Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOLSWERT, Schelte VAN, DE ou A

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BOLSWERT, Schelte VAN, DE ou A



*BOLSWERT (Schelte VAN, DE ou A), ou BOLSWART, graveur à l’eau-forte, à la pointe et au burin, ne en Hollande, à Bolswert en Frise, selon ses biographes, vers 1586; mort à Anvers en décembre 1659. Il avait suivi son frère Boëce lors de son émigration aux Pays-Bas espagnols, pour s’y perfectionner dans la pratique de son art. Après s’être établi définitivement dans la métropole commerciale, il devint bourgeois d’Anvers, par son admission dans la corporation de Saint-Luc, en 1625. Il y paya pour 1625-1626, « par accord, » dit la matricule de la Gilde, et en sa qualité de graveur en taille-douce, la cotisation de vingt-six florins. Schelte de Bolswert fit de rapides progrès dans le maniement du burin et se livra, avec son frère, à la publication et au négoce des estampes. Contemporain et émule de Paul Pontius, dont il fut peut-être l’élevé, il partagea avec lui l’amitié et les conseils de Rubens. Reproducteur des plus beaux tableaux de ce maître, sa réputation grandit et se répandit partout. Il maniait l’outil avec aisance et liberté, sans s’ingénier à produire toujours des tailles brillantes. Il imitait de préférence les effets pittoresques, harmonieux et pleins d’agrément de l’eau-forte, s’attachant beaucoup moins à ce que l’on nomme la beauté de la gravure, qu’à rendre, comme elles devaient l’être, toutes les parties de son modèle. Il sacrifiait ainsi, à propos, le mérite de la manœuvre au talent plus réel de reproduire exactement l’œuvre originale, avec ses qualités distinctives et le sentiment que le peintre avait su y exprimer. Du reste, il a prouvé dans plusieurs de ses estampes, dans celle de l’Assomption, entre autres, qu’il était, lorsqu’il le voulait, un très-habile buriniste. Cette gravure admirable l’est surtout à ce point de vue. « On a écrit, dit M. Levesque (Encyclopédie méthodique et dictionnaire des beaux-arts), que Rubens se plaisait à travailler lui-même aux planches de ce graveur : c’est supposer que ce peintre était très-familier avec le burin, ce qui est peu vraisemblable. Les écrivains qui ont rapporté ce fait, et qui ne connaissaient pas assez les procédés de l’art, auront entendu dire, sans le comprendre, que, suivant l’usage ordinaire des peintres, Rubens retouchait au crayon on au pinceau les épreuves de Bolswert, et que ce graveur, revenant sur ses planches, rendait avec précision les retouches du maître. » Ces retouches sont visibles dans beaucoup d’estampes des Bolswert. Dans la Sainte-Cécile, de Rubens, figure entière placée devant un clavecin, il est très-probable que c’est le peintre qui a frappé les fortes touches des sourcils, des yeux, des narines et de la bouche, ces touches hardies, qui donnent à la tête une vie extraordinaire, et qui ont obligé Schelte à fouiller profondément son cuivre, devenant à son tour plutôt peintre que graveur. Schelte de Bolswert a traité en maître, et en grand maître, dit le Manuel des curieux et amateurs de l’art (Huber et Rost), toutes les spécialités picturales qu’il eut à reproduire. Il s’est tenu à la même hauteur dans le portrait, dans l’histoire, dans le paysage. On admire dans ses paysages les masses de couleur et jusqu’aux tons de dégradation des originaux.

