Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 11/Géométrie élémentaire, article 5

GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Construction géométrique d’un cercle qui en touche
trois autres donnés sur un plan ou sur une sphère,
d’un cône droit qui en touche trois autres de même
sommet, et d’une sphère qui en touche quatre
autres dans l’espace ;

Par M. Poncelet, capitaine au corps royal du génie,
ancien élève de l’école polytechnique.[1]
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

J’appelle points homologues directs ou inverses, relativement à deux cercles tracés sur un même plan, et à l’un quelconque de leurs centres de similitude, deux points de leurs circonférences qui, étant situés à la fois sur une droite passant par le centre de similitude dont il s’agit, appartiennent à deux arcs dont la courbure est dirigée dans le même sens ou en sens contraire, par rapport à ce centre de similitude. D’où il suit que les rayons menés à deux points homologues sont ou ne sont pas parallèles, suivant que ces points sont directement ou inversement homologues.

En conséquence de ces définitions, deux arcs, deux cordes, deux tangentes, etc., appartenant respectivement à deux cercles, seront directement ou inversement homologues, suivant que leurs extrémités ou points de contacts seront des points de l’une ou de l’autre espèce.

On voit, d’après cela, que, pour un point, un arc, une corde, une tangente, etc., donné sur l’un des cercles, il ne correspond jamais sur l’autre qu’un seul point, un seul arc, une seule corde, une seule tangente, etc., duquel on puisse dire qu’il est son homologue de l’une ou de l’autre espèce, du moins relativement au même centre de similitude.

Il est facile de voir, au surplus, que les cordes et tangentes homologues sont ou ne sont pas parallèles, suivant qu’elles sont directement ou inversement homologues ; ou, en d’autres termes, que les cordes et tangentes directement homologues concourent sur la corde à l’infini commune aux deux cercles, tandis qu’au contraire les cordes et tangentes inversement homologues concourent sur la corde à distance finie commune à ces deux mêmes cercles, c’est-à-dire, sur leur axe radical ; ce qui présente un moyen fort simple de construire cet axe par de simples intersections de lignes droites.

Toutes ces définitions et toutes ces remarques peuvent être facilement étendues, avec les modifications convenables, à deux cercles tracés sur une sphère, à deux cônes droits de même sommet, à deux cylindres droits dont les axes sont parallèles et enfin à deux sphères. On peut même les étendre à deux courbes planes ou à double courbure et à deux surfaces courbes, soumises ou non à la loi de continuité, pourvu qu’elles aient un centre de similitude.

Les choses ainsi entendues, voici comment on construira un cercle qui en touche trois autres, donnés sur un même plan.

Soient les trois cercles donnés, et soit d’abord déterminé celui des quatre axes de similitude de ces trois cercles qui répond à l’espèce de contact qu’on se propose d’obtenir ; cet axe contiendra trois des six centres de similitude, les seuls dont il sera question dans ce qui va suivre.

Soit pris arbitrairement un point sur la circonférence de [2] ; soit le point inversement homologue à sur soit le point inversement homologue à sur ; et soit enfin le point inversement homologue à sur

S’il arrive que et se confondent, seront les points de contact du cercle cherché avec les trois cercles donnés ; de telle sorte que, par le simple tracé de trois droites, on aura réduit le problème à faire passer un cercle par trois points donnés.

Si les points ne se confondent pas, en les joignant par une droite, cette droite ira couper l’axe de similitude en un point qui sera invariablement le même, quel que soit le point de départ et la polaire de ce point par rapport au cercle coupera ce même cercle à ses points de contact avec les deux cercles cherchés.

On pourrait, par un semblable procédé, déterminer les points de contact de ces deux mêmes cercles avec les cercles mais il est clair que, si l’on détermine sur ces derniers les cordes respectivement homologues à celle qu’on aura déterminée sur elles joueront, par rapport à eux, le même rôle que celle-ci par rapport à et de plus concourront avec elle en un point qui, comme on le sait déjà, et comme il résulte d’ailleurs de ce qui précède, sera le centre radical des trois cercles donnés, ou le point d’intersection unique de leurs trois cordes communes deux à deux.

La même opération, répétée pour chacun des quatre axes de similitude, donnerait les cordes et les points de contact qui appartiennent aux huit circonférences tangentes aux proposés ; mais, si l’on remarque que la polaire du centre radical, par rapport à l’un quelconque des cercles proposés, rencontre les quatre axes de similitude en des points qui sont précisément les pôles des quatre cordes de contact qui appartiennent à ce cercle, il sera beaucoup plus simple, une fois qu’on aura obtenu, par la construction qui précède, le centre radical et les premières cordes de contact, de s’en servir pour déterminer simultanément les systèmes des trois autres. Ces diverses constructions n’exigent d’ailleurs que l’emploi d’une simple règle, quand on aura la connaissance préalable des centres de similitude, ou seulement celle des centres des cercles donnés.

