Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Géométrie élémentaire, article 5

GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Solution de divers problèmes de géométrie, dont
plusieurs ont été proposés dans ce recueil ;

Par M. J. B. Durrande, professeur suppléant de
mathématiques spéciales au collège royal de Cahors.
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Avant d’entrer en matière, je vais d’abord établir quelques lemmes nécessaires pour l’objet que j’ai en vue.

LEMME 1. Les tangentes menées à deux cercles de chacun des points de leur axe radical, et terminées à leurs points de contact respectifs, sont égales entre elles[1].

LEMME II. Les tangentes menées à trois cercles de leur centre radical, terminées à leurs points de contact respectifs, sont égales entre elles.

LEMME III. Les cônes circonscrits à deux sphères, ayant pour sommet commun l’un quelconque des points de leur plan radical, et terminés à leurs lignes de contact, ont leurs arêtes ou génératrices égales entre elles.

LEMME IV. Les cônes circonscrits à trois sphères, ayant pour sommet commun un quelconque des points de l’axe radical de ces trois sphères, et se terminant à leurs lignes de contact respectives, ont leurs arêtes ou génératrices égales entre elles.

LEMME V. Les cônes circonscrits à quatre sphères, ayant pour sommet commun le centre radical de ces quatre sphères, et se terminant à leurs lignes de contact respectives, ont leurs arêtes ou génératrices égales entre elles[2].

LEMME VI. Les tangentes menées à deux cercles, par leurs points d’intersection homologues avec une sécante commune quelconque passant par leur centre de similitude, sont parallèles entre elles[3].

LEMME VII. Les plans tangens menés à deux sphères, par leurs points d’intersection homologues avec une sécante commune quelconque, passant par leur centre de similitude, sont parallèles[4].

LEMME VIII. Soient deux cercles touchés respectivement par une même droite en et et par un même cercle en et si la droite et le cercle touchent de la même manière les deux cercles dont il s’agit, le point de concours de et sera, à la fois, sur la circonférence du cercle et sur l’axe radical des deux autres cercles.

Démonstration. En effet (fig. 1, 2, 3), les points et étant des centres de similitude ; il en résulte (Lemme VI) que d’abord et doivent rencontrer la troisième circonférence en des points dont les tangentes soient parallèles à or, il n’existe sur cette circonférence que deux tels points, lesquels sont les extrémités d’un même diamètre perpendiculaire à et comme par l’inspection même de la figure, et ne peuvent passer l’une par un de ces points et l’autre par l’autre, elles passeront toutes deux par l’un d’eux, et se couperont ainsi en un point de la circonférence .

En second lieu, comme il est, d’ailleurs connu que les quatre points appartiennent à une même circonférence, il s’ensuit qu’on doit avoir ce qui prouve que les tangentes menées par le point aux deux cercles doivent être égales, et qu’ainsi le point est un de ceux de l’axe radical de ces deux cercles.

Si le cercle et la droite ne touchaient pas les deux cercles donnés de la même manière ; c’est-à-dire, si l’un seulement passait entre eux ; alors et passeraient par les deux extrémités d’un même diamètre, et conséquemment la proposition cesserait d’avoir lieu.

Par un raisonnement tout-à-fait semblable, et en s’appuyant sur les lemmes IV et VII, on démontrera le lemme analogue que voici :

LEMME IX. Soient trois sphères touchées respectivement par un même plan en et par une même sphère en si le plan et la sphère touchent de la même manière les trois sphères dont il s’agit, les droites concourront en un même point qui sera à la fois sur la quatrième sphère et sur l’axe radical des trois premières.

PROBLÈME I. Construire trois cercles tels que chacun d’eux touche les deux autres, et qui satisfassent de plus aux conditions suivantes, 1.o que les points de contact de deux d’entre eux avec le troisième soient deux points donnés ; 2.o que ces deux-là soient tangens à un même cercle donné[5] ?

Solution. Soient les deux points donnés, et le centre du cercle donné (fig. 4, 5) ; il s’agit donc de décrire trois cercles tels, 1.o que touche respectivement en 2.o que ces deux derniers se touchent eux-mêmes ; 3.o enfin qu’ils soient en même temps tous deux tangens au cercle

Supposons le problème résolu et les cercles tracés, ainsi qu’on le voit dans les figures, et soient les points de contact respectifs de avec

D’après les théorèmes connus, les trois droites concourent en un même point et on a de plus donc, si l’on mène une tangente au cercle on aura d’où il suit que le cercle qui, passant par touchera la touchera au point il touchera donc aussi le cercle en ce point. Le point est donc connu, ainsi que la direction de la tangente en ce point ; et, comme la droite est donnée, il s’ensuit que le point d’intersection de ces deux droites peut être assigné. Décrivant donc un cercle de ce point comme centre et avec pour rayon, on sait que ce cercle passera par le point de contact des deux cercles et chacun de ces deux derniers se trouvera donc assujetti à passer par un point donné et à toucher deux cercles donnés ; ces deux cercles peuvent donc être tracés ; et, lorsqu’ils le seront, rien ne sera plus facile que de construire le cercle

PROBLÈME II. Construire quatre sphères telles que chacune d’elles touche les trois autres et qui satisfassent de plus aux conditions suivantes : 1.o que les points de contact des trois premières avec la quatrième soient trois points donnés : 2.o que ces trois sphères soient tangentes à une même sphère donnée ?

