Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu’au milieu du XIXe siècle/Le cosaque et son cheval

Le cosaque et son cheval.

Trois années et trois semaines
Se sont écoulées en Ukraine,
Depuis que les Turcs ont tué le cosaque
Et l’ont abandonné sous un platane[1].
Sous un beau platane vert,
Le jeune cosaque est resté gisant ;
Son corps est devenu noir
Et se fendille sous le vent.
Près de lui son cheval s’attriste,
Il a creusé la terre qui lui monte jusqu’aux genoux.
« Ne reste pas ici, mon cheval,
« Je connais assez ta fidélité,
« Cours plutôt à travers la steppe et les bois,
« Traverse les plaines et les bocages,
« Va à la maison
« Vers ma femme fidèle,
« Tu heurteras à la porte avec ton sabot
« Et feras sonner ta bride,
« Mon frère sortira — il baissera la tête ;
« Ma mère sortira — elle deviendra triste ;
« Ma femme sortira — d’abord elle sera toute joyeuse,
« Elle s’arrêtera, regardera encore et tombera évanouie.
— Oh ! dis-moi, cheval, où ton maître est-il tombé de ta selle ?
« Dis-moi, cheval, vit-il encore ?
— Les Turcs m’ont rattrapé
« Et m’ont enlevé mon maître,
« Ils ont tiré dessus et lui ont donné des coups de sabre.
« Le malheur est arrivé au bord du Dniester,

« Ne crie pas, mère, ne t’attriste pas :
« Ton fils vient de se marier,

« Il a pris pour femme le vert vallon
« Et la haute tombe escarpée[2]. »

  1. Il s’agit ici du platane oriental (acer pseudo-platanus), aujourd’hui en train de disparaître en Ukraine, mais qui a été beaucoup employé dans la poésie nationale comme symbole de la jeunesse.
  2. Les quatre derniers vers se rapportent à un cosaque mort avant d’avoir été marié ; c’est donc accidentellement que la tradition populaire les a joints à la présente chanson.