Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 05/Astronomie, article 3

ASTRONOMIE.

Essai d’une nouvelle solution des principaux problèmess
d’astronomie ;
Par M. Kramp, professeur, doyen de la faculté des
sciences de l’académie de Strasbourg.
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(Cinquième Mémoire).[1]

143. Problème ix.. On demande de représenter les époques des conjonctions et des oppositions d’une planète quelconque avec son satellite, par une série ordonnée selon les puissances ascendantes de l’excentricité de la planète principale, en regardant le mouvement du satellite comme circulaire et uniforme ?

144. Solution. Soient (fig. 1) la demi-orbite de la planète principale, son grand axe, son aphélie, son périhélie, le foyer de l’ellipse, occupé par le soleil ; le satellite étant porté sur un épicycle dont le centre parcourt la circonférence de l’ellipse, conformément aux lois connues du mouvement planétaire. Supposons qu’au moment où la planète principale était à l’aphélie de son orbite, le satellite ait été au point de l’épicycle. Supposons de plus qu’au bout du temps, la planète ait parcouru l’arc de son orbite, et, ayant mené les lignes respectivement parallèles à supposons que, dans le même temps le satellite ait parcouru l’arc de la sienne.

145. Désignons par le temps d’une révolution de la planète, et par le temps d’une révolution du satellite. Soient de plus

le demi-grand axe de l’orbite de la planète ;

son demi-petit axe ;

le rayon de l’orbite du satellite

l’anomalie vraie

l’anomalie excentrique correspondante ;

l’angle qui fixe le lieu du satellite, au moment du passage de la planète par son aphélie.

On aura conséquemment

pour l’excentricité de l’orbite,

pour son aphélie

pour son périhélie

146. En conséquence, on aura les équations suivantes :

On tire des deux premières

et de la troisième

Ces valeurs, égalées entre elles, donneront

D’un autre côté, on a, pour l’expression littérale de l’angle

ou

Cet angle devant s’évanouir en cas de syzygie, on aura

ou

et

donc

en conséquence

Tel est le rapport différentiel dont il faudra déduire les coefficiens de la série que nous cherchons.

147. Pour donner à nos formules la simplicité que nos développemens exigent, soient

donc

On aura ainsi

et si, pour abréger, on désigne cette fraction par on aura

Il paraît convenable de faire encore, pour abréger, il en résulte


on a alors


ce qui donne

148. Si, d’après le but du problème, on désigne par le temps au bout duquel il arrive une syzygie, on aura

et les coefficiens formeront les inconnues du problème. Le premier terme est ce que devient dans le cas de lequel fournit

d’où l’on tire

et telle est la valeur du premier terme de la série. On aura donc

149. Le coefficient est ce que devient le rapport différentiel dans le même cas de qui est celui de d’où

Il en résultera

en sorte que le second terme de la série est

150. Il faudra passer de là aux rapports différentiels On peut remarquer que tous les termes dont ces rapports sont composés sont compris sous la forme

la lettre désignant une fonction rationnelle et entière de et  ; tellement que tandis que Le problème est donc réduit à trouver la différentielle de la fonction fractionnaire

151. On en tire

donc

ou, en divisant par

multipliant enfin de part et d’autre par

152. Donc, si l’on fait, pour abréger,

on aura finalement

153. Les trois coefficiens sont des fonctions rationnelles et entières de et On trouve, en les développant,

On peut remarquer que la première de ces trois fonctions, savoir est divisible par  ; on trouve

Exemple I. Ayant trouvé

on demande

Faisant

on aura

donc

reste donc à trouver

Comparant à la formule générale

on trouve

on en tire

donc

donc

154. Le troisième coefficient de la série est ce que devient la fraction dansle cas de qui est celui de et On aura donc

ou

le troisième terme sera donc

155. On vient de trouver la valeur littérale de composée de trois fractions telles que

dans lesquelles

Pour passer à il faut appliquer la formule générale à chacune des trois fonctions en particulier. En conséquence, nous aurons les différentielles qui suivent.

Exemple II. On demande la différentielle de

On a ici

d’où il résulte

En suite de quoi on aura finalement

156. Exemple III. On demande la différentielle de

On a ici

donc

d’où il résulte

157. Exemple IV. On demande la différentielle de

ce qui donne

on aura finalement

158. Mettant ensemble les exposions différentielles des trois numéros précédens, on trouve

Or, on trouve, après les réductions

159. Le quatrième coefficient est encore ce que devient le rapport différentiel dans le cas de qui est celui de ou et ensuite et en désignant ici par l’angle Cette supposition donne

on aura donc

Les deux termes de cette fraction sont divisibles par le quarré ce qui donne

en conséquence

160. En appliquant les mêmes formules à la recherche du coefficient suivant j’ai trouvé

En conséquence, voici le tableau des cinq premiers coefficiens de la série qui fait connaître les époques de toutes les conjonctions et oppositions du satellite avec la planète principale, qui peuvent avoir lieu dans un temps quelconque. On se rappellera que désigne un nombre entier quelconque, pair dans les conjonctions, impair dans les oppositions du satellite vu de la planète. Nous continuerons d’employer la lettre pour désigner l’angle On aura

et ainsi des autres.

