Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Joséphine de Malines



Poire Joséphine de Malines.


(Spécimen récolté sur pyramide.)

Cette variété, l’une des meilleures et des plus distinguées parmi les gains modernes, est surtout remarquable par cette circonstance, qu’elle nous a fait connaître et qu’elle ouvre une nouvelle série de poires à chair couleur de rose et à odeur florale, ce qui, pour peu que le goût du progrès par les semis continue et se propage, nous promet des jouissances inconnues autrefois.

La Pomologie doit la Joséphine à un ancien officier retiré du service, le major Esperen, mort à Malines en 1847.

Digne émule de Van Mons, le major Esperen ne procédait pas, comme lui, d’après un système, il se bornait à recueillir des pepins de bonnes poires et à peupler de sauvageons son jardin de Malines, qui était devenu une véritable forêt. Déjà, pendant la période de sa vie militaire, il avait commencé ses semis, qu’il continua jusqu’à la fin de sa carrière. S’il n’a pas, comme Van Mons, enrichi les nomenclatures d’un nombre considérable de variétés, on lui doit une série fort intéressante de poires de premier ordre.

La Joséphine de Malines fut sur le point de périr avant d’être connue ou propagée dans le monde horticole. L’arbre mère, presque étouffé dans un massif trop épais, périt peu de temps après sa première production, et c’est avec peine que son propriétaire put sauver quelques scions. Cette circonstance, jointe à l’apparence assez grêle des rameaux de cet arbre, a dû contribuer à le faire classer au premier abord parmi ceux d’une nature délicate ; on ne lui trouve pas ce bois solide et vigoureux si nécessaire pour former des hauts-vents.

La Joséphine, dont le mode de végétation présente, sous beaucoup de rapports, de l’analogie avec la Passe-Colmar, convient plus particulièrement à l’espalier au levant et au couchant ; elle se conduit aussi assez bien en pyramide soit sur franc, soit sur coignassier.

On sait que la Passe-Colmar noue et maintient son fruit avec facilité et abondance ; il en est de même de la Joséphine, que nous avons souvent vue porter des bouquets de 6 à 7 fruits réunis. Il existe encore d’autres ressemblances entre ces deux variétés : leurs rameaux, grêles et flexibles, se soutiennent mal, surtout lorsque les branches sont chargées de fruits ; il en résulte que ces branches retombent les unes sur les autres d’une manière assez confuse, et produisent un mauvais effet, quand l’arbre est cultivé en haut-vent.

La Joséphine est pyriforme, turbinée, s’élargissant vers son sommet, qui est aplati et mesure ordinairement quelques millimètres de plus en largeur qu’en hauteur ; ses dimensions les plus ordinaires ne dépassent guère 7 centimètres en hauteur, et 7 ½ en largeur. La peau est lisse, luisante, verte, prenant une teinte jaune-citron à la maturité, et se colorant parfois légèrement du côté frappé du soleil ; pointillée de gris, tachetée de vert-tendre et de rouille autour du pédoncule.

Le calice, petit, est placé dans une cavité peu profonde, évasée et régulièrement arrondie ; les divisions sont noires ; le pédoncule est gros et court.

La chair est ordinairement rosée, fine, fondante, beurrée ; lorsque la maturité est parfaite, l’intérieur se colore d’une nuance analogue à celle de la rose de Bengale.

L’eau est très-abondante, sucrée, d’un parfum délicieux, exhalant une odeur qui tient de la rose et de la jacinthe.

La Joséphine mûrit de janvier en avril. Il est peu de fruits qui se maintiennent mieux au fruitier ; on peut l’y laisser très-longtemps à l’état de maturité parfaite, sans craindre aucune altération.

La première production de ce fruit date de 1829 à 1830 ; le major Esperen l’a dédiée à sa femme, Mme Joséphine Baur.

La description des diverses parties de l’arbre se trouve dans l’Album de Pomologie de notre collègue, M. Bivort. Nous ne pouvons mieux faire que de la reproduire :

« Branches à fruits courtes et grêles, brun-jaunâtre, panaché de gris.

» Supports assez longs, jaune-verdâtre.

» Bourgeons à fleurs moyens, écailleux, ovales, obtus, brun-foncé, ombré de noir et de gris.

» Rameaux droits, moyens en longueur et grêles ; les plus vigoureux sont striés sur toute leur surface, mais plus fortement vers le bout ; ceux de moindre vigueur ont seulement une strie descendant du milieu de chaque gemme ; ils sont cotonneux ; leur couleur est brun-verdâtre, nuancé de brun-violacé du côté du soleil, principalement autour de chaque gemme. Le bout du rameau, assez souvent terminé par un bourgeon à fleur, est violet-pourpre, très-renflé.

» Gemmes à bois gros, déprimés, obtus, brun-clair, plus ou moins lavé de gris, apprimés à leur base, écartés par leur sommet, et portés sur un renflement notable qui fait paraître le rameau plus coudé qu’il ne l’est réellement.

» Feuilles remarquablement petites, ovales, lancéolées, aiguës, finement serretées, d’un beau vert-clair et luisant ; leur longueur moyenne est de 6 centimètres, leur largeur de 3 ½ ; sur les rameaux vigoureux les feuilles sont réunies en touffes comme dans la Passe-Colmar : les secondaires sont alors plus petites et lancéolées ; le pétiole, long de 2 centimètres, est grêle, vert-clair.

» Les stipules sont lancéolées. »

Nous pouvons ajouter qu’en général le facies de cet arbre est des plus reconnaissables, même pour des yeux peu exercés.

A. Royer.