Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 11/Arithmétique, article 2

ARITHMÉTIQUE.

Évaluation de l’erreur qui peut affecter les produits
et puissances des nombres approximatifs ;

Par un Abonné.
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Soient trois nombres entiers quelconques on aura

et ce produit sera rigoureusement exact, si ses facteurs le sont eux-mêmes.

Mais, si l’on n’est pas certain de l’exactitude de ces mêmes facteurs, et que l’on sache seulement de chacun d’eux que, s’il est fautif, ce ne peut être que d’une quantité qui ne saurait excéder une demi-unité ; voici comment on parviendra à déterminer jusqu’à quel ordre d’unités on peut compter sur l’exactitude du produit.

On fera la supposition la plus défavorable ; c’est-à-dire que l’on admettra que ces facteurs sont tous fautifs, qu’ils le sont tous dans le même sens, et que l’erreur qui affecte chacun d’eux est précisément d’une demi-unité. En conséquence, le véritable produit devra être

les signes supérieurs ou les signes inférieurs devant être pris, suivant que ces facteurs seront fautifs en moins ou en plus. En développant, il viendra

Le véritable produit devant être compris entre celui qui résulte de l’emploi des signes supérieurs et celui qui résulte de l’emploi des signes inférieurs, la différence entre l’un et l’autre donnera la limite de l’erreur dont le produit apparent peut être affecté. Cette différence est rigoureusement

mais il est clair que ce qui suit la somme des produits deux à deux est trop petit vis-à-vis de cette somme, pour qu’il importe d’y avoir égard ; de sorte qu’on peut prendre simplement pour limite de l’erreur

or, ce nombre est plus grand qu’une demi-dixaine de millions, d’où il suit que dans le produit apparent on n’est pas même sûr du second chiffre à gauche, qui pourrait se trouver fautif de plus de la moitié de l’une des unités qu’il exprime, ce dont beaucoup de gens sans doute ne se douteraient guère.

On voit par là que, si les trois facteurs avaient été

approchés seulement à moins d’une demi-unité décimale du dernier ordre pris, auquel cas le produit apparent aurait été

non seulement on n’aurait pu compter sur aucun des chiffres décimaux de ce produit ; mais on n’aurait pas même été sûr du chiffre des unités.

En appliquant les mêmes raisonnemens au produit d’un plus grand nombre de facteurs, on parvient à cette conclusion générale :

Le produit de m facteurs, entiers ou décimaux, approchés seulement à moins d’une demi-unité pris du dernier ordre de chacun deux, peut être fautif dans autant de chiffres sur la droite qu’en renferme la somme des produits m-1 à m-1 de ces mêmes facteurs considérés comme des nombres entiers.

Dans l’application de cette règle à la pratique, on pourra, le plus souvent, se contenter d’examiner combien aurait de chiffres le produit des facteurs qui, considérés comme entiers, se trouvent les plus grands.

Si l’on suppose que tous les facteurs sont égaux, on obtient la règle suivante pour les puissances :

La m.me puissance d’un nombre, entier ou décimal, approché seulement à moins d’une demi-unité du dernier ordre près peut être fautif dans autant de chiffres sur la droite qu’en renferme m fois la (m-1)me puissance du même nombre considéré comme entier.

Nous ne dirons rien de l’erreur qui peut affecter les résultats de divisions et d’extractions de racines, exécutées sur des nombres approchés, parce que, dans aucun cas, cette erreur ne saurait être très-grave. Mais les principes que nous venons d’établir nous sembleraient devoir trouver place dans tous les traités élémentaires. Il n’arrive que trop souvent, en effet, que, faute de les connaître, on se fait illusion sur l’exactitude de certains résultats, où l’on conserve un grand nombre de chiffres décimaux qui les compliquent en pure perte, et que l’on serait d’autant mieux fondé à supprimer, qu’on pourrait, à tout aussi bon droit, les remplacer par d’autres, écrits tout-à-fait au hasard.

Ceux qui désireront de plus amples détails sur ce sujet pourront consulter un petit ouvrage ayant pour titre : Essai sur les nombres approximatifs (Paris, Duprat, an VII) ; mais ce qui précède nous paraît plus simple et plus élémentaire.