Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Bon-Chrétien Napoléon



BON CHRÉTIEN NAPOLÉON. (Liard.)

Bon Chrétien Napoléon.

Synonymies : Poire Liard, Belle-Canaise, Médaille, Charles X, Poire Napoléon, Gloire de l’Empereur, Captif de Sainte-Hélène, etc.

(Spécimen récolté sur pyramide.)

La multiplicité des synonymies imposées à cette variété atteste à la fois la vogue qui s’y est attachée en France comme en Belgique, et les vicissitudes de la vie du grand homme dont elle porte le nom.

Obtenue d’un semis de M. Liard, jardinier à Mons, vers 1808, cette poire fut soumise à l’appréciation de la Société d’horticulture de cette ville et jugée digne d’une médaille spéciale. De là vient le nom de Poire Médaille, qui lui est donné quelquefois.

M. l’Abbé Duquesne, l’un des amateurs du Hainaut auxquels nous devons la propagation des bons fruits de cette province, fit l’acquisition du pied mère pour le prix de 33 francs, et lui donna le nom de Bonaparte ou Napoléon[1].

Les noms de Gloire de l’Empereur, Captif de Sainte-Hélène, sont d’origine française, et celui de Charles X est évidemment le résultat d’une de ces tentatives maladroites, qui, à certaines époques de la restauration, s’essayaient à la tâche impossible d’effacer les souvenirs de l’Empire.

La forme ordinaire de ce fruit, assez variable d’ailleurs, doit le ranger dans la catégorie des Bons-Chrétiens ; et c’est ce qu’a fait notre collègue, M. de Bavay, à l’époque déjà fort ancienne des premières publications de ses catalogues raisonnés. Cette qualification très-rationnelle de Bon-Chrétien, du reste, conforme à l’opinion de Van Mons et de Poiteau, a depuis été généralement adoptée.

Ce fruit n’est pas moins variable dans son volume que dans sa forme ; il est moyen ou gros, parfois pyriforme, turbiné ou allongé, souvent bosselé ; son caractère le plus constant est un rétrécissement prononcé vers le tiers supérieur de sa hauteur.

La peau est vert-clair, quelquefois pointillée ou maculée de brun-clair ; le fruit jaunit fortement à l’époque de la maturité, qui a lieu, en Belgique, vers la fin d’octobre, et se prolonge pendant tout le mois de novembre ; il n’a pas l’inconvénient de blettir ; il accomplit lentement sa maturation.

Le pédoncule, long de 9 à 10 millimètres, est gros, charnu, brun, pointillé de blanc-sale et lavé de vert ; il est implanté obliquement dans une cavité, ordinairement plus profonde d’un côté que de l’autre, selon que le fruit est bosselé dans cette partie.

Le calice est petit, irrégulier, placé dans une cavité profonde.

La chair est fine, fondante ; l’eau abondante, sucrée, d’un goût très-agréable quoique peu prononcé.

L’arbre ne manque pas de vigueur, surtout lorsqu’il est greffé sur franc ; il réussit cependant très-bien sur coignassier.

Les branches forment avec le tronc un angle ouvert ; elles sont lisses, grises, avec quelques macules rousses.

Les rameaux à fruits sont minces, gris, de longueur moyenne.

Les rameaux à bois sont gros, droits, légèrement coudés à chacun de leurs nœuds, qui sont plus ou moins rapprochés, selon la vigueur du rameau ; ils sont cannelés et striés dans leur longueur, surtout vers le bout. L’épiderme est lisse, luisant, gris-brun et finement pointillé de lenticelles grises, plus nombreuses au sommet qu’à la base. Les rameaux de la seconde pousse sont cotonneux.

Les boutons à fruit sont très-gros, allongés, ventrus, se terminant en pointe, écailleux, brun-clair, lavés de brun-marron et bordés de gris.

Les supports sont assez gros, brun-verdâtre, légèrement ridés.

Les feuilles, dans leur plus grande longueur, ont 9 centimètres sur 5 à 6 de largeur ; elles sont ovales, pointues, lisses, d’un vert un peu jaunâtre, dentées vers leur extrémité. Le pétiole, long de 3 à 5 centimètres, est gros, d’un vert très-clair.

La variété dont nous nous occupons, se prête parfaitement à la forme pyramidale, et y produit de beaux et bons fruits dans les situations abritées. L’arbre exige, pour prendre une belle forme, un peu d’attention dans la taille ; on le cultive également en espalier aux expositions du levant, du couchant et même du nord. Les fruits sont moins bons dans les terres fortes et humides.

Il y a quelques années, le major Esperen crut avoir gagné un Napoléon d’Hiver, et, en effet, des spécimens de ce fruit furent conservés jusque dans les mois de décembre et de janvier ; mais on ne tarda pas à reconnaître que ce fait était anormal, et résultait de circonstances particulières de sol et de situation.

A. Royer.

  1. Annales de la Société d’Horticulture de Paris, par M. Poiteau, page 364.