Si, au lieu de s’arrêter, dans la construction ci dessus, au quatrième point trouvé sur on continuait, de la même manière, à chercher son homologue inverse sur puis l’homologue inverse de celui-ci sur puis enfin l’homologue inverse de ce dernier sur ce dernier point serait, dans tous les cas, le point de départ lui-même ; les six droites tracées d’après les conditions qui précèdent, et qui se trouveraient dirigées deux à deux vers les trois centres de similitude que l’on considère, formeraient donc naturellement un hexagone fermé, dont les sommets opposés appartiendraient deux à deux à un même cercle, et dont les trois diagonales varieraient de position en même temps que le point de départ ou premier sommet, en pivotant respectivement autour de points fixes, placés sur l’axe de similitude correspondant ; ce qui offre le moyen de construire simultanément et d’une manière symétrique les trois cordes, et par suite les six points de contact appartenant aux deux cercles tangens relatifs à cet axe de similitude. Il est en outre bien digne de remarque que les six sommets de l’on quelconque des hexagones ainsi construits sont, à la fois, sur une même circonférence de cercle ayant l’axe de similitude correspondant pour corde commune avec les deux cercles tangens au proposé qui appartiennent à cet axe.

Les constructions qui précèdent ont l’avantage d’être fort simples, puisqu’elles n’exigent que le tracé de lignes droites et qu’elles dispensent de construire les cordes communes ou les axes radicaux qui appartiennent aux trois cercles proposés, combinés deux à deux. On peut même éviter l’emploi direct des axes de similitude au moyen du procédé qui suit :

Ayant choisi, à volonté, trois centres de similitude, situés en ligne droite, et appartenant aux trois cercles donnés combinés deux à deux ; prenez sur l’un d’eux une corde quelconque ; cherchez son homologue inverse par rapport à puis l’homologue inverse de celle ci par rapport à et ainsi de suite, en procédant constamment dans le même ordre. Après la sixième opération, vous retomberez évidemment sur la première corde. Vous n’aurez donc, en tout, que seize lignes droites à tracer, y compris les deux cordes de chaque cercle, lesquelles se rencontreront en un point qui appartiendra à la corde de contact cherchée relative à ce cercle. Cela posé, tracez les deux nouvelles cordes qui réunissent deux à deux celles des extrémités des premières qui ne proviennent pas de la même combinaison, et qui sont par conséquent indépendantes entre elles ; ces deux cordes, ainsi obtenues dans chaque cercle, se rencontreront en un second point, appartenant à la corde de contact cherchée, laquelle sera ainsi parfaitement déterminée, pour chacun des cercles proposés.

Les constructions et propositions qui précèdent subsistent, d’une manière analogue, pour trois et quatre sphères, données à volonté dans l’espace, pour trois cônes qui ont un même sommet, et enfin pour trois cercles quelconques tracés sur une même sphère. On s’en convaincra d’une manière tout-à-fait simple, dans ce dernier cas, en considérant l’un des quatre systèmes de trois surfaces coniques qui renferment deux à deux les cercles proposés, et examinant ce qui se passe dans le plan d’une section quelconque renfermant la droite ou axe qui joint les trois sommets correspondans ; car, en supposant ensuite que ce plan se meuve autour de l’axe dont il s’agit, jusqu’à devenir tangent à la fois aux trois surfaces coniques, il coupera évidemment, dans cette double position, la sphère donnée suivant un cercle tangent à la fois aux trois proposés ; ce qui peut servir, en même temps, à justifier ce qui a été dit ci-dessus relativement au cas particulier où, les trois cercles donnés sont tracés sur un même plan, On peut remarquer que les propositions relatives au système de trois cercles tracés sur un plan, sont tout-à-fait analogues à celles que j’ai énoncées dans le tom. VIII.e des Annales (pag. 141), relativement aux polygones inscrits à une conique, dont les côtés sont assujettis à pivoter autour de points fixes situés en ligne droite ; et, en effet, il devient très-facile de passer des unes aux autres, en invoquant le principe de la continuité. C’est un rapprochement que je n’ai pas manqué de faire, dans le mémoire dont M. Cauchy a rendu compte à l’institut.


Séparateur

  1. Les constructions dont il va être question sont celles qui ont été annoncées à la page 82 de ce volume. Nous avons pensé qu’elles pourraient offrir un rapprochement curieux avec celles de M. Durrande, insérées également dans le présent volume ; et, à notre prière, l’auteur a bien voulu nous les communiquer.
    J. D. G.
  2. Pour plus d’exactitude pratique, il convient de choisir pour le plus grand des trois cercles donnés.