Au bord des terrasses/28

Madame Alphonse Daudet ()
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 79-80).








Que dit l’arbre incliné vers l’arbre qui se penche,
Le frôle au souffle tiède, orageux, de l’été ?
Que murmure la feuille à la feuille, et la branche
Au rameau confident, inquiet, agité,
Qui s’éloigne et revient dans la lumière blanche ?

Le chêne à l’orme vieux ? près du fleuve mouvant,
Le peuplier mêlant ses verts au gris du saule,
Que nous figurent-ils, aux caprices du vent ?
C’est un flot de cheveux jeté sur une épaule,
La frange d’un fichu, les plis d’un vêtement !


L’apparence de vie humaine en ces ramures
Anime la tourmente et sait nous émouvoir,
Par tout ce qui s’entend de chocs et de murmures
Qui balancent des nids, et font aussi pleuvoir
Les corolles avant que les pulpes soient mûres.

Les arbres prisonniers tendent comme des bras
Leurs rejets ; et dans les tournoîments de leur cime,
Tient l’effort d’échapper au sol opaque et bas,
Et de s’unir dans ce vertige de l’abîme
Que l’espace profond ouvre, et ne livre pas.