Augustin d’Hippone/Deuxième série/Solennités et panégyriques/Sermon CXCIII. Pour le jour de Noël. X. Jésus notre paix

Solennités et panégyriques
Œuvres complètes de Saint Augustin (éd. Raulx, 1864)


SERMON CXCIII. POUR LE JOUR DE NOËL. X. JÉSUS NOTRE PAIX.

ANALYSE. – Il convenait que les Anges félicitassent hautement Marie de sa divine maternité ; il convient aussi que nous répétions le cantique des Anges, car c’est nous qui serons un jour la gloire de Dieu dans les cieux, et si nous avons bonne volonté, si nous demandons instamment la grâce divine au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur, lui-même sera notre paix.

1. À la lecture de l’Évangile, nous avons entendu ce chant des Anges annonçant aux bergers que Jésus-Christ Notre-Seigneur était né de la Vierge : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté[1] ». Ce chant solennel de félicitation ne s’adressait pas seulement à la Mère de l’Enfant divin, mais encore à toute l’humanité à qui elle venait de donner un Sauveur. Et ne convenait-il pas, n’était-il pas de haute bienséance que Celle qui venait de donner naissance au Seigneur du ciel et de la terre en conservant toute son intégrité virginale, fût félicitée non par des femmes qui lui auraient adressé des louanges humaines, mais par les Anges chantant la gloire de Dieu ? Nous donc aussi élevons la voix, non pour annoncer à des bergers la naissance du Sauveur, mais pour la célébrer avec ses brebis fidèles ; écrions-nous avec toute l’allégresse dont nous sommes capables, et avec tout le dévouement de notre cœur ; écrions-nous à haute voix : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ». De plus étudions, avec toute la force de notre attention, le sens de ces divines paroles, de ces louanges divines, de ce chant angélique ; méditons-les avec foi, espérance et charité. Car, conformément à ce que nous croyons, à ce que nous espérons et à ce que nous désirons, nous aussi nous glorifierons Dieu au plus haut des cieux, lorsqu’à la résurrection de notre corps devenu spirituel, nous serons transportés dans les nues au-devant du Christ ; pourvu toutefois que durant notre séjour sur la terre, nous unissions la paix à la bonne volonté. La vie en effet n’est-elle pas au plus haut des cieux, puisque c’est là le séjour des vivants ? Là aussi les jours ne sont-ils pas heureux, puisque le Seigneur y est toujours le même, sans que ses années diminuent ? Or, quand on cherche la vie, quand on aspire à voir des jours heureux, on doit préserver sa langue de toute parole mauvaise, et ses lèvres de tout artifice ; on doit éviter le mal et faire le bien, afin d’être ainsi un homme de bonne volonté ; chercher aussi la paix et courir à sa poursuite[2] ; car c’est « aux hommes de bonne volonté » qu’elle est assurée.

2. Diras-tu, ô mortel : « Je sens en moi le vouloir, mais je n’y trouve pas à faire le bien ? Au fond du cœur aimes-tu la loi de Dieu, et vois-tu dans tes membres une autre ! loi qui résiste à la loi de ton esprit et t’assujettit à cette même loi du péché qui est dans tes membres ? » Maintiens-toi dans cette bonne volonté, et écrie-toi avec l’Apôtre : « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera du corps de cette mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur[3] ». C’est lui en effet cette paix promise sur la terre aux hommes de bonne volonté, quand sera terminée cette guerre : « Où la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair, sans vous laisser faire ce que vous voulez[4] » ; car il a montré qu’il est réellement « notre paix, en unissant les deux en un[5] ». Oui, maintenons notre bonne volonté en face de ces convoitises perverses, et en la maintenant, implorons le secours de la grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Sentons-nous le soulèvement de la loi charnelle ? y avons-nous même succombé ? Implorons encore le secours divin, sans nous appuyer sur nos propres forces, et au moins dans cet accablement ne dédaignons point de nous humilier. Ainsi viendra à notre aide Celui qui disait à des hommes déjà croyants : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la Vérité vous rendra libres[6] ». La Vérité donc viendra à notre aide et nous délivrera du corps de cette mort. Aussi quand cette Vérité, dont nous célébrons la naissance, « s’est élevée de terre[7] » ; c’était pour être sur la terre la paix des hommes de bonne volonté. Qui pourrait en effet vouloir et faire le bien, sans être aidé pour le pouvoir, sans le secours intérieur de Celui qui en gnous appelant nous a donné de vouloir ? Aussi est-ce en tous sens que nous a prévenus sa miséricorde, et pour nous appeler quand nous ne le voulions pas, et pour nous faire obtenir de pouvoir ce que nous voulons ? Disons-lui donc : « J’ai juré et résolu de garder les arrêts de votre justice », je l’ai résolu, sans doute, et pour vous obéir ; je vous ai même promis l’obéissance. Mais comme « je vois dans mes membres une autre loi qui résiste à la loi de mon esprit et qui m’assujettit à cette loi du péché qui est dans mes membres ; je suis humilié de tous côtés. Seigneur, rendez-moi la vie, selon votre parole. Le vouloir est en moi ; agréez donc, Seigneur, les vœux que vous offre ma volonté[8] » ; afin de donner sur la terre la paix aux hommes de volonté bonne. Parlons à Dieu de cette sorte, disons-lui encore ce que nous suggérera notre piété, éclairée par de saintes lectures ; ainsi nous ne célébrerons pas inutilement le Seigneur naissant d’une Vierge, nous dont la sanctification commence par la bonne volonté et se consomme par la charité parfaite, charité que répand dans nos cœurs, non pas nous, mais l’Esprit-Saint qui nous a été donné[9].

  1. Luc. 2, 14.
  2. Psa. 33, 13-15.
  3. Rom. 7, 18-25.
  4. Gal. 5, 17.
  5. Eph. 2, 14.
  6. Jn. 8, 31-32.
  7. Psa. 84, 12.
  8. Psa. 118, 106-108.
  9. Rom. 5, 5.