L’œuvre de Schelte de Bolswert est très-considérable : Ch. Le Blanc en mentionne deux cent dix-huit numéros et sa nomenclature n’est pas complète. Outre les nombreuses estampes d’après P.-P. Rubens, il grava d’après Ant. van Dyck, Abraham van Diepenbeek, Théodore Rombauts, Gérard Seghers, Jacques Jordaens, Erasme Quellin. Parmi les premières planches qu’ils édita à Anvers, on cite un remarquable sujet de Thèse : Urbain VIII recevant les hommages des quatre parties du monde, 1627, deux feuilles in-folio se réunissant. Pour la grandissime Académie de l’espée, de Gérard Thibault d’Anvers, où se démontrent par reigles mathématiques, sur le fondement d’un cercle mystérieux, la théorie et pratique des vrais et jusqu’à présent incognus secrets du maniement des armes, à pied et à cheval, Anvers 1628, il grava le titre frontispice et cinq planches. Sur le titre est l’inscription : Schelderic. A Bolswert, sculpsit Bruxellæ. Les prénoms de Schelte (Schelde, comme l’écrit Brulliot) et Schelderic, ainsi que les désignations latines ou flamandes, sont-ce donc des dérivés, des transformations de Childeric, Childericus?

Les plus belles planches de son œuvre sont, d’après Rubens : L’Annonciation, grand in-folio, en hauteur, et le Christ crucifié entre les deux larrons, dit le Christ au coup de lance, morceau fameux, de vaste dimension et de la plus fière exécution, gravé en 1631; la Destruction de l’Idolâtrie et le Triomphe de la Religion chrétienne, estampes composées chacune de deux feuilles, qui se joignent; — d’après Van Dyck : le Crucifiement ou le Christ à l’éponge (tableau de l’église de Saint-Michel, à Gand) pièce célèbre, d’une extrême rareté en premières épreuves, dont il ne fut tiré qu’un fort petit nombre, au dire de François Basan, et où l’on ne voit point la main de saint Jean sur l’épaule de la Vierge-Mère, comme aux seconds tirages, après lesquels on l’effaça de nouveau, assez maladroitement; le Couronnement d’épines, grande pièce en hauteur, composition admirable, et production capitale du graveur; les premières épreuves de cette planche, avant les entretailles au costume du nègre, sont très-recherchées et se payent cher; — d’après Seghers : le Reniement de saint Pierre, sujet de demi-figures, d’un bel effet, et les Fumeurs; — d’après Jordaens : Mercure et Argus, gardien d’Io, et Pan jouant de la flûte champêtre, sont des gravures toujours appréciées, et une troisième, Pan et Cérès, est devenue très-rare, la planche ayant été transportée en Pologne ; — d’après Rombauts : les Chanteurs à l’unisson, ou Rombauts et sa femme; — d’après Quellin : La communion de sainte Rose.

Les portraits que Schelte de Bolswert grava d’après Van Dyck ont une réputation solidement établie, les principaux sont : Marie Ruthven, épouse du peintre flamand; Juste Lipse, Marguerite de Lorraine, Albert d’Aremberg, Sébastien Vrancx. Parmi les suites qu’il a publiées, sont renommées les Grands paysages et chasses de Rubens, dont la principale est la Chasse aux lions, d’une savante exécution, très-estimée; les Petits paysages de Rubens, vingt et un sujets de format in-folio oblong; enfin une collection de vingt-trois figures bibliques, en pied : Jésus-Christ, la Sainte-Vierge, les Apôtres, des Anges, etc.

