Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 16/Géométrie élémentaire, article 4

QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution de deux des quatre problèmes de géométrie
proposés à la page
 68 du XI.e volume des Annales,
et de deux autres problèmes analogues ;

Par feu J. B. Durrande.
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LEMME I. Si deux cercles se coupent orthogonalement, c’est-à-dire, de manière que les droites menées du centre de chacun à ses points d’intersection avec l’autre soient tangentes à ce dernier ; la polaire d’un point quelconque de la circonférence de l’un d’eux, prise par rapport à l’autre, passera par l’extrémité du diamètre menée par ce point.

Démonstration. Désignons par et tant les centres des deux cercles que ces cercles eux-mêmes, et soit l’une de leurs intersections ; de telle sorte que soit une tangente au cercle Par un quelconque des points de la circonférence de ce dernier cercle, soient menés le diamètre et la droite coupant de nouveau cette circonférence en Par la propriété de la tangente et de la sécante issues d’un même point ; on aura

de sorte que et sont deux points conjugués, par rapport au cercle Or, si l’on mène l’angle inscrit au demi-cercle, sera droit ; est donc une perpendiculaire par à c’est donc la polaire du point

LEMME II. Si deux sphères se coupent orthogonalement, c’est-à-dire, de manière que la surface conique qui, ayant le centre de l’une quelconque pour sommet, passera par son intersection avec l’autre, soit circonscrite à cette dernière ; le plan polaire d’un point quelconque de la surface de l’une d’elles, pris par rapport à l’autre, passera par l’extrémité du diamètre mené par ce point.

Démonstration. Désignons par et tant les centres des deux sphères que ces sphères elles-mêmes. Par un point quelconque de la surface de la dernière soient menés un diamètre et la droite perçant de nouveau cette sphère en Si, par ces deux droites on conduit un plan, ses intersections avec les deux sphères seront deux cercles se coupant orthogonalement, et on prouvera, comme ci-dessus, que est la polaire de par rapport au cercle mais les points et conjugués l’un à l’autre par rapport au cercle le sont aussi, par rapport à la sphère correspondante ; donc le plan polaire de par rapport à cette sphère est un plan conduit par perpendiculairement à ce plan contiendra donc perpendiculaire à cette droite, et conséquemment il passera par le point

THÉORÈME I. La circonférence du cercle décrit du centre radical de trois cercles comme centre, et avec un rayon égal à la tangente menée de ce centre à l’un d’eux, est à la fois le lieu géométrique des points du plan des trois cercles dont les polaires relatives à ces trois cercles concourent en un même point, et le lieu géométrique du point de concours des trois polaires ; et ces deux points sont constamment aux extrémités d’un même diamètre de ce cercle.

Démonstration. Désignons par tant les centres des trois cercles dont il s’agit que ces cercles eux-mêmes. Soient pareillement désignés par tant leur centre radical que le cercle décrit de ce centre avec un rayon égal à la tangente menée du même point à l’un quelconque des trois cercles. Par un quelconque des points de la circonférence du cercle soient menées le diamètre et les droites coupant de nouveau la circonférence en comme, par construction, cette circonférence coupe les trois autres orthogonalement, il s’ensuit (Lemme I) que, si l’on mène les droites ces droites seront les polaires respectives du point par rapport aux cercles ces polaires concourront donc, en effet, en un même point extrémité du diamètre conduit par

Il est aisé de se convaincre que les points de la circonférence sont les seuls du plan des trois cercles qui jouissent de la propriété que l’on vient de démontrer leur appartenir. Considérons en effet un point autre que ceux de cette circonférence, par lequel soit fait passer une autre circonférence coupant orthogonalement les deux cercles et si l’on mène le diamètre on démontrera, comme ci-dessus, que les polaires de relatives à et concourent en mais si, au lieu d’employer, dans cette construction, les deux cercles et on emploie tour-à-tour les cercles et et on trouvera deux autres points et de concours de polaires, sur des circonférences et différentes de de sorte qu’alors les trois polaires ne concourront plus au même point.

