Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Géométrie des courbes, article 9

QUESTIONS RÉSOLUES.

Recherches sur le premier des deux problèmes de
géométrie proposés à la page 36 de ce volume ;

Par un Abonné.
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Avant de nous occuper de la solution de ce problème, nous en généraliserons un peu l’énoncé, en le présentant ainsi qu’il suit :

PROBLÈME. Quelle est la courbe enveloppe de l’espace parcouru par une droite mobile, de grandeur invariable, constamment inscrite à une courbe plane donnée ? Quel est le lieu du sommet de l’angle mobile et variable, circonscrit à la même courbe, dont cette droite est la corde de contact ?

La difficulté du problème réside essentiellement dans sa première partie ; mais, bien qu’elle ne soit au fond qu’une pure difficulté de calcul, elle n’en paraît pas moins d’une nature assez grave ; et c’est peut-être cela seulement qui donne au problème quelque degré d’intérêt ; c’est une sorte d’énigme dont l’énoncé est très-court et très-clair ; mais dont le mot n’en est guère, pour cela, plus facile à découvrir. Nous allons essayer d’en pousser d’abord la solution aussi loin qu’elle puisse aller sans rien statuer sur la nature de la courbe donnée ; nous appliquerons ensuite nos formules générales au problème particulier qui avait été proposé. Nous nous attacherons principalement à donner à nos calculs et à leurs résultats une symétrie trop souvent négligée, et faute de laquelle le calculateur se décourage aisément, parce que ses formules ne lui offrent aucun moyen de reconnaître les méprises qu’il a pu commettre.

Solution. Supposons que la courbe donnée, rapportée à deux axes rectangulaires quelconques, ait pour équation

(1)

et soit la longueur de la corde mobile donnée.

Faisons, pour abréger, les coefficiens différentiels partiels

(2)

de manière que l’équation différentielle de la courbe soit

(3)

Considérons la corde dans une situation déterminée quelconque.

Soient alors ses deux extrémités, nous aurons

(I)

et, en différentiant,

(4)

De plus, puisque cette corde est constamment inscrite à la courbe nous devrons avoir

c’est-à-dire, pour abréger,

et par suite

(5)

Présentement, l’équation de la corde considérée comme droite indéfinie, passant par les deux points est

(IV)

dans laquelle les quatre paramètres n’équivalent proprement qu’à un seul, puisqu’ils se trouvent liés par les trois relations (I, II, III). La différentielle de cette dernière équation est d’ailleurs, en considérant à la fois comme variables, et comme constans,

(6)

Suivant donc la théorie des enveloppes (exposée à la page 361 du III.me volume de ce recueil), l’équation de la courbe demandée sera le résultat de l’élimination de entre les quatre équations (I, II, III, IV) et leurs différentielles ; c’est-à-dire, entre les huit équations (I, II, III, IV, 4, 5, 6). À la vérité, elles ne sont qu’en nombre égal à celui des quantités à éliminer ; mais on doit remarquer que les quantités qui n’entrent qu’au premier degré dans les équations qui les renferment, se trouvent en affecter tous les termes ; de sorte que l’élimination de trois quelconques d’entre elles entraîne d’elle-même celle de la quatrième ; on obtiendra donc ainsi une équation finale en qui, jointe aux quatre équations (I, II, III, IV), suffira pour éliminer ces quatre coordonnées ; et leur élimination conduira à une équation en qui sera l’équation demandée.

Procédons donc à l’élimination de En substituant, dans les équations (4, 6), les valeurs de tirées des équations (5), elles deviendront

lesquelles, étant multipliées en croix, donneront, en réduisant,

(V)

et telle est la dernière des cinq équations du problème, entre lesquelles il faudra éliminer les quatre quantités pour parvenir à l’équation de la courbe demandée.

La manière la plus commode d’employer ces équations sera d’éliminer d’abord entre elles il est aisé de comprendre que, dans les trois équations résultantes, entreront symétriquement ; de sorte qu’en posant on pourra les faire disparaître, et réduire ainsi le calcul à l’élimination de entre les trois équations résultantes.

Comme on passe très-facilement de l’ellipse à l’hyperbole et à la parabole, il nous suffira de considérer la première de ces trois courbes. Soit donc son équation

d’où

on trouvera, d’après cela, pour les cinq équations du problème,

L’élimination entre ces équations ne pouvant être que très-laborieuse, nous passerons de suite au cas du cercle, pour lequel on doit avoir les équations sont alors

En égalant le premier facteur de la dernière équation à zéro, on aurait

équation qui, combinée avec les équations (II, III), donnerait d’où ou la courbe cherchée serait la courbe donnée elle-même, dans le premier cas, et dans le second, elle se réduirait à un point placé à l’origine : ce ne sont donc ici que des solutions particulières, de la nature de celles qui ont été signalées, par M. Poncelet, à la page 229 du présent volume.

