Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 11/Géométrie analitique, article 2

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Solutions analitiques des mêmes problèmes ;

Par M. Gergonne.
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Les solutions qu’on vient de lire ne laissent sans doute rien à désirer du côté de la rigueur et de la brièveté ; mais, comme les problèmes auxquels elles se rapportent ont été proposés à des élèves de mathématiques spéciales[1], on peut présumer qu’il était dans l’intention de ceux qui en ont fait choix qu’elles fussent résolues analitiquement. Si donc je m’étais trouvé au nombre des concurrens, je me serais cru tenu en conscience de les traiter ainsi ; et voici de quelle manière j’aurais procédé.

Première question. Soit pris pour plan des le plan du cercle donné comme base du cône droit dont il s’agit ; et soit pris son centre pour origine ; son axe sera ainsi dans l’axe des Supposons en outre que son sommet soit du côté des positif. Si est le rayon de sa base, l’équation de cette base sera

Si, de plus, on appelle sa hauteur, les équations d’une droite menée d’une manière quelconque par son sommet seront de la forme

et étant deux indéterminées.

Cette droite percera le plan des en un point dont les équations seront

si donc l’on veut que cette même droite soit menée sur la surface du cône, il faudra que ces valeurs de et satisfassent à l’équation de sa base ; c’est-à-dire, qu’on devra avoir

Telle est donc la relation qui doit exister entre et pour que la droite dont les équations sont

soit sur le cône. Eliminant donc entre ces trois dernières équations, l’équation résultante

sera celle de la surface convexe de ce cône.

Supposons présentement que le plan des qui est seulement assujetti à passer par l’axe du cône, ait été choisi parallèle à celui des sections verticales dont il est question dans l’énoncé du problème ; alors, pour avoir les courbes déterminées par ces sections, il ne s’agira que de considérer dans l’équation du cône comme une constante arbitraire, exprimant la distance variable du plan coupant à l’axe du cône. Si, en outre, on transporte l’origine au sommet, ce qui se réduit à changer en , l’équation pourra être mise sous cette forme

équation que l’on reconnaît pour être celle d’une hyperbole dont le demi-axe transverse est et dont le demi-second axe est Les projections des asymptotes sur le plan des auront donc pour équation commune

c’est-à-dire, que ces projections ne seront autre chose que les intersections du cône avec le même plan ; ces asymptotes seront donc toutes parallèles, et situées sur les deux faces d’un angle dièdre circonscrit au cône.

Si l’on veut que les hyperboles soient équilatères, il faudra qu’on ait ou c’est-à-dire, qu’il faudra prendre la hauteur du cône égale au rayon de sa base.

Deuxième question. Soit pris le centre de la sphère pour origine des coordonnées rectangulaires, le rayon donné, que nous représenterons par se confondant avec l’axe des positifs ; l’équation de cette sphère sera

(1)

Supposons que la base du cône, considérée comme un plan indéfini, ait pour équation

(2)

le concours des équations (1, 2) exprimera le périmètre de cette base.

Les équations d’une droite menée d’une manière quelconque par le sommet du cône seront de la forme

(3)

et sont deux indéterminées. Cette droite percera le plan (2) en un point dont on aura les coordonnées en combinant entre elles les équations (2, 3). On trouvera ainsi pour ces coordonnées


Si donc on veut que la droite (3) soit sur le cône, il faudra que ce point soit sur la sphère, c’est-à-dire, qu’on devra avoir

ou bien, en réduisant,

(4)

Telle est donc la relation qui doit exister entre et pour que la droite (3) soit sur la sphère. Eliminant donc ces deux indéterminées de cette équation (4), au moyen des équations (3) l’équation résultante

(5)

sera celle du cône, considéré comme surface indéfinie.

Si donc on veut savoir suivant quelle courbe ce cône est coupé par le plan des il suffira de supposer dans l’équation précédente qui deviendra ainsi

(6)

équation que l’on reconnaît appartenir à un cercle. Et comme toutes les sections faites à un même cône par des plans parallèles sont des courbes semblables, il en résulte plus généralement que, si un cône a son sommet au centre d’une sphère et pour base un quelconque des cercles de cette sphère, toute section du cône par un plan perpendiculaire au rayon qui va à son sommet sera une section circulaire ; c’est le théorème qu’il s’agissait de démonter ; il revient à dire que, pour un spectateur qui a l’œil en un point de la surface d’une sphère, et pour un tableau perpendiculaire au rayon mené à ce point, la perspective de tout cercle de la sphère est elle-même un cercle ; c’est le principe de la projection de Ptolemée.

