Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Géométrie élémentaire, article 4

GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Recherches diverses de géométrie plane ;

Par M. Vecten, licencié es sciences, ancien professeur
de mathématiques spéciales.
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Problème. Étant données les trois hauteurs d’un triangle ; construire le triangle ?[1]

Solution. Ce problème a été traité par M. Carnot dans sa Géométrie de position (pag. 371 et suiv., prob. XXXVI). On va voir qu’on peut en obtenir une solution beaucoup plus simple que la sienne.

Pour parvenir à cette solution, considérons les deux triangles (fig. 1), dont le premier est supposé le triangle inconnu qu’il s’agit de construire, au moyen de ses trois hauteurs connues tandis que l’autre est un triangle de dimensions arbitraires, supposé seulement semblable à celui-là ; et dont les trois hauteurs sont

À cause de la similitude des deux triangles, et parce que, de plus, dans un même triangle, les hauteurs sont en raison inverse des bases, on aura

or, les rapports sont connus ; prenant donc arbitrairement le côté du triangle on pourra, par des quatrièmes proportionnelles, déterminer les deux autres ; ce triangle pourra donc être construit, et, par suite, on pourra construire ses trois hauteurs ces hauteurs, une fois connues, on déterminera les trois côtés du triangle par ces proportions,

le problème se trouvera donc ainsi complètement résolu[2].

THÉORÈME. Soient les trois sommets d’un triangle ; et ses trois hauteurs, se coupant, comme l’on sait, en un même point on aura cette suite de rapports égaux

Démonstration. Les triangles

sont respectivement semblables aux triangles

(fig. 2) puisque les uns et les autres sont rectangles et ont de plus un angle commun ; on a donc

équations qui, étant multipliées membre à membre, donneront

mais, d’après un théorème connu (voyez, en particulier, la Théorie des transversales de M. Carnot), on a

donc

d’où, en extrayant la racine quarrée ; on conclura le théorème énoncé,

THÉORÈME. Soit pris arbitrairemtnt sur le plan d’un triangle un point par lequel soient menées les droites dont les prolongemens rencontrent respectivement en les directions, soit formé le triangle dont les côtés sont coupés respectivement en par soit formé le triangle dont les côtés sont coupés respectivement en par les droites et ainsi de suite.

1.o Les droites concourront en un même point les droites concourront en un même point et les droites concourront en un même point

2.o Les trois points de concours appartiendront à une même ligne droite.

Démonstration. Par un théorème connu, si sont respectivement les points de concours de et de et de et ces trois points seront en ligne droite. En outre, chacun des triangles de la série indéfinie se trouvant dépendre de la même manière de celui qui le précède, tout se réduira à prouver que passe par par et par ou plutôt à démontrer simplement que passe par puisque les trois côtés du triangle se trouvent dans des circonstances absolument semblables.

Il s’agit simplement de prouver qu’une droite menée par et par (fig. 3) doit passer par Pour y parvenir, remarquons que les deux droites et qui se coupent en d’après l’hypothèse, forment, avec les deux droites le quadrilatère complet dont les trois diagonales sont or, il est connu que l’une quelconque des diagonales d’un quadrilatère complet est coupée harmoniquement par les deux autres (voyez la Théorie des transversales de M. Carnot) ; donc le point de rencontre de ou avec et le point de rencontre du prolongement de avec la même droite sont ceux où la diagonale est divisée harmoniquement. Mais la figure est aussi un quadrilatère complet, dont les trois diagonales sont par conséquent, la diagonale est divisée harmoniquement aux points et donc la droite doit passer par le point et l’on démontrerait la même chose pour les deux autres.[3]

THÉORÈME. Soit un quadrilatère complet dont les quatre côtés soient et dont les trois diagonales soient conséquemment Soient de plus, l’intersection de et l’intersection de et celle de et concevons, en outre, que les trois diagonales soient indéfiniment prolongées ; et soit enfin une droite fixe et indéfinie donnée arbitrairement sur le plan du quadrilatère.

Par les deux extrémités de chacune des diagonales soient menées des parallèles à la droite fixe prolongées jusqu’à leur rencontre avec les deux autres diagonales.

Chaque diagonale, les parallèles partant de ses deux extrémités et l’une quelconque des deux autres diagonales seront quatre droites dont l’ensemble formera un quadrilatère simple, dont on pourra mener les deux diagonales, lesquelles se couperont en un certain point.

Or, comme chacune des trois diagonales du quadrilatère complet, combinée tour-à-tour avec les deux autres, donnera naissance à deux de ces quadrilatères simples ; il arrivera qu’ils seront en tout au nombre de six.