Rejetant donc ce premier facteur, l’équation (V) deviendra

(V)

cette équation, combinée avec l’équation (IV), donnera

substituant ces valeurs dans les trois premières équations, elles deviendront

des deux dernières on tire

c’est-à-dire que sont racines d’une même équation du second degré. On a, d’après cela,

et en quarrant

mettant cette valeur dans la première équation, elle deviendra

qui est, en effet, la véritable solution du problème.

Pour deuxième exemple, prenons l’hyperbole équilatère ayant pour équation

qui donne

Les équations du problème seront

(V)

Si, au moyen des équations (II, III), on chasse des trois autres, elles deviendront,

Posant alors

d’où

il viendra, en substituant

et la question sera réduite à éliminer et entre ces trois équations.

Tirant donc de la seconde valeur de pour la substituer dans les deux autres, elles deviendront

mettant, pour abréger, pour elles se changeront en celles-ci

Faisant encore, pour abréger,

elles deviendront

éliminant, au moyen des multiplications successives, méthode préférable à toutes les autres, comme la plus simple et la plus symétrique, il viendra



en remettant pour les fonctions de et que ces lettres représentent, on obtiendrait l’équation de la courbe cherchée ; mais on voit que, sauf les réductions, cette équation serait du 16.me degré. Il est sans doute fort probable que cette équation se trouverait compliquée de facteurs étrangers ; mais on conçoit que ces facteurs ne seraient point aisés à découvrir.

En conséquence, nous nous bornerons au seul cas où l’hyperbole équilatère dégénère en deux droites perpendiculaires l’une à l’autre ; on a dans ce cas et les deux équations du 4.me degré en prennent cette forme

Si, dans la dernière, on posait la première donnerait d’où résulterait équation de l’axe des il faut donc poser

d’où

valeur qui, substituée dans la première, donne

On voit, par la complication de cette équation, quelle aurait dû être celle de l’équation qui aurait répondu au cas général.

Pour dernier exemple, nous prendrons la parabole ayant pour équation

nous aurons ainsi

en conséquence, les équations du problème seront

Si, au moyen des équations (II, III), on élimine et des trois autres, elles deviendront

posant

d’où

on aura ainsi, en substituant

mettant dans la première et la troisième la valeur de tirée de la seconde, il viendra

équations entre lesquelles il n’est plus question que d’éliminer mais il est aisé de voir que l’équation finale pourra monter au 8.me degré.

Cependant, comme la courbe ne peut être, dans le cas présent ; que d’une nature très-simple, on doit croire que cette équation finale contiendra quelque facteur étranger, appartenant à une ou plusieurs solutions particulières du problème ; et l’on voit ici l’inconvénient de nos procédés d’élimination qu’a signalé ailleurs M. Poncelet. (Voyez la page 230 de ce volume).

Il ne paraît pas qu’on puisse éluder ces difficultés, tant que l’on conservera le même mode d’opérer ; mais on peut tenter d’autres voies pour parvenir au but. Reprenons l’équation de l’ellipse

(1)

soit

(2)

l’équation d’une droite indéterminée ; en la combinant avec la première, on trouvera pour les coordonnées de leurs intersections

en exprimant donc que la corde interceptée est égale à on aura l’équation de relation

(3)

au moyen de laquelle l’équation (2) deviendra celle d’une tangente à la courbe cherchée. Mais l’équation d’une tangente à une courbe, en un point est, comme l’on sait,

ou

en exprimant donc que cette équation est identique avec l’équation (2), il viendra

substituant ces valeurs dans l’équation (3), en supprimant les accents devenus désormais inutiles, on aura, pour l’équation différentielle de la courbe cherchée, en supprimant toutefois le facteur évidemment superflu,

(5)

Il s’agirait présentement de savoir quel est le plus facile de l’intégration de cette équation ou de l’élimination à laquelle nous avions d’abord réduit le problème.

Mais, de tous les moyens de parvenir au but, le plus brief, s’il n’était en même temps le plus difficile, serait, sans contredit, de deviner, d’après les conditions du problème, la nature de la courbe cherchée, de former une équation hypothétique de cette courbe, dans laquelle on introduirait des coefficiens indéterminés, et d’assigner ensuite les valeurs de ces coefficiens par la considération de divers cas particuliers.

Dans le cas où, par exemple, au lieu d’une courbe donnée, on a deux droites perpendiculaires entre elles ; en considérant, 1.o que ces deux droites doivent être des diamètres principaux de la courbe cherchée ; 2.o qu’aux valeurs doivent répondre respectivement ou on est conduit à soupçonner que l’équation de cette courbe pourrait bien être de la forme

si l’on remarque ensuite que, pour les valeurs égales de et de on doit avoir d’où et on aura

ou d’où

ce qui donne, comme nous l’avons déjà trouvé,

Voilà ce qu’il s’agirait de faire pour l’ellipse, à moins que quelqu’un n’imagine une voie plus commode encore pour parvenir au but.