Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Statique, article 1

STATIQUE.

Sur la Balance de Roberval ;

Par un Abonné.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

M. Poinsot, dans sa Statique[1], observe, au sujet de la Balance de Roberval, qu’aucun de ceux qui ont écrit avant lui sur cet appareil n’a donné une solution satisfaisante de l’espèce de paradoxe qu’il présente, ce qui est très-vrai. Il ajoute que la théorie des couples en donne une explication fort exacte et fort lumineuse, ce qui est vrai encore.

Mais M. Poinsot paraît insinuer que le paradoxe dont il s’agit ne peut être complètement éclairci que par l’application de la théorie des couples. Or, s’il en était ainsi, ce serait une chose assez fâcheuse. Il arrive souvent en effet que, parmi les auditeurs des cours publics de physique ou les lecteurs des traités élémentaires de cette science, il s’en trouve bien peu qui se soient préalablement familiarisés avec les principes de la statique, et à plus forte raison avec la théorie des couples. Le professeur ou l’écrivain peut à peine hasarder une démonstration bien élémentaire, nous dirions volontiers bien terre à terre, du principe du parallélogramme des forces, et il est ensuite contraint de tout ramener là. Or c’est ce qu’on peut très-bien faire, en particulier, pour l’explication du paradoxe dont il s’agit, ainsi qu’on va le voir.

Soit (fig. 2) le parallélogramme, constant de côtés et variable d’angles, formé par les quatre règles assemblées à charnières qui composent la principale partie de l’appareil, et dont les deux opposées et ne peuvent que pivoter autour de leurs milieux fixes et situés dans une même verticale et soit un point lié invariablement à la règle mais situé d’ailleurs d’une manière quelconque par rapport à cette règle. Tout se réduit à prouver que, si l’on applique au point une force verticale, on pourra la remplacer par une force de même intensité, dirigée suivant plus des forces qui seront détruites par la résistance des points fixes et or, c’est là une chose très-facile à établir.

Supposons que représente en intensité et en direction la force verticale appliquée en sur comme diagonale soit construit le parallélogramme dont les côtés et prolongés, s’il est nécessaire, passent respectivement par les points et la force représentée en intensité et en direction par pourra être remplacée par deux autres représentées en intensité et en direction par et

Soit menée par une parallèle à et Si sur et comme diagonales, on construit deux parallélogrammes et ayant un de leurs côtés dirigé suivant et l’autre suivant et représenteront en intensité et en direction les composantes de et et représenteront en intensité et en direction les composantes de On aura de plus et

Présentement, la force représentée en intensité et en direction par peut être considérée comme appliquée en où on pourra la décomposer en deux autres, représentées en intensité et en direction par et respectivement égales et parallèles à et Pareillement la force représentée en intensité et en direction par peut être considérée comme appliquée en où on pourra la décomposer en deux autres, représentées en intensité et en direction par et respectivement égales et parallèles à et

On aura donc ainsi, au lieu de la force unique représentée par les quatre forces représentées par et les deux premières agissant en et les deux dernières en et on aura de plus, par ce qui précède, et

Ainsi tout le système se trouvera réduit à une force agissant suivant égale à celle qui agissait sur le point plus deux autres forces et dont l’action sera anéantie par la résistance des points fixes et situés sur leurs directions.

Si, pareillement, à un point lié invariablement avec et situé d’ailleurs d’une manière quelconque par rapport à cette droite, on applique une force verticale égale à celle qu’on a appliquée en cette force se réduira à une force pareille appliquée suivant plus deux autres forces dront l’action se trouvera aussi anéantie par la résistance des points fixes et

Il ne restera donc finalement que deux forces verticales, de même intensité, appliquées aux deux extrémités et du levier ayant son point d’appui à son milieu, et conséquemment il y aura équilibre.

  1. Deuxième édition, page 288.