Cependant les intersections des diagonales de ces six quadrilatères simples ne seront qu’au nombre de trois seulement, c’est-à-dire, que pour les deux quadrilatères dont un côté sera segment d’une même diagonale et dont les côtés opposés seront les deux autres diagonales entières, les quatre diagonales se couperont au même point.

Soit le point commun d’intersection des quatre diagonales des deux quadrilatères simples qui, s’appuyant sur ont pour leurs côtés opposés

Soit le point commun d’intersection des quatre diagonales des deux quadrilatères simples qui, s’appuyant sur ont pour leurs côtés opposés

Soit enfin le point commun d’intersection des quatre diagonales des deux quadrilatères simples qui, s’appuyant sur ont pour leurs côtés opposés

Si l’on mène les droites elles seront parallèles entre elles et à la droite fixe

En outre, les points seront respectivement en ligne droite avec et et et [4].

Démonstration. On s’assurera facilement de la vérité de ce théorème en remarquant que la détermination de chacun des points du point par exemple, revient à celle que donne M. Brianchon, dans son Mémoire sur les lignes du second ordre, où il propose (Art. LIV) de décrire une hyperbole qui touche quatre droites données ; et qui ait l’une de ses asymptotes parallèle à une droite donnée de position ; car, si nous supposons que les quatre droites (fig. 4) soient les tangentes données à l’hyperbole cherchée, qui doit avoir en outre, une de ses asymptotes parallèle à la droite la parallèle à cette dernière droite conduite par rencontrera la courbe cherchée en un point que nous représenterons par et qui sera situé à l’infini ; on connaîtra donc quatre tangentes et un point de l’hyperbole cherchée ; on pourra donc la construire d’après l’article LI de l’ouvrage cité. Pour cela, il faudra joindre le point au point c’est-à-dire, mener par une parallèle à puis mener par l’une des diagonales du quadrilatère simple qui, ayant pour l’un de ses deux côtés non parallèles, a son opposé sur et le point de rencontre de cette droite avec la première sera un des points de la courbe. Or, on aurait tout aussi bien pu mener l’autre diagonale du quadrilatère ; et son intersection avec aurait été également un point de la courbe ; or, cette cette courbe, ayant déjà un point sur n’en saurait avoir deux autres sur cette droite ; donc, l’autre diagonale doit également passer par le point qui est évidemment le milieu de la portion de la parallèle à conduite par interceptée entre et ce qui démontre la première partie de notre théorème, et en même temps le théorème LIV de l’ouvrage de M. Brianchon. Il est clair, d’ailleurs, qu’on pourrait faire le même raisonnement sur l’intersection des deux diagonales du quadrilatère simple qui, ayant pour l’un de ses côtés, a aussi son opposé sur et qu’ainsi cette intersection doit se confondre avec le point qui se trouve ainsi l’intersection des quatre diagonales de deux quadrilatères simples et d’une parallèle à conduite par On démontrerait évidemment des choses analogues des points Quant à la seconde partie du théorème, on voit que les trois points appartenant avec le point à la section conique qui touche à la fois les quatre droites il résulte de l’article XXIII de l’ouvrage cité que deux quelconques de ces trois points sont toujours en ligne droite avec un des trois points

THÉORÈME. Si l’on prolonge, dans un même sens, les trois côtés d’un triangle des quantités respectivement égales aux côtés consécutifs que l’on prolonge les mêmes côtés en sens inverse, des quantités respectivement égales aux côtés consécutifs  ; que l’on mène les six droites et qu’enfin on mène les trois droites divisant les angles du triangle en deux parties égales, et se terminant en aux côtés opposés, on aura

Démonstration. Par la construction (fig. 5), les droites sont respectivement parallèles aux droites d’où il résulte que les triangles sont respectivement semblables aux triangles et qu’ainsi on a

ce qui donne, en multipliant,

ou

et démontre ainsi la première partie de la double égalité ci-dessus.

Par la même construction, les droites sont respectivement parallèles aux droites d’où, il résulte que les triangles sont respectivement semblables aux triangles et qu’ainsi on a

ce qui donne, en multipliant

mais, d’après la construction, on a

donc enfin

ce qui démontre la seconde partie de notre double égalité.