161. La révolution sydérale de Jupiter, exprimée en jours, est telle est donc la valeur numérique de Quant à celles de ses satellites, on trouve

Le rapport est donc, pour les quatre satellites, ainsi qu’il suit :

La fraction est donc très-petite pour tous les quatre satellites, et sur-tout pour les deux premiers dont les mouvemens se rapprochent le plus du mouvement uniforme et circulaire, dont les inégalités sont les moins sensibles, et dont les syzygies, très-fréquentes, ont le plus d’intérêt pour nous. En se bornant à la première puissance, de cette fraction, on aura et ensuite

et ainsi des autres.

162. La série que l’on vient de trouver comprend donc ce qu’on m appelé la première inégalité des éclipses. Pour en faire l’application, commençons par démontrer quelques formules générales qui concernent ces éclipses ; en nous occupant de la longitude seule, et en supposant ainsi l’orbite du satellite dans le plan même de celle de la planète principale. De plus, nous continuerons de regarder celle du satellite comme circulaire.

163. Soient donc (fig.2) le centre et le rayon du soleil, dont la circonférence est ainsi représentée dans la figure. Représentons l’orbite de la terre par le cercle décrit du centre avec le rayon Soient le centre et le rayon de Jupiter, et  ; deux points opposés de sa surface. Du centre avec le rayon décrivons une circonférence de cercle, que nous prendrons pour l’orbite de quelqu’un de ses satellites. Menant de part et d’autre les deux tangentes aux circonférences du soleil et de Jupiter, on aura en le sommet du cône ténébreux que cette planète Laisse derrière elle. Le satellite, en parcourant l’arc de son orbite, aura son immersion dans l’un de ces deux points et son émersion dans l’autre. Pour que l’une et l’autre puissent être apperçues de la terre, il faut que la tangente menée du point au bord opposé de la circonférence de Jupiter, traverse, après avoir été prolongée, l’orbite de la terre, dans les deux points et Tant que ces intersections seront possibles, la durée entière de l’éclipse pourra être observée ; mais il faudra se borner à observer l’une de ses deux phases, lorsque la tangente prolongée passera entièrement à côté de l’orbite de la terre. Reste donc à trouver l’expression littérale des deux angles et

164. Les quantités données du problème sont au nombre de cinq, savoir :

rayon du soleil,

rayon de Jupiter,

distance moyenne des centres du soleil et de la terre,

distance moyenne de Jupiter au soleil,

distance du centre de Jupiter à son satellite.

165. Pour dresser la table des valeurs numériques de ces quantités, j’ai employé les dimensions et distances rapportées sous les n.os 57, 106 et 110 du troisième volume de l’Astronomie physique de Biot. Comme le rayon du soleil est égal à fois celui de la terre, j’ai divisé tous les nombres par  ; au moyen de quoi le rayon du soleil devient l’unité commune de tous les nombres de la table. J’ai désigné par les distances du centre de Jupiter à celui de ses premier, second, troisième et quatrième satellites, respectivement, et j’ai obtenu ce qui suit :

166. La première chose qui se présente, c’est la longueur du cône ténébreux de Jupiter, ainsi que son angle au sommet. On aura, par les formules connues,

ce qui fait donc la distance moyenne de Jupiter au soleil et l’angle que l’on pourra fort bien obtenir, avec son sinus et sa tangente, sera

167. Pour passer de là à la position du point soit  ; donc et On aura ou quantité que, pour abréger, nous désignerons par De nous tirerons en continuant de désigner par l’angle On aura ensuite la proportion ou, en élevant au quarré Développant cette équation, on trouve
ou

et par conséquent

ou

On a eu ce qui donne

et par conséquent

or, comme

on voit que le quarré de disparaît complètement devant celui de ce qui donne et Par cette même raison, la racine de se réduira à On aura ainsi

On trouvera ensuite

,

donc

ou

On aura enfin

et la position des points et de l’orbite terrestre sera rigoureusement déterminée.

168. En appliquant le calcul numérique à ces formules ; en employant de plus les notations pour désigner les points et les angles qui répondent aux premier, deuxième, troisième et quatrième satellites, respectivement, on trouve

On trouve ensuite les distances ainsi qu’il suit :

169. Passant de là au calcul des angles on trouve,

Les valeurs numériques des deux premiers cosinus, plus grandes que l’unité, font voir que la durée des éclipses du premier satellite ne pourra jamais être observée, et qu’on ne pourra pas observer non plus celle des éclipses du second, dans les moyennes distances de la terre et de Jupiter au soleil ; mais cette observation sera possible dans les deux autres.

On trouve

d’où il résulte

  1. Voyez les pages 161 et 287 du IV.e volume de ce recueil, et les pages 1 et 221 de celui-ci.