Lorsque les trois cercles se coupent de manière à avoir une partie commune, leur centre radical, situé alors dans cette partie commune, leur étant ainsi intérieur à tous trois, il n’est plus possible de leur mener des tangentes de ce centre ; aucun cercle ne peut donc les couper tous trois orthogonalement, et par suite il n’est aucun point de leur plan dont les trois polaires concourent en un même point.

Ce qui précède résout complètement le problème III de la page 68 du XI.e volume des Annales, et prouve en outre que le premier des quatre problèmes proposés en cet endroit est impossible ou indéterminé. On demande en effet, dans l’énoncé de ce problème, de trouver le point du plan de quatre cercles dont les polaires, relatives à ces quatre cercles, concourent en un même point. Or, s’il existe un tel point, en le joignant au point de concours des quatre polaires par une droite, le milieu de cette droite devra, par ce qui précède, être le centre radical de chacun des quatre systèmes de trois cercles que l’on peut former avec les quatre cercles donnés. Le problème ne sera donc possible qu’autant que ces quatre cercles seront tels que, pris trois à trois comme on le voudra, ils auront un seul et même centre radical ; c’est à-dire, qu’autant qu’ils pourront être coupés orthogonalement par un cinquième cercle, dont alors tous les points résoudront le problème.

THÉORÈME II. La surface de la sphère dont le centre est le centre radical de quatre sphères données et qui a pour rayon la tangente menée de ce point à l’une quelconque de ces quatre sphères, est à la fois le lieu géométrique des points de l’espace dont les plans polaires, relatifs à ces quatre sphères concourent en un même point, et le lieu géométrique du point de concours des quatre plans polaires ; et ces deux points sont constamment aux extrémités d’un même diamètre de cette sphère.

Démonstration. Désignons par tant les centres des quatre sphères dont il s’agit que ces sphères elles-mêmes. Soient pareillement désignés par tant leur centre radical que la sphère décrite de ce centre et d’un rayon égal à la tangente menée dit même point à l’une quelconque des quatre sphères données. Par l’un quelconque des points de la surface de la sphère soient menés le diamètre et les droites perçant de nouveau la sphère en comme, par construction, cette sphère coupe les quatre autres orthogonalement, il s’ensuit (Lemme II) que, si l’on conduit, par les droites des plans respectivement perpendiculaires à ces plans seront les plans polaires respectifs du point par rapport aux sphères ces plans concourent donc, en effet, en un même point extrémité du diamètre conduit par

Ici encore on démontrera que les propriétés que nous venons de reconnaître appartenir aux points de la surface de la sphère leur appartient exclusivement. Si, en effet, un point de l’espace n’est pas sur cette surface, on pourra toujours par ce point faire passer quatre sphères qui coupent orthogonalement trois des sphères données. Menant alors dans ces sphères les diamètres on prouvera, en raisonnant comme ci-dessus, que les quatre plans polaires de par rapport à concourent trois à trois aux points et, que conséquemment ils ne concourent pas tous quatre en un même point.

Si les quatre sphères se coupent de manière à avoir une partie qui leur soit commune à toutes, leur centre radical, situé alors dans cette partie commune, leur étant ainsi intérieur à toutes quatre, il ne sera plus possible de leur mener des tangentes de ce centre ; aucune sphère ne pourra donc les couper toutes quatre orthogonalement, et par suite, il n’y aura aucun point de l’espace dont les quatre plans polaires concourent en un même point.

Ce qui précède résout complètement le problème où l’on proposerait de déterminer le lieu géométrique des points de l’espace dont les plans polaires, relatifs à quatre sphères données, coucou- en un même point, et prouve en outre que le problème où l’on proposerait de déterminer le point de l’espace dont les plans polaires relatifs à cinq sphères données concourent en un même point, est toujours impossible ou indéterminé. Si en effet ces cinq sphères peuvent être toutes coupées orthogonalement par une sixième sphère, tous les points de cette dernière résoudront le problème, et, dans le cas contraire, ce problème, sera impossible[1].

  1. M. Durrande, déjà très-gravement malade lorsqu’il nous adressa ce qu’on vient de lire, nous avait annoncé la solution de deux autres problèmes de l’endroit cité. Il a terminé sans carrière sans l’avoir pu mettre par écrit.
    J. D. G.