Aucun biographe ne semble avoir connu une estampe emblématique, extrêmement remarquable, traitée par Schelte de Bolswert et ses coopérateurs, en 1653, aux frais de la magistrature urbaine de Gand, pour être offerte à l’archiduc d’Autriche, Léopold-Guillaume, gouverneur général des Pays-Bas espagnols, en mémoire de ses victoires et de la délivrance des villes de la Flandre. Cette estampe, en quatre feuilles in-folio plano, format impérial de Hollande, mesure en son ensemble neuf cent cinquante mill. de hauteur, sur mille trois cent quarante mill. de largeur; elle a été terminée en six mois de temps, d’après le dessin d’Érasme Quellin, élève et imitateur distingué de Rubens. Par une convention notariale du 21 mars 1653, passée avec le R.-P. Guillaume Hésius, jésuite, fondé de pouvoirs de l’échevinage gantois, le peintre E. Quellin s’était engagé à composer le dessin de l’estampe et à en confier la gravure, « au meilleur maître d’Anvers. » Sur le prix stipulé de deux mille sept cent dix florins, le graveur exigea, pour sa part, deux mille cinq cents florins, et reçut, en outre, une gratification échevinale. Il fut préféré à Mathieu Borrekens, qui n’en demandait que quinze cents. L’une des clauses du contrat garantissait que l’œuvre de Schelte de Bolswert (Schelten van Bolswert) égalerait, à dire d’experts, ses deux précédentes productions : la Destruction de l’Idolâtrie et le Triomphe de la Religion chrétienne. L’estampe commémorative fut imprimée sur satin et présentée à l’archiduc, par une délégation gantoise, vers la fin de 1653. La grandissime planche fut mise dans un cadre sculpté par Pierre Verbrugghen, et doré. Il ne fut tiré que trois cent trente-quatre exemplaires sur papier, par l’imprimeur en taille-douce Michel Cools, à Anvers, pour être distribués et offerts par le magistrat communal de Gand aux personnages les plus marquants. Aucune estampe ne fut livrée au commerce. Interdiction avait été faite d’en retenir plus de vingt-cinq pour le peintre et le graveur. La poétique composition de Quellin représente le héros passant sous l’arc triomphal érigé par la Flandre. Il est accompagné d’un cortége de vertus : la Modération, la Prudence, la Force, la Justice. Accueilli par la Pucelle de Gand, symbole de la métropole flamande, il est acclamé par des génies, personnifiant par leurs écussous les villes reconquises, tandis que la Guerre et ses Furies fuyent épouvantées. Les figures importantes sont entièrement de la main de Bolswert. L’estampe est d’un effet grandiose ; l’artiste, en la terminant à si bref délai, a exécuté un tour de force vraiment digne du célèbre graveur de Rubens et de Van Dyck. Le portrait de Léopold-Guillaume est très-ressemblant : le prince accorda, à cet effet, au peintre, des séances particulières. Comme corollaire de l’estampe, le P. Hésius écrivit une dédicace latine, qui fut imprimée en lettres capitales, par Bathazar Moretus, à Anvers, in officinâ Plantinianâ, et forma un volume in-folio maximo. En voici le titre : Serenissimo principi Leopoldo-Gaielmo, archid. Austriæ, duci Burg, etc. Belgarum pro rege gubernatori, Flandriæ vindici, pio, forti, felici, S. P. Q. S. Sospitatem. Un volume tiré sur satin et richement relié fut remis au prince avec l’estampe emblématique. Seulement cent quarante-six volumes en furent imprimés sur papier de Hollande ; ils sont devenus rares. Une autre édition de cette dédicace, en caractères ordinaires, se rencontre plus fréquemment. En 1845, lors d’un exposition philanthropique d’objets d’art anciens et modernes, à Gand, où figurèrent les quatre planches de l’estampe de Schelte de Bolswert, la plus vaste de son œuvre, l’autorité communale permit de tirer de ces cuivres, qui se conservent aux archives de la ville, cent cinquante exemplaires, pour être livrés en souscription, au profit des indigents. La magnifique estampe, auparavant presque inconnue, même à Gand, est ainsi entrée dans le domaine public. Les planches, magistralement burinées, sont dans le meilleur état et sans usure. Elles sont signées : Erasmus Quellinus inventor,Schelte à Bolswert sculpsit.

Schelte de Bolswert marquait presque toujours ses travaux de son nom ; cependant, dit Brulliot, il y en a qui sont signés des initiales SB. D’autres biographes lui attribuent encore les chiffres BL et CBL ; Brulliot le met en doute.

Il existe un portrait de Schelte de Bolswert, peint par Antoine van Dyck et reproduit par Adrien Lommelin, artiste amiennois, qui passa toute sa carrière professionnelle à Anvers. A. Lommelin grava aussi d’après Rubens et Van Dyck, mais avec beaucoup moins de talent que Pontius et les Bolswert. Le portrait de S. à Bolswart, calcographus, est l’un des meilleurs portraits que Lommelin ait reproduits.

Edm. De Busscher.

Mêmes sources que pour Boëce de Bolswert, plus les Archives communales de Gand. — N° 1832 de l’Inventaire des chartres.