Maisonneuve (p. 108-110).


CHEZ LES AOUYAS


Avec la tribu des Aouyas, le type des naturels change : beaucoup ont des traits européens. Sans être grands, ils sont bien faits et légèrement bedonnants. Leurs extrémités sont petites, leur tête généralement rasée. Ils portent peu d’ornements et sont très sociables.

Le tempérament pacifique de cette tribu la rend presque journellement victime des déprédations de ses voisins, les Ngao-Ngapous dont les fusils à deux coups les effrayent horriblement ; aussi les villages sont-ils négligés, les maisons sales et pauvres. Leurs ressources sont précaires : peu de poules, pas de chiens ni de chèvres. On rencontre souvent des villages abandonnés des femmes et des enfants : quelques hommes sont là sac au dos, prêts à fuir, se tenant sur le qui-vive.

Les Aouyas parlent un dialecte Ndry. Leur pays est bien moins peuplé que celui des Mangias. Les villages sont quelquefois éloignés de plus de dix kilomètres. On n’y rencontre aucuns signes extérieurs du fétichisme ; les cases sont mal faites, assises au ras du sol, fermées de portes hautes en nattes grossières.

Les Aouyas ont raconté à M. de Béhagle que dans l’E. N.-E. de leur tribu, les musulmans ont livré une grande bataille à un blanc ; ils l’ont tué, ainsi que ses esclaves, et ont pris toutes ses marchandises : il s’agit vraisemblablement du massacre de Crampel.

Les tribus voisines des Aouyas sont les Aoukas et les Ngamas, au nord ; leur pays est traversé par la rivière Gouroungou qui doit être la branche la plus méridionale du Chari, que l’islamisme dans sa marche envahissante occupe depuis longtemps déjà.

Les rivières, en ces lieux, sont fort encaissées. Les eaux sont souvent basses, mais, à l’époque des crues, elles s’élèvent de plus de quinze mètres : aussi aperçoit-on, dans la saison sèche, des dépôts limoneux et des herbes charriées jusque dans les branches élevées des grands arbres. À quelle cause faut-il attribuer ces crues énormes ? Elles sont sans doute provoquées par les orages, car la pente des rivières ne permet de leur supposer qu’une durée momentanée.

Les arbres qui les bordent portent également dans leurs plus hautes branches des termitières solidement maçonnées, au-dessus du niveau qu’atteignent les plus hautes eaux : de gros singes cynocéphales y gambadent en poussant leurs aboiements retentissants.

Le petit village de Naci est établi sur la rive droite de la rivière. Les habitations y sont rares, vieilles et disséminées, mais les défrichements prouvent par leur étendue qu’une grosse agglomération est proche : en effet, à peu de distance, le village de Yagossou étale ses cases et ses cultures.

Ses habitants sont fort affables et ont des vivres en abondance ; mais ils sont également pillés et rançonnés par les Ngao-Ngapous. Ces derniers ne sont pas musulmans, car ils ne prient pas ; mais ils sont vêtus à la mode arabe et bien pourvus d’armes à feu. Ils traversent les Ndougga qui vivent au N.-E., et le pays se dépeuple devant eux : les Mbaggas en ont disparu, les Acongas et les Ndouggas diminuent sans cesse par suite de la guerre, de l’esclavage et de la famine. Les incursions de ces hommes terribles s’étendent jusqu’aux Ngamas, au N.-O. des Aoukas, aux Asara-Saras, au N. de ceux-ci.