Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAILLU, Ernest-Joseph

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BAILLU (Ernest-Joseph) ou BAILLY, peintre d’histoire, de paysage et de vues de villes, né à Lille (Flandre française) le 17 octobre 1753, mort à Gand, le 21 janvier 1823. Son père, J.-B. Bailly, était né à Mons, le 24 août 1721. Il vint à Gand en 1761 (Reg. du recensement de 1806, section de la Liberté), où il sollicita et obtint la bourgeoisie en 1763. Il fut immatriculé à la date du 11 avril ; mais il n’entra dans la corporation des peintres gantois qu’en 1766. Dans le compte de 1763-1768, il est qualifié de fyn-schilder, désignation usitée dans le métier pour établir une distinction entre le peintre artiste et le badigeonneur ou peinturer. J.-B. Bailly mourut à Gand, le 4 février 1804, veuf de Marie-Madeleine Mottequin et époux de Marie-Pétronille Vispoel, mère d’Ernest-Joseph Bailly.

Celui-ci arriva à Gand avec ses parents, et il reçut ses premières leçons plastiques dans l’Académie de dessin, fondée par le peintre Ph.-Ch. Marissal, institution qui fut érigée, en 1771, par Marie-Thérèse, en Académie royale de dessin, peinture, sculpture et architecture. En 1767 et en 1772, des médailles lui furent décernées aux distributions des prix ; la seconde fois dans la classe supérieure. Il avait alors pour protecteur l’abbé de Baudeloo. En 1772, il se rendit à l’Académie des beaux-arts d’Anvers, et, pendant trois ans, il s’y initia à la pratique de la peinture. En 1775, il alla continuer son initiation technique à l’École artistique de Paris, et, pendant cet apprentissage, il s’appliqua à l’étude et à la copie des chefs-d’œuvre du Musée français. Ses ressources étant épuisées, il revint dans la maison paternelle. De retour à Gand en 1777, il n’eut point à s’affilier à la corporation plastique : par décret de Marie-Thérèse, du 13 novembre 1773, la peinture, la sculpture, la gravure et l’architecture avaient été déclarées arts libéraux, la noblesse ne dérogeait plus en les cultivant, et les artistes étaient affranchis de tout lien, de toute sujétion de métier. Lors de l’inauguration comtale de l’empereur d’Autriche Léopold II, célébrée dans la métropole de la Elandre, le 6 juillet 1791, le magistrat gantois confia à son pinceau l’exécution de quatre portraits de ce souverain, destinés à être offerts à de hauts dignitaires. Il peignit aussi un portrait de Marie-Christine d’Autriche, épouse du prince Albert-Casimir de Saxe-Teschen, gouverneur général des Pays-Bas, le représentant du nouveau comte de Flandre, et huit grands portraits décoratifs pour le théâtre inaugural. En 1792, l’Académie de Gand ouvrit son premier concours de peinture ; Ern.-Jh Bailly y prit part. Le sujet proposé était une tête d’expression, au choix des concurrents ; il choisit le Mépris, et remporta une palme honorable. Cette œuvre est conservée au Musée de Gand, dans la collection des productions des lauréats académiques. Il fut moins heureux en 1796 et en 1802, bien qu’il fît preuve de progrès dans ces concours de peinture historique : Œdipe maudissant son fils Polynice et Quinctius Cincinnatus partant pour Rome. Au salon d’exposition de 1796 figurèrent, outre son Œdipe à Colonne, deux paysages à figures et deux copies d’après Miéris, tableaux ; une Kermesse de village et une Vue de Gand, aquarelles gouachées ; quatre grandes esquisses de paysages pour lambris d’appartements, cartons dessinés au crayon noir, rehaussé de blanc, et destinés à être exécutés à l’huile. Ce genre de décor était déjà pratiqué avec succès, à Gand, par Pierre van Reysschoot, qui exhibait à cette exposition trois ports de mer turcs, ornés de ruines d’architecture et de figures, cartons de quatre pieds de haut sur cinq de large. L’Œdipe de Jh Bailly est actuellement dans la collection de pièces de réception de la Société royale des beaux arts et de littérature de Gand.

Durant la période républicaine de la réunion de la Belgique à la France, la peinture fut, à Gand, dans un complet état de stagnation. Soutien de sa famille, Jh Bailly exécutait pour les amateurs de jolis dessins, qui enrichirent les nombreux cabinets de cette ville. Excellent dessinateur, ses productions crayonnées et coloriées étaient fort recherchées, et le sont encore, lorsqu’elles se présentent dans les ventes artistiques.

La mode, si souvent fatale aux artistes, eut pour Jh Bailly un effet des plus favorables : le goût que l’on montrait pour les meubles en bois précieux, à ornements de bronze doré, à panneaux ou médaillons de marbre blanc, lui inspira l’idée de décorer ces objets de peintures mythologiques, allégoriques et champêtres. L’engouement allant toujours croissant, il étendit ses peintures décoratives aux devants de cheminées, portes et lambris des appartements dans les somptueuses demeures de Gand et les villas de ses environs. Il y déploya un véritable talent. Ses figurines se distinguent par l’étude classique, par la finesse et la grâce, par des physionomies pleines d’expression caractéristique ; ses épisodes rustiques respirent la franche gaieté flamande. Des commandes lui arrivèrent de toutes parts. Aujourd’hui même, les meubles ornés de peintures par Jh Bailly sont achetés, dans les ventes mortuaires, à des prix très-élevés, et beaucoup ont pris la route de l’étranger.

En tête de deux Albums de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, se voient, des frontispices gouachés par Bailly, et traités dans le style classique de ses médaillons de marbre.

L’année 1811 fut glorieuse pour lui : toutes les villes de l’Empire français rivalisaient de témoignages d’allégresse et d’adhésion dynastique à l’occasion de la naissance du roi de Rome. La ville de Gand la célébra par des fêtes, et le conseil municipal appela les peintres et les sculpteurs de Gand à une lutte historico-allégorique, dont le sujet : La Naissance du fils de Napoléon Ier, exaltait les imaginations. L’esquisse de Bailly remporta la médaille d’or attribuée au concours de peinture ; elle symbolisait ingénieusement la célébration de l’avénement de l’héritier présomptif des trônes de France et d’Italie. Cette œuvre, de petite dimension, a le mérite de l’école artistique de l’époque. Comme son Œdipe, elle fut offerte par le peintre à la Société des beaux arts de Gand. Dans l’église du village d’Everghem, lez-Gand, se voit de lui un tableau d’autel, représentant l’Annonciation, et peint en 1806.

Ernest-Joseph Bailly est décédé à l’âge de soixante-dix ans. Il avait épousé Justine Vanden Neucker ; il serait devenu un artiste de renom, si les circonstances n’avaient fait dévier une aptitude plastique incontestable. Son style, son colons et sa touche ont une remarquable analogie avec la manière d’André Lens.

Edm. De Busscher.