Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 2, 1886.djvu/Le Diable chez les métayers

I

le diable chez les métayers



Il y avait, une fois, une famille de métayers qui ne faisaient que parler du Diable. Un soir, après souper, comme ils devisaient selon leur coutume, le Diable entra dans la métairie. C’était une bête vêtue de rouge, avec de grandes cornes, une longue queue, et des jambes pareilles à celles des vieux boucs.

Le Diable s’assit au coin du feu, et demeura là jusqu’à minuit. Quand il fut parti, les métayers se mirent au lit, et prièrent Dieu jusqu’à la pointe de l’aube.

Le lendemain et le surlendemain, le Diable revint comme les premiers jours.

Alors, les métayers allèrent tout conter au curé de la paroisse.

— « Mes amis, dit le curé, vous n’avez que ce que vous méritez. Si vous ne parliez pas si souvent du Diable, il ne viendrait pas chez vous. Enfin, je prierai le Bon Dieu de vous garder dorénavant des visites de cette méchante bête. »

Le curé fit ce qu’il put. Mais ses prières n’avaient aucune vertu, et le Diable revenait chaque soir à la métairie. Alors, les métayers s’en allèrent trouver l’évêque, qui partit le même jour, avec sa mitre et sa crosse, accompagné de force curés.

Quand l’évêque et sa compagnie entrèrent dans la métairie, le Diable était assis au coin du feu, comme de coutume. L’évêque pria Dieu, et jeta de l’eau bénite. Mais le Diable ne bougeait pas. Tout le monde craignait qu’il ne sortît, comme il fait d’ordinaire, en faisant au mur ou au toit un grand trou, que ni les maçons ni les charpentiers ne peuvent boucher. Pour conjurer un si grand malheur, l’évêque lui posa son étole sur le dos, et le charria ainsi hors de la métairie. Alors, le Diable partit comme un éclair. Une heure après, il faisait tomber une grêle, si forte, si épaisse, qu’elle emporta toute la récolte, et que les gens eurent bien du mal à attendre le retour de l’abondance[1].

  1. Dicté par Nine, de la Vallée de Campan (Hautes-Pyrénées), et par Pauline Lacaze, de Panassac (Gers), qui localisent l’action chacune dans son pays. Pendant mon enfance, j’ai entendu des récits semblables dans plusieurs communes de l’arrondissement de Lectoure (Gers).