Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Géométrie descriptive, article 2

Séparateur

Sur les plans osculateurs et les rayons de courbure
des lignes planes ou à double courbure, qui résultent
de l’intersection de deux surfaces ;

Par M. Hachette.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
Extrait du Bulletin des sciences.[1]

De toutes les propositions d’analise appliquées à la géométrie, les plus importantes sont relatives à la courbure des lignes et des surfaces. En les démontrant, par des considérations dégagées de tout calcul ; on augmente le domaine de la géométrie, et les théories les plus abstraites deviennent applicables aux arts les plus usités. Le mémoire de M. Hachette conduit à une règle générale pour construire graphiquement, avec le seul secours de la géométrie descriptive, les plans osculateurs, et les rayons de courbure de lignes à double ou simple courbure, qui résultent de l’intersection de deux surfaces. Cette règle se déduit des propositions suivantes :

1.o Une surface réglée[2] (c’est ainsi que l’auteur nomme la surface non développable engendrée par une droite mobile, quelle que soit d’ailleurs la loi du mouvement) étant coupée par un plan ; gui passe par une droite de la surface, les points d’intersection de ce plan et de toutes les autres droites de la même surface, forment une courbe : le point de rencontre de cette courbe et de la droite de la surface contenue dans le même plan, est un point de contact de ce plan et de la surface réglée ; en sorte que le même plan est à la fois tangent et sécant.

2.o La normale en un point de la courbe qui résulte de l’intersection d’une surface et d’un plan, est la projection orthogonale de la normale à la surface au même point, sur le plan de la courbe.

3.o Une surface étant coupée par un plan, la surface réglée, lieu des normales menées par tous les points de la courbe plane, et la surface cylindrique qui a pour section droite[3] la développée de la courbe, sont circonscrites l’une à l’autre.

4.o Une ligne à double courbure étant l’intersection de deux surfaces, on peut la considérer comme appartenant aux deux surfaces réglées, lieux des normales aux surfaces proposées, qu’on mènerait par tous les points de la courbe à double courbure ; si, par un point quelconque de cette courbe, on mène un plan qui lui soit perpendiculaire en ce point, ou plutôt perpendiculaire à sa tangente, ce plan touchera les deux surfaces réglées en deux points, remarquables par cette propriété, que leurs projections sur un plan quelconque, passant par la tangente à la courbe à double courbure, sont les centres de courbure des deux sections faites par ce plan sur les surfaces proposées. Menant, par le point de la courbe à double courbure que l’on considère, un plan perpendiculaire à la droite qui joint les deux points de contact des surfaces réglées et de plan normal à cette courbe, ce plan perpendiculaire sera le plan osculateur de la courbe, et il coupera la droite à laquelle il est perpendiculaire, en un point, qui sera le centre du cercle osculateur.

Il suit évidemment de la troisième proposition, que les cercles osculateurs de toutes les sections d’une surface, dont les plans passent par une même tangente, appartiennent à une sphère, proposition démontrée par Meusnier ; et, ce qui n’est pas moins évident, toutes les sections obliques dont les plans font, avec une normale à la surface, le même angle, ont un même rayon de courbure, lorsque les sections normales perpendiculaires aux sections obliques, ont même centre de courbure.

Ayant construit graphiquement les rayons de courbure de trois sections quelconques, passant par une même normale d’une surface, M. Hachette fait observer qu’on en déduirait facilement les rayons de courbure et les plans osculateurs des lignes de courbure, dont Monge a le premier donné les équations. En effet, on calculerait ces rayons de courbure, maximum et minimum, au moyen de la formule d’Euler

et étant les rayons de courbure de la surface, le rayon de courbure d’une section normale, dont le plan fait avec le plan osculateur de la ligne de courbure l’angle A[4]. (Voyez la Correspondance sur l’école polytechnique, tome III, page 134).

L’application de ces propositions est de la plus haute importance dans les arts graphiques ; elle donne la mesure de la quantité de courbure des lignes et des surfaces, dont on n’a déterminé, jusqu’à présent, que la direction, par les tangentes et les plans tangens.


  1. M. Dupin, dans le précédent article, ayant fait mention de celui-ci, nous avons pensé faire plaisir à ceux de nos lecteurs qui n’ont point sous la main le Bulletin des sciences, de le transcrire ici tel qu’on l’y rencontre.
    J. D. G.
  2. Quelques surfaces de cette famille, qu’on emploie dans les arts graphiques, se nomment surfaces gauches, ou plans gauches. Le mot réglée signifie qu’on peut appliquer l’arête d’une règle sur toutes les droites dont la surface se compose. M. Hachette a démontré précédemment, 1.o que la surface lieu des normales menées par tous les points d’une droite, prise à volonté sur une surface réglée, était l’une des cinq surfaces du second degré qu’il a nommée paraboloïde hyperbolique ; 2.o que, dans le nombre infini de surfaces du second degré, dites hyperboloïdes à une nappe, qui peuvent toucher une surface réglée suivant une droite de cette surface, et avoir avec elle un contact de premier ordre, il y a un de ces hyperboloïdes, dont le contact suivant la même droite est du second ordre.
  3. On nomme section droite d’un cylindre, la section perpendiculaire à ses arêtes.
    (Notes du Bulletin des sciences.)
  4. M. Hachette observe à ce sujet que le théorème de M. Dupin, qui consiste en ce que les tangentes aux deux lignes de courbure, en un point quelconque d’un hyperboloïde à une nappe, divisent en deux parties égales l’angle des deux droites de la surface, qui passent par le même point, se déduit très simplement de la formule d’Euler. En effet, étant infini, pour les deux sections normales, on a

    équation qui est satisfaite quel que soit le signe de  ; donc cette équation appartient tout aussi bien à la section normale, dont le plan fait avec le plan de la ligne de courbure un angle égal à qu’à la section dont le plan fait avec ce dernier un angle ou dont l’inclinaison sur ce dernier est la même que pour l’autre plan, mais qui est situé du côté opposé.