L’équation (4) peut être mise sous cette forme

(7)

d’où l’on voit que les équations du centre du cercle sont

(8)

et qu’en désignant par son rayon, on a

(9)

Il est aisé de voir que les équations du rayon perpendiculaire à la base du cône sont

(10)

et que la longueur de la perpendiculaire abaissée du centre de sphère sur le plan de cette base est

d’où il suit que le rayon de la base du cône sera

En conséquence, si l’on représente par l’arc de grand cercle qui joint le pôle de cette base à sa circonférence, on aura

(11)

Cela posé, considérons, sur la sphère, un autre cercle servant de base à un cône de même sommet que le premier ; et supposons que l’équation du plan de ce cercle soit

(12)

La section de ce nouveau cône par le plan des sera encore un cercle ; les équations de son centre seront

(13)

en désignant par son rayon, on aura

(14)

Les équations du rayon mené au pôle du cercle-base seront

(15)

et en appelant l’arc de grand cercle qui joint son pôle à sa circonférence, on aura

(16)

En conséquence, si l’on représente par la distance des centres des sections des deux cônes par le plan des et par l’arc de grand cercle qui joint les pôles de leurs bases, on trouvera

On aura d’après cela




donc enfin


or, la première de ces deux expressions est celle du cosinus de l’angle sous lequel se coupent les perspectives des deux cercles de la sphère, et la seconde est celle du cosinus de l’angle sous lequel ces deux cercles se coupent eux-mêmes ; donc, dans la projection de Ptolémée, les perspectives de deux cercles quelconques de la sphère sont deux cercles qui se coupent eux-mêmes sous le même angle que ces deux-là. Cette intéressante remarque, qui ajoute un si grand prix au système de projection de Ptolémée, est due, je crois, à M. Puissant.

Si donc les deux cercles de la sphère sont tangens l’un à l’autre, leurs perspectives le seront également ; ce qui est d’ailleurs évident. Si donc on proposait de décrire un cercle qui en touchât trois autres donnés sur une sphère, il suffirait pour résoudre le problème de construire, pour un même plan, les projections circulaires de ces trois cercles, suivant la méthode de Ptolémée ; de décrire, dans ce plan, un cercle tangent à ces trois-là, et de chercher ensuite quel est le cercle de la sphère dont ce dernier est la projection ; Ce cercle de la sphère toucherait les trois autres, et serait conséquemment le cercle cherché. Il serait curieux de voir à quoi reviendrait finalement cette solution ; mais c’est un soin qu’il convient de laisser à M. Durrande, qui s’est déjà occupé avec tant de succès de ces sortes de problèmes[2].

  1. Pendant combien de temps encore conservera-t-on cette dénomination ridicule de mathématiques spéciales, Quand bien même on voudrait entendre par là que le cours ainsi nommé est destiné aux élèves qui se consacrent spécialement à l’étude des mathématiques, outre que l’ellipse serait par trop forte, cette ellipse serait un véritable mensonge ; attendu que les élèves qui, dans nos écoles, suivent les cours de mathématiques dites spéciales, suivent en même temps des cours de physique et des cours qu’on appelle, on ne sait trop pourquoi, cours de philosophie.

    Ceci nous rappelle d’avoir un jour entendu un jeune homme que l’on interrogeait sur la division logique, répondre que, par exemple, les mathématiques se divisent en mathématiques élémentaires, mathématiques spéciales et mathématiques transcendantes.

    Que l’on tolère dans le monde des locutions vicieuses, à la bonne heure : mais, puisqu’enfin c’est par le langage que les idées s’introduisent et se classent dans notre esprit, on devrait du moins mettre toutes sortes de soin à rendre correcte la langue qu’on parle dans les écoles.

    Cette langue est vicieuse sous un grand nombre d’autres rapports. Par exemple, ces expressions : faire sa médecine, son histoire naturelle, ses mathématiques, etc., nous sembleraient tout-à-fait sauvages, et cependant on dit : faire son droit, sa rhétorique, sa philosophie, etc., à peu près comme on dirait, faire sa barbe ou ses ongles. L’expression faire sa philosophie ne pourrait signifier quelque chose qu’autant qu’on la considérerait comme l’équivalent de celle-ci : se faire une philosophie à soi ; or, rien n’est moins propre à atteindre ce but que les cours de nos écoles, où l’on nous donne une philosophie toute faite ; et souvent encore quelle philosophie !

  2. Nous saisirons, avec empressement, cette occasion de réparer une omission qui nous est échappée, en préparant le mémoire de M. Durrande qui se trouve au commencement de ce volume ; omission qui rend incomplète la démonstration du théorème du n.o 21 (pag. 13). La démonstration que l’on donne en cet endroit ne convient en effet qu’au cas où, comme dans la figure 10, le point de concours des axes radicaux n’est intérieur à aucun des trois cercles ; mais elle ne saurait s’appliquer au cas où, comme dans la figure 11, ces trois cercles ont une partie commune. Voici comment on peut raisonner dans ce cas.

    Soient les trois cercles, la corde commune de et celle de et , coupant la première en et enfin et les intersections des deux cercles et . Si la droite menée par et ne passe pas par le point elle coupera le cercle en quelque point et le cercle en quelque autre point , et l’on devra avoir, par les propriétés des cordes qui se coupent dans un même cercle

    d’où on conclura, en multipliant et réduisant,

    les deux points doivent donc se confondre entre eux, et conséquemment avec le point  ; la droite menée par et doit donc passer par le point  ; les trois axes radicaux se coupent donc au même point.

    Cette démonstration s’appliquerait également au cas de la figure 10 ; mais elle ne saurait convenir à ceux où tout ou partie des cercles seraient extérieurs les uns aux autres, et il faut alors recourir à celle de la page 13.

    Toutes ces remarques avaient été faites par M. Durrande ; mais la précipitation avec laquelle nous avons arrangé son mémoire nous les a faites à regret négliger.

    Il y a exactement les mêmes observations à faire sur la démonstration du théorème du n.o 47 (pag. 22), que l’on complétera d’une manière tout-à-fait analogue.