Soient respectivement, les points où les côtés d’un triangle sont rencontrés par les droites qui, partant de ses sommets, divisent ses angles en deux parties égales. Suivant un théorème connu (voyez la Géométrie de M. Legendre) ; on aura

on aura de plus, par un autre théorème connu ;

et par suite

ou

de cette double proportion on tirera

substituant ces deux valeurs dans la première équation on en tirera

ou encore

Cela posé, désignons simplement par les trois côtés d’un triangle et par les droites qui, divisant ses angles en deux parties égales, se terminent aux côtés opposés ; nous aurons, par ce qui précède

prenant donc la racine quarrée du produit de ces trois équations il viendra

(1)

équation qui donne, sous une forme élégante, le produit des droites qui divisent les angles d’un triangle en deux parties égales, en fonction des côtés de ce triangle.

On peut simplifier cette équation en remarquant que le radical du second membre est le quadruple de l’aire du triangle. En représentant ainsi cette aire par il vient

(2)

On peut, dans cette dernière expression, introduire le rayon du cercle circonscrit ; on sait, en effet, qu’en représentant ce rayon par on a ce qui donne, en substituant,

(3)

Si l’on veut y introduire, au contraire, le rayon du cercle inscrit, en le désignant par il suffira de se rappeler que ce qui donnera

(4)

Si l’on désigne par les trois hauteurs du triangle, on aura

d’où

substituant donc, dans la dernière expression, elle deviendra

(5)

En comparant cette dernière formule à la formule (3) ; on en déduit

et par suite

(6)

relation remarquable par sa simplicité.

Il est d’ailleurs connu qu’en désignant par les rayons des quatre cercles qui touchent à la fois les trois côtés du triangle, on a substituant donc, dans cette dernière formule, elle deviendra

(7)

formule également digne d’être remarquée.


Séparateur

  1. Ce problème est un des 95 qui ont été proposés à la page 315 du VIII.e volume de ce recueil.
    J. D. G.
  2. Soient les trois hauteurs données, et les trois côtés inconnus du triangle cherché. Nous aurons

    Avec ses trois hauteurs prise comme côté, soit construit un triangle dont les hauteurs soient  ; nous aurons encore

    Enfin, avec les trois hauteurs de celui-ci, construisons-en un troisième, dont les trois hauteurs soient ce qui nous donnera

    En divisant l’une par l’autre, les deux premières suites d’égalités, on aura

    le triangle est donc semblable au triangle ses hauteurs doivent donc être proportionnelles aux hauteurs de celui-là, on doit donc avoir

    d’où

    ce qui fournit une construction assez élégante. Au surplus, la construction peut être réduite à ce qui suit :

    Avec les trois hauteurs données, prises pour côtés, formez un triangle, dont vous menerez les trois hauteurs ; avec ces trois nouvelles hauteurs, prises également pour côtés, formez un second triangle, dont vous menerez une seule hauteur quelconque ; et prolongez-la au-dessous de la base, de manière qu’elle devienne égale à la hauteur correspondante du triangle cherché. En menant, par l’extrémité de ce prolongement, une parallèle à la base, elle formera, avec les deux outras côtés prolongés, le triangle demandé.

    J. D. G.

  3. On peut aussi parvenir, assez simplement, à la démonstration de ce théorème à l’aide des considérations suivantes.

    Soient considérés le triangle comme la perspective d’un triangle équilatéral, et le comme la perspective de son centre, ce qui est permis ; les droites seront des perspectives de droites parallèles, et devront conséquemment concourir en un même point Pour la même raison, les droites concourent en un même point  ; et les droites concourent en un même point

    Soient présentement considérés les deux triangles comme les perspectives des deux bases d’un tronc de tétraèdre, à bases non parallèles ; étant la perspective de son sommet. Alors les points seront les perspectives de ceux où les côtés de la base supérieure du tronc rencontrent leurs correspondans dans la base inférieure ; ce sera donc les perspectives de trois points de l’intersection des plans des deux bases ; et conséquemment ils devront être en ligne droite, comme ces trois points eux-mêmes.

    J. D. G.

  4. M. Vecten aurait pu considérer aussi les trois quadrilatères simples que forme chaque couple de diagonales avec les parallèles à menées par les extrémités de la troisième.

    Appelant l’intersection des diagonales de celui dont les côtés parallèles passent par appelant l’intersection des diagonales de celui dont les côtés parallèles passent par et appelant enfin l’intersection des deux diagonales de celui dont les côtés parallèles passent par il arrive que sont respectivement sur les droites

    M. Vecten aurait pu ajouter encore que tout ce qui précède ne cesse pas d’être vrai, lorsque les droites, au lieu d’être parallèles à une droite fixe concourent en un point fixe quelconque.

    Tout cela paraît pouvoir se démontrer facilement, au moyen, de ce qui a été dit à la page 183 du VII.e volume de ce recueil.

    J. D. G.