Solution. Soient les quatre sphères cherchées, la sphère donnée, devant être touchée, à la fois, par les trois sphères aux points respectifs et inconnus et soient les pointa de contact donnés de ces trois mêmes sphères avec la sphère

Les droites concourent en un même point les droites concourent en un même point les droites concourent en un même point et les trois points sont en ligne droite.

Soit le centre d’une sphère qui, passant par les points touche la sphère et soit son point de contact avec cette dernière sphère.

Il sera facile de prouver, comme dans le problème précédent, que le plan tangent en à la sphère passe par la droite et, comme ce plan peut être déterminé, et que de plus les droites sont données, il s’ensuit que les points intersections de ces droites avec ce plan ; peuvent être considérés comme connus.

Donc ; si de ces points pris respectivement pour centres, et avec des rayons respectivement moyens proportionnels entre et et et on décrit trois sphères ; ces sphères seront, deux à deux, tangentes aux sphères cherchées savoir : la première et la troisième à la première et la seconde à la seconde et la troisième à chacune des trois sphères sera donc assujettie à passer par un point donné à toucher la sphère donnée et à toucher en outre deux autres sphères données chacune de ces trois sphères pourra donc être construite et, lorsqu’elles l’auront été toutes trois, rien ne sera plus facile que de construire la quatrième sphère

PROBLÈME III. Décrire trois cercles tels que chacun d’eux touche les deux autres, et qui satisfassent de plus aux conditions suivantes, savoir ; 1.o que les points de contact de deux d’entre eux avec le troisième soient deux points donnés ; 2.o que le point de contact de ces deux-ci soit en même temps leur point de contact commun avec un cercle donné ?

Solution. Soient les deux points donnés, et le centre du cercle donné (fig. 6). Il s’agit donc de décrire trois cercles de manière que les deux derniers touchent respectivement le premier aux points et qu’en outre ces deux-ci touchent le cercle en un même point

Supposons le problème résolu : soient menées les tangentes communes intérieures en elles concourront en un même point qui sera le centre radical de ces trois cercles, de manière qu’on aura donc, le point est aussi (Lemme II) le centre radical du cercle et des deux points considérés eux-mêmes comme deux cercles de rayons nuls ; donc, ce point est connu ; donc, les trois droites sont également connues ; chacun des cercles se trouve donc assujetti à toucher deux droites données dont l’une d’elles en un point donné ; ces deux cercles peuvent donc être construits, et leur construction effectuée ; il est facile d’en déduire celle du cercle

PROBLÈME IV. On demande trois cercles tels que chacun d’eux touche les deux autres, et qui satisfassent de plus aux conditions suivantes, savoir ; 1.o que le point de contact de et soit un point donné ; 2.o que la tangente commune au point de contact de et soit une droite donnée ; 3.o que la tangente commune au point de contact de et soit aussi une droite donnée[6] ?

Solution. Soit le point donné et soient les deux droites données (fig. 7, 8) concourant en ce point sera le centre radical des trois cercles, de sorte que sera une tangente commune aux cercles de plus, si sont les points de contact inconnus, on aura ces points peuvent donc être déterminés ; on connaît donc deux tangentes à chacun des cercles cherchés, ainsi que leurs points de contact ; ce qui est plus que suffisant pour les déterminer.

Il est clair que le problème peut admettre quatre solutions.

PROBLÈME V. Décrire trois cercles tels que chacun d’eux touche les deux autres, et qui satisfassent de plus aux deux conditions suivantes, savoir ; 1.o que les tangentes aux points de contact de l’un d’eux avec les deux autres soient deux droites données ; 2.o que ces deux-ci soient tangens à une même droite donnée ?

Solution. Soient les trois cercles cherchés (fig. 9, 10) ; les points de contact inconnus de avec et les tangentes données en ces points ; une tangente commune donnée aux deux cercles et et ses points inconnus de contact avec eux ; et le point où ces deux cercles se touchent, point également inconnu.

Il est d’abord clair que est le centre radical des trois cercles cherchés, on voit en outre (Lemme VIII) que la tangente commune qui passe par le milieu de doit aller concourir en avec et sur la circonférence

Cela posé ; par menons à une parallèle rencontrée en et par et les triangles seront respectivement semblables aux triangles et conséquemment isocèles comme eux ; et de même qu’on a on a aussi On voit par là que sont respectivement perpendiculaires aux droites qui divisent les angles connus en deux parties égales ; la droite peut donc être considérée comme le lieu de tous les points desquels, abaissant des perpendiculaires sur les droites connues ces perpendiculaires interceptent sur des parties égales cette droite peut donc être considérée comme connue ; les cercles sont donc assujettis à être respectivement inscrits aux triangles ces cercles peuvent donc être construits ; et de leur construction résultera fort simplement celle du cercle

PROBLÈME VI. Décrire trois cercles qui se touchent deux à deux et qui touchent à leurs points de contact trois cercles, donnés ?

Solution. Soient (fig. 11) les trois cercles donnés, et soient les trois cercles cherchés ; les deux cercles devant toucher, au même point les deux cercles devant toucher au même point et les deux cercles devant toucher au même point

Les tangentes communes menées à ces cercles par leurs points de contact concourent, comme l’on sait, en un même point qui est leur centre radical ; de sorte qu’on a ce point est donc aussi (Lemme II) le centre radical des trois cercles donnés  : et conséquemment il peut être considéré comme connu, ainsi que les points de contact des tangentes menées de ce point à ces trois cercles ; on connaît donc deux tangentes à chacun des cercles cherchés ; ainsi que leurs points de contact ; on a donc plus qu’il ne faut pour les déterminer complètement.

La construction ne cesserait pas d’être la même si tout ou partie des cercles donnés se réduisaient à des points.

Si l’un des cercles donnés dégénérait en ligne droite (fig. 12), le point serait l’intersection de cette droite avec l’axe radical des deux autres cercles

Si deux des cercles donnés dégénéraient en lignes droites (fig. 13), le point serait l’intersection de ces deux lignes droites, sur lesquelles il faudrait prendre, à partir de ce point, des parties égales à la tangente menée du même point au cercle

Si enfin, les cercles se trouvaient tous trois remplacés par des lignes droites ; ou bien ces droites ne concourraient pas en un même point, auquel cas le problème serait impossible, ou bien elles y concourraient, et alors le problème serait indéterminé, les distances des points de contact au point étant simplement assujetties, dans ce cas, à être égales entre elles.

  1. Voyez, pour la définition des plans, axes et centres radicaux, soit un mémoire inséré à la page 349 du IV.e volume de ce recueil, soit un autre mémoire inséré à la page 326 du VI.e volume, soit enfin un mémoire de M. Gaultier-de-Tours, dans le XVI.e cahier du Journal de l’école polytechnique.
  2. Toutes ces propositions découlent si naturellement et si évidemment tant des propriétés des tangentes et sécantes partant d’un même point, que de la manière dont se déterminent les plans, axes et centres radicaux, que nous aurions cru faire une chose superflue que de nous arrêter à les démontrer ; il en résulte les conséquences que voici :

    1.o Les quatre tangentes communes à deux cercles, terminées à leurs points de contact respectifs, ont leurs milieux sur une même droite qui n’est autre que l’axe radical de ces deux cercles.

    2.o Les quatre troncs de cônes circonscrits aux deux mêmes sphères se terminant à leurs lignes de contact respectives, ont leurs sections également distantes des deux bases situées sur un même plan, lequel n’est autre que le plan radical de ces deux sphères.

    3.o Les centres des cercles passant par les points de contacts de trois sphères avec chacun de leurs plans tangens communs sont huit points situés sur une même ligne droite, laquelle n’est autre que l’axe radical de ces trois sphères.

  3. Voyez, pour la définition des centres, axes et plans de similitude, le mémoire déjà cité de la page 326 du VI.e volume de ce recueil.
  4. Ces deux derniers lemmes résultent si évidemment de la nature et de la situation du centre de similitude, que nous croyons superflu de les démontrer ; il en résulte les conséquences suivantes :

    1.o Trois cercles étant tracés arbitrairement sur un même plan ; on peut toujours trouver trois points semblablement placés sur leurs circonférences : ce sont leurs points de contact avec les tangentes parallèles à leur axe de similitude. Le problème a huit solutions.

    2.o Quatre sphères étant données dans l’espace ; on peut toujours trouver quatre points semblablement situés sur ces quatre sphères : ce sont leurs points de contact avec les plans tangens parallèles à leur plan de similitude, Le problème a seize solutions.

  5. C’est le premier problème proposé à la page 28 du VI.e volume de ce recueil.
  6. C’est un cas particulier du problème proposé à la page 92 du V.e volume de ce recueil