Au bord des terrasses/20

Madame Alphonse Daudet ()
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 61-62).




CRÉPUSCULE PARISIEN



Pour André Germain.



Cet oiseau que j’entends à la fin des journées,
Dans le déclin du jour élevant une voix,
Réveille dans mon cœur, au delà des années,
Des chagrins assoupis, des plaintes enchaînées,
Ce que j’ai dû souffrir et céler quelquefois.

Il s’anime et répand ses deux notes pareilles
Dans le jardin désert qui s’émeut alentour ;
Il répond à la vasque, où les pieds de l’amour
Sont baignés du jet d’eau monotone aux oreilles,
Et mon âme et l’oiseau se plaignent tour à tour.


Ainsi, par le secours mystérieux des choses,
Nous pouvons épancher nos douloureux secrets.
Tout alterne et s’échange en ces métempsycoses :
Si les amours défunts gisent au cœur des roses,
L’oiseau garde en sa voix l’accent de nos regrets !

Et l’onde prisonnière en larmes s’amoncelle,
Rythme le crépuscule, aux massifs, déjà noir.
N’est-elle pas aussi complice qui décèle
Auprès du pâle amour dont le marbre ruisselle,
L’abandon, la langueur confidente du soir ?


Paris, 1905.