou d’amour.


En hâte, à la géante porte,
Parmi tous ces morts triomphans,
Sans façon l’hirondelle apporte
Un grain de chanvre à ses enfans.

Dans le casque de la Victoire.
L’une, heureuse, a couvé ses œufs,
Qui, tout ignorans de l’histoire,
Éclosent, fiers comme chez eux.

Voulez-vous lire au fond des gloires,
Dont le marbre est tout recouvert :
Mille doux cris à têtes noires
Sortent du grand livre entr’ouvert.

La plus mince qui rentre en France
Dit aux oiseaux de l’étranger :
« Venez voir notre nid immense ;
Nous avons de quoi vous loger. »


Car dans leurs plaines de nuages
Les canons ne s’entendent pas
Plus que si les hommes bien sages,
Riaient et s’entr’aimaient en bas.

La guerre est un cri de cigale
Pour l’oiseau qui monte chez Dieu ;
Et le héros que rien n’égale
N’est vu qu’à peine en si haut lieu.

Voilà pourquoi les hirondelles,
À l’aise dans ce bâtiment,
Disent que c’est à cause d’elles,
Que Dieu